Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 12 octobre 2018
Fiscalité locale

Taxe d'habitation : la majorité présidentielle lance une campagne de dénigrement contre les maires

Depuis hier, la question de la taxe d’habitation est revenue sur le devant de la scène, notamment au travers d’une violente campagne menée par le gouvernement et ses soutiens, qui accusent les maires rien de moins que de vouloir « saborder »  la réforme engagée par le gouvernement.
Le gouvernement avait annoncé que, dès cette année, la taxe d’habitation allait diminuer pour « 80 % des Français », avec dès 2018 « une diminution de 30 % »  pour 22 millions de foyers. Or, un certain nombre de contribuables ont constaté, en recevant leur avis, que leur TH avait stagné, voire augmenté.
Pour expliquer ces hausses, le gouvernement n’a pas hésité à en faire porter directement la responsabilité aux maires. Sur les avis d’imposition figure en effet un encadré expliquant : « À la suite de la réforme nationale de la taxe d'habitation, vous bénéficiez pour cette année d'une réduction de 30% de cet impôt. Toutefois, l'une au moins de vos collectivités locales ayant augmenté son taux ou supprimé des avantages vous concernant, votre gain est diminué. » 
Sauf que les cas où les augmentations de taux votées par les communes cette année sont suffisamment importantes pour effacer les 30 % de baisse sont très rares. En se reportant à la base de données rendue publique par les services fiscaux, on peut en avoir une idée très précise : seules 138 communes, sur les 35 335 qui sont référencées dans la base, ont augmenté leur taux de plus de 30 % – soit 0,39 % d’entre elles. Dans la grande majorité des cas où les contribuables ont été touchés par une hausse nette de leur imposition, cela est dû – comme Gérald Darmanin a d’ailleurs dû le reconnaître lui-même, ce matin sur RTL – à la modification de la composition du foyer, avec par exemple le départ d’un enfant.

« Tutelle morale » 
Mais peu importe : les éléments de langage du gouvernement et du parti LaREM, répétés en boucle depuis hier, consistent clairement à charger les maires pour leur faire porter toute la responsabilité des hausses. Autrement, dit, plutôt que de s’interroger sur sa communication peut-être un peu trop triomphaliste, qui a laissé croire que tous les foyers modestes allaient connaître une baisse de la TH, le gouvernement choisit de s’en prendre aux maires. Quitte à attaquer personnellement certains d’entre eux, comme l’a fait ce matin Gérald Darmanin, en s’attardant longuement sur la hausse du taux de TH décidée par le conseil municipal de Sceaux et son maire, Philippe Laurent – par ailleurs secrétaire général de l’AMF. Une attaque « ad hominem »  qui a ulcéré André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, joint ce matin par Maire info : « C’est du jamais vu. Je considère qu’il est absolument inadmissible de se livrer à une attaque personnelle contre un des principaux responsables de l’AMF – ce qui revient à une agression de l’institution AMF. » 
Plus généralement, André Laignel se dit « scandalisé »  de l’immixtion du gouvernement dans les décisions des maires. « C’est une attaque contre les principes que la Constitution a fixés, contre le droit fondamental qu’est la libre administration des collectivités territoriales. Le gouvernement, qui est déjà en train de mettre en place une tutelle administrative sur les communes, y ajouterait à présent une tutelle morale ? La petite fraction des maires de France qui a décidé d’augmenter le taux de TH est constitutionnellement libre de le faire, et dans tous les cas, c’est pour répondre aux besoins de leur territoire. »  Le maire d’Issoudun, qui parle d’une « malhonnêteté intellectuelle absolue »  dans la démarche du gouvernement, estime que cet épisode « ne pourra qu’aggraver encore un peu plus les relations entre l’AMF et le gouvernement ».

Une campagne politique sur twitter
Au-delà des propos tenus par les ministres, les militants du parti présidentiel ont lancé depuis hier une campagne d’une violence inouïe contre les maires sur les réseaux sociaux, avec le mot-dièse (hashtag) « #BalanceTonMaire ». Une référence évidente au fameux #BalanceTonPorc, dont on rappelle qu’il visait à dénoncer des harceleurs et des violeurs. Un parallèle jugé, là encore, « particulièrement injurieux »  par André Laignel, stupéfait que le parti du président de la République « s’abaisse à utiliser les réseaux sociaux pour prétendre dénoncer les maires ». La campagne s’offre en effet le ridicule d’appeler à « dénoncer »  sur twitter les maires qui ont augmenté la TH – comme s’il s’agissait d’un secret, comme si les délibérations des conseils municipaux n’étaient pas publiques, et comme si tous les chiffres n’étaient pas disponibles pour quiconque dispose d’une connexion internet.
Les militants LaREM qui postent sous ce hashtag ne se cachent pas des visées politiques de leur campagne, la plupart des posts se concluant, d’une façon ou d’une autre, par une formule du style « n’oubliez pas cela aux municipales ». Exemple pris entre cent : « Balance ton maire qui lui, a augmenté (la TH), à ton détriment ! Souviens-t-en au moment de voter pour les prochaines municipales ! Car ce maire-là n'œuvre pas pour toi !!!! ». Un autre : « 2020, n’oubliez pas de dégager votre maire ! ».
Parmi tous ces tweets, on trouve aussi la réaction de quelques citoyens indignés par la méthode, comme celle qui twitte : « Tu augmentes la taxe habitation pour maintenir le niveau de service public de ta ville et tu es mis au même niveau qu’un porc violeur, c’est ça ? Castaner, tu ferais mieux de tenir tes troupes... » 
Franck Lemarc

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