L'AMF s'élève contre la volonté du gouvernement de créer de nouvelles exonérations de taxe foncière
Par Franck Lemarc
C’est notamment l’article 6 du projet de loi de finances pour 2024 qui a fait réagir l’AMF, hier, via un communiqué dénonçant « le désengagement de l’État au détriment des finances locales » en matière de logement.
Cet article 6, tel qu’il était rédigé après adoption du texte à l’Assemblée nationale par voie de 49.3, prévoit un dispositif incitatif pour la « rénovation lourde » des immeubles de logements sociaux, sous la forme d’une exonération de taxe foncière.
« Effet pervers »
L’article 6, dans la rédaction souhaitée par le gouvernement – celle-ci a changé au Sénat – prévoit que pour les immeubles locatifs sociaux de plus de 40 ans dont la performance énergétique est de niveau F ou G, une opération de rénovation lourde donnerait droit à une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant 15 ans à compter de la fin des travaux.
Un autre article du PLF (27 sexies) exonère également de taxe TFPB « les logements qui ont fait l’objet, par le propriétaire, de dépenses de prestations de rénovation énergétique », si ces logements ont plus de 10 ans et si le montant des travaux est supérieur à 10 000 euros. Mais dans ce cas, les communes et EPCI peuvent délibérer pour supprimer cette exonération pour la part qui leur revient. Même système pour les logements neufs « satisfaisant aux critères de performance énergétique » – là encore les communes peuvent délibérer contre l’exonération.
Concernant l’article 6, sur les logements sociaux dans l’ancien, l’AMF est catégorique : « L’effet pervers de ce type de mesure est connu : plus le parc de logements d’une commune est vieillissant, plus il est composé d’habitat social, plus la commune est pénalisée financièrement par ces exonérations. On ne peut pas en même temps espérer massifier le nombre de rénovations et sanctionner financièrement les communes qui portent ces programmes de rénovation. Les communes qui s’engagent dans ces programmes devraient au contraire y être incitées financièrement. » L’association demande donc la « compensation intégrale » de ce type d’exonérations d’impôts locaux.
L’appel a été entendu par le Sénat : par amendement, les sénateurs ont modifié l’article 6 en remplaçant le terme « exonération » par celui de « dégrèvement ». « Dans le cas d’un dégrèvement d’impôts locaux, rappellent les sénateurs, le manque à gagner pour les collectivités est en effet intégralement compensé et pris en charge par l’État ». Reste à savoir si cet amendement sera retenu dans la version du PLF qui sortira, en deuxième lecture, de l’Assemblée nationale.
Pourtant, l’AMF ne manque pas de rappeler qu’après la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE, la taxe foncière reste « le dernier pilier de la fiscalité locale dynamique pour les communes et intercommunalités ».
Fermeture d’entreprises
Concernant la taxe foncière toujours, signalons que les sénateurs ont ajouté dans le PLF un dispositif de compensation des pertes de TFPB subies par les communes et intercommunalités à la suite de fermetures de sites industriels ou de centrales nucléaires. Rappelant que ces décisions de fermeture relèvent de l’État ou des entreprises privées, les sénateurs jugent parfaitement injuste que les communes et EPCI en subissent les conséquences « par des pertes de bases colossales de TFPB (…) sans qu’aucun dispositif de lissage de (ces) pertes soit prévu ».
L’amendement prévoit donc de créer à compter de 2024 un prélèvement de recettes de l’État permettant de compenser ces pertes avec un lissage dans le temps sur cinq ans : la compensation couvrirait 90 % de la perte la première année, puis diminuerait les années suivantes jusqu’à s’éteindre la sixième année.
Le gouvernement a donné un avis favorable à cet amendement, et a levé le gage, ce qui laisse espérer que le dispositif subsistera dans la version finale.
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