Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 29 avril 2025
Fiscalité locale

La contribution universelle envisagée par François Rebsamen déjà rejetée par les proches d'Emmanuel Macron

L'idée de rétablir un impôt local sous forme d'une « contribution modeste » pour financer les services publics des communes, à nouveau suggérée ce week-end par le ministre François Rebsamen, a provoqué une levée de boucliers chez d'autres ministres et chez les parlementaires macronistes. 

Par Franck Lemarc

Une « contribution modeste (permettant) le financement des services publics de la commune »  et qui permettrait de « renouer le lien »  fiscal entre les habitants et les élus. C’est une idée que François Rebsamen, ancien maire de Dijon et actuel ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, avait déjà évoquée en mars devant l’Assemblée nationale, et qu’il a réitérée ce week-end dans un entretien à Ouest-France (lire Maire info d'hier). Mais cette idée n’a pas l’air d’être partagée par grand-monde au sein de l’exécutif.

Contribution « universelle » 

Depuis la suppression de la taxe d’habitation – après celle de la taxe professionnelle et de la plupart des impôts économiques locaux –, l’AMF ne cesse pourtant de répéter qu’il y a un problème de fond avec la fiscalité locale, ou plutôt de moins en moins locale : le remplacement des impôts locaux par des parts de TVA, octroyées à la discrétion du gouvernement et du Parlement, brise le lien entre les électeurs et les élus et met à mal l’autonomie fiscale des communes. Les porte-parole de l’AMF l’ont répété à maintes reprises : la responsabilité d’un maire, c’est de porter un projet devant les électeurs, de décider de le financer y compris en augmentant les impôts locaux si c’est nécessaire ; et la responsabilité des citoyens, c’est d’accepter ou de refuser cette politique dans les urnes. Un tel système ne peut fonctionner que dans la mesure où les élus ont une certaine marge de manœuvre sur le montant des impôts locaux. Si ceux-ci disparaissent et que les finances locales sont entièrement à la main de l’État, le maire perd son rôle de décideur, responsable devant les électeurs, et ne devient plus qu’un exécutant des politiques décidées par l’État. 

C’est la raison pour laquelle l’AMF plaide depuis 2022 (date de la disparition de la taxe d’habitation) pour la création de ce qu’elle appelle une « contribution territoriale universelle », permettant de « restaurer le lien fiscal entre les collectivités et les citoyens », sans augmenter toutefois le niveau global des impôts.

Cette disposition paraît d’autant plus essentielle à l’AMF que la fiscalité locale repose aujourd’hui presque uniquement sur les propriétaires, qui payent toujours une taxe foncière, dans la mesure où les locataires, eux, ne payent plus la taxe d’habitation, et ne contribuent donc aucunement au financement des services publics dans la commune. Cet argument est partagé par le ministre Rebsamen, qui a expliqué à plusieurs reprises qu’il « n’est pas possible qu’un certain nombre de communes ne puissent vivre qu’avec 20 % ou 30 % de contributeurs ». Soit 70 % ou 80 % « de gens qui n’ont plus de lien fiscal avec la collectivité (mais) qui bénéficient des services publics ». 

D’où l’idée émise par le ministre d’une contribution « modeste »  mais payée par tous, idée qui semble très proche de la « contribution territoriale universelle »  de l’AMF. 

Il est à noter que l’AMRF (maire ruraux) sont, eux aussi, pleinement favorables à un tel système : hier, Michel Fournier, le président de l’AMRF, a regretté sur RTL que « le lien social ne soit plus là »  avec la suppression des impôts locaux : « Nous souhaitons que les gens qui habitent dans nos communes soient liés aux services que nous pouvons offrir », a poursuivi le maire des Voivres (Vosges), qui plaide pour une contribution « basée sur le revenu », éventuellement égale « au prix d’un paquet de cigarettes »  pour les ménages les plus modestes.

Levée de boucliers

Problème : cette idée de contribution universelle, même « modeste », a aussitôt été torpillée par les fidèles d’Emmanuel Macron, dont la suppression de la taxe d’habitation et donc la « baisse des impôts »  serait le marqueur principal. « Ce n'est pas le président qui a supprimé la taxe d'habitation qui peut soutenir l'idée de taxer les Français plutôt que de demander aux collectivités de faire des économies », expliquait par exemple hier, dans Les Échos, un proche du chef de l’État. Cette question serait même un « casus belli »  pour les députés Ensemble pour la République, comme Mathieu Lefèvre, qui explique toujours dans Les Échos qu’il est hors de question de provoquer « une pure perte de pouvoir d’achat »  et « de recréer la taxe d’habitation sous une forme ou sous une autre ». 

Même position chez la députée Maud Bregeon, ancienne porte-parole du gouvernement, qui a expliqué ce matin sur France info être « fondamentalement opposée »  à cette idée et qui a invité le gouvernement « à mettre le frein sur les idées de nouvelles taxes et de nouveaux impôts ». Quant à la nouvelle porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, elle a précisé que l’idée de François Rebsamen « ne correspond pas à la position du gouvernement », même si « rien n’est arbitré »  pour ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2026. 

À droite, plusieurs voix se sont également élevées contre cette idée, dont celle du président de la région Haut-de-France, Xavier Bertrand, qui, sur BFMTV hier, s’est aimablement demandé si les associations d’élus étaient « tombées sur la tête », les accusant de « ne pas entendre le ras-le-bol des Français [face à] l’overdose fiscale ». « Pas question d’avoir de nouvelles contributions », a martelé Xavier Bertrand, qui s’est vanté d’avoir refusé d’appliquer dans sa région le versement mobilité et d’avoir préféré réduire « d’environ 110 millions d’euros »  les dépenses de la région.

Sur X, l'AMF a aussitôt répondu à Xavier Bertrand que « non, les associations d'élus ne démandent pas d'impôts supplémentaires ». Pour l'association, il est indispensable de « remplacer de la fiscalité nationale par de la fiscalité locale, ce qui implique de supprimer de la fiscalité nationale ». C'est donc bien un « rééquilibrage »  que demande l'AMF et non une hausse d'impôts, dans le cadre d'une remise à plat globale de la fiscalité locale.

Reste que très certainement, les arguments de Xavier Bertrand et des macronistes vont être repris sous toutes les formes dans les semaines et les mois qui viennent : les maires et les associations d’élus vont être accusés d’être des « matraqueurs fiscaux »  qui préfèrent « racketter »  leurs administrés plutôt que de « réduire leurs dépenses ». Ces  arguments laissent de côté la question de savoir comment les communes vont pouvoir financer les services publics indispensables à la population dans un contexte de resserrement des dotations de l’État… Sans oublier que les défenseurs de la suppression de la taxe d’habitation oublient souvent de rappeler que celle-ci a créé une dépense supplémentaire de plusieurs milliards d’euros pour l’État, au titre de la compensation versée aux collectivités, dépense qui contribue à créer du déficit. 

Le débat sur ces questions connaîtra sans doute de premières clarifications lors de la conférence financière des territoires qui se tiendra le 6 mai prochain.

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