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Édition du jeudi 2 octobre 2025
Fiscalité locale

Résidences secondaires : la surtaxe n'a pas encore prouvé son efficacité pour remettre des logements sur le marché

Étendue l'an passé à plus de 2 200 nouvelles communes pour lutter contre la crise du logement, cette « manne financière » n'a, pour l'heure, pas permis de « rééquilibrer l'offre de logements » dans les zones tendues, constate un rapport parlementaire. Et ce, même si le nombre de communes à l'utiliser a explosé.

Par A.W.

L'élargissement du nombre de communes éligibles à la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) n’a pas contribué à remettre des logements dans le parc immobilier. C’est ce que constate le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale et député de la Marne (Liot), Charles de Courson, dans un rapport d’information publié hier sur « l'application des mesures fiscales », alors même que le nombre de communes à l’avoir activée a explosé.

Pourtant, c’était l’un des objectifs de l’extension, en fin d'année 2023, à 2 263 nouvelles communes du bénéfice de ce dispositif, qui en compte désormais près de 3 700 et qui permet une majoration jusqu’à 60 % de la THRS.

Des effets sur le logement « encore à démontrer » 

Réclamée notamment par les élus des zones touristiques en raison de la crise du logement qui sévissait et qui sévit toujours dans le pays, cette mesure devait permettre de « remettre des logements vacants ou des résidences secondaires sur le marché de l’habitat permanent et ainsi limiter la hausse des prix et des loyers dans ces communes », assurait le gouvernement de l’époque. 

Bien que cette « manne financière »  soit « essentielle pour certaines communes », reconnaît le député, il estime qu’elle n’est pas « exempte de critiques ». En premier lieu, son effet sur le parc des logements reste « encore à démontrer », selon lui.

Si la majoration de THRS permet bien aux communes situées en « zone tendue »  de bénéficier de recettes fiscales supplémentaires, « il est moins aisé d’affirmer que cette disposition a atteint l’autre objectif avancé lors de son adoption » : « rééquilibrer l’offre de logements afin qu’ils soient consacrés en priorité à l’habitation principale », souligne le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale. 

De fait, la proportion des résidences secondaires et des logements occasionnels dans le parc de logements continue sa lente progression entamée au début des années 2010, atteignant 9,8 % des logements en 2024, contre 9,4 % il y a une quinzaine d'années, selon l’Insee. Dans le même temps, l’offre de résidences principales est passée d’environ 83,5 à 82,2 % du parc total.

Cinq fois plus de communes utilisent la surtaxe

Pourtant, le nombre de communes ayant mis en œuvre cette majoration a connu une « hausse conséquente »  en 2024. Alors qu’elles n’étaient que 308 à avoir mobilisé ce levier fiscal en 2023, on en recensait déjà 1 461 à avoir franchi le cap l’an passé à la suite de l’élargissement des critères. Soit une hausse de 374 %. 

Et ce n’est pas fini puisque, en 2025, ce nombre a continué de progresser, dans des proportions plus modestes certes, pour atteindre 1 628 communes majorant leur THRS. Ce qui représente désormais près d’une commune éligible sur deux. 

« Certains départements se démarquent par une majoration de THRS quasi systématique par leurs communes éligibles à l’image de la Vendée (94 %), des Pyrénées-Atlantiques (89 %), du Morbihan (89 %) ou de la Charente-Maritime (86 %). Dans les départements où seule une commune à la faculté de majorer sa THRS (Ariège, Maine-et-Loire, Paris et Puy-de-Dôme), celle-ci a fait usage de ce levier fiscal. À l’inverse, la Guadeloupe, le Rhône, la Martinique, le Nord et les Yvelines présentent un taux d’usage inférieur à 15 % », détaille l'auteur du rapport.

En parallèle, Charles de Courson observe que les communes tendent à choisir un taux de majoration relativement élevé puisque le taux moyen de majoration, au moment de sa mise en place, s’élève à 41,4 % au niveau national. Près d’une commune éligible sur cinq affichait d’ailleurs le taux de majoration maximal de 60 % l’an passé. Soit une augmentation de 341 % en un an (elles étaient 657 en 2024, contre 149 juste avant la publication du décret du 25 août 2023).

Compenser le faible dynamisme de la THRS

Dans ces circonstances, le rendement de la surtaxe a fortement augmenté l’an dernier. En 2024, l’ensemble des majorations de THRS perçues par les communes s’élevait ainsi à 436 millions d’euros, soit une hausse de 52 % sur un an et de 221 % par rapport à 2021. 

Cette mobilisation accrue de la surtaxe est d’autant plus importante que le député de la Marne rappelle qu’il s’agit d’une « recette précieuse »  pour de nombreuses petites communes, souvent touristiques, littorales ou montagnardes, cette majoration pouvant représenter à elle seule plus de 10 % des recettes de fonctionnement d’une commune. Comme c’est le cas de Manigod, en Haute-Savoie, où « elle compte pour 14,4 % »  des recettes de fonctionnement de cette commune d’un millier d’habitants.

Sans compter le fait que l'augmentation de cette majoration a permis de « compenser le faible dynamisme de cet impôt en 2024 pour les communes ». Le produit total de la THRS a même reculé l’an passé, passant de 3,8 milliards d’euros en 2023 à 3,7 milliards d’euros en 2024 (dont 2,7 milliards d’euros pour les communes et 1 milliard d’euros pour les intercommunalités)

Bien qu’elles aient été revalorisées automatiquement en fonction de l’inflation, les bases de THRS ont baissé en 2024 (- 5,9 %), après avoir augmenté de manière exceptionnelle en 2023 (+ 24,4 %). En cause, « de lourds dysfonctionnements dans le recouvrement de cet impôt liés à la mise en œuvre du logiciel "Gérer mes biens immobiliers" (GMBI) », indique le député. La taxe d'habitation et les taxes d'urbanisme ont ainsi fait les frais des errements du dispositif.

Des contribuables non électeurs

Par ailleurs, le rapporteur du budget pointe un autre écueil : la concentration de la charge fiscale sur un nombre limité de contribuables du fait, selon lui, d’« un contournement de la règle de liaison des taux des impôts locaux ». 

Si une limite à la majoration a bien été instaurée pour éviter les excès autour de la THRS, celui-ci la juge bien « trop lâche »  pour contraindre « effectivement les communes à ne pas mettre en œuvre une majoration trop élevée ».

La majoration conduit ainsi à ce que « les propriétaires de résidences secondaires contribuent de manière disproportionnée aux recettes de la commune dans laquelle ils ne sont, bien souvent, pas électeurs ». « Ces propriétaires sont de fait des usagers des services publics locaux par intermittence mais sont en revanche des contribuables permanents », dénonce-t-il.

Un problème aux yeux du député qui rappelle que, contrairement à « une croyance répandue », « seules 34 % des résidences secondaires détenues par un ménage résidant en France le sont par des ménages aisés ».

La hausse tendancielle des ressources de cette surtaxe devrait donc conduire à « nous interroger collectivement sur la répartition du financement des services publics locaux », avance l’élu de la Marne. « Les réformes de la fiscalité locale – en particulier la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale – ont conduit à détériorer le lien existant entre le citoyen-contribuable et le citoyen-électeur », déplore-t-il en soulignant que ce phénomène « ne fait que renforcer cette distorsion en faisant contribuer des citoyens qui n’élisent pas leurs représentants locaux ».

Consulter le rapport. 

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