Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 27 novembre 2025
Fiscalité locale

Augmentation de la taxe foncière : le gouvernement annonce un report

Le Premier ministre a annoncé hier devant les sénateurs que l'augmentation de la taxe foncière qui devait toucher plus de 7 millions de foyers était reportée à la fin du printemps prochain, et a dit vouloir engager un travail « de long terme » pour réformer le calcul des bases locatives, aujourd'hui totalement « caduques ».  

Par Franck Lemarc

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© Sénat

Un petit tour, et puis s’en va. Dévoilée – par une fuite dans la presse – en plein congrès de l’AMF, la semaine dernière, la nouvelle avait déplu autant aux élus qu’aux contribuables : les bases de calcul de la taxe foncière allaient être recalculées pour plus de 7 millions de foyers, qui devraient, selon les calculs de Bercy, payer quelque 60 euros de taxe foncière supplémentaire par an dès l’an prochain. 

La réforme envisagée

Pour mémoire, plusieurs millions de locaux sont enregistrés par l’administration fiscale comme n’étant pas pourvus des éléments de confort de base – électricité, douche, lavabo, toilettes, etc. Bercy considère, sans doute à juste titre, que, depuis, ces locaux ont été équipés de ces éléments, et « adapte »  donc les bases à cette réalité. Chaque « élément de confort »   est traduit en mètres carrés supplémentaires : 4 m² pour le raccordement à l’eau ou la présence d’une douche, 5 m² pour une baignoire, 2 m² pour le raccordement à l’électricité, etc. La superficie du local – et donc sa valeur locative – est ainsi artificiellement augmentée. Conséquence directe : la cotisation de taxe foncière, calculée sur la superficie, s’en trouve augmentée.

Selon les chiffres de Bercy, environ 25 % des maisons et 15 % des appartements auraient été concernés, soit 7,4 millions de locaux, avec une augmentation moyenne de la taxe foncière de 63 euros. Pour les plus petits locaux, l’augmentation aurait pu être bien plus importante : comme l’a calculé le sénateur Mathieu Darnaud, une studio  de 15 m² aurait pu se retrouver « imposé sur 34 m² ». 

466 millions vs 7,6 milliards

Si la nouvelle a particulièrement contrarié les contribuables, elle n’a davantage fait plaisir aux maires, qui savent d’expérience qu’une augmentation de la taxe foncière, même si elle a été à 100 % décidée par l’État, leur est en général reprochée – ce qui n’était pas très heureux à quatre mois des élections municipales. Quant au bénéfice financier pour les communes, il a immédiatement été très relativisé par l’AMF, qui a rappelé que l’arbre ne doit pas cacher la forêt : les recettes supplémentaires attendues étaient, certes, de 466 millions d’euros, mais cette somme représente environ 15 fois moins que les 7,6 milliards d’euros que le gouvernement s’apprête à prendre sur les budgets des collectivités. 

Une approche « commune par commune » 

La situation s’est débloquée hier avec la tenue, dans la matinée, d’une réunion entre les associations d’élus et les ministres concernés, lors de laquelle, selon un communiqué publié hier soir par le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, les élus ont « rappelé l’importance de poursuivre l’actualisation des valeurs locatives, indispensable pour garantir l’équité fiscale entre les contribuables, (et) ont souhaité mettre en œuvre une approche plus fine, adaptée aux écarts importants entre territoires ». 

Le gouvernement a décidé d’aller dans ce sens et a annoncé un « décalage »  du calendrier « au printemps 2026 », afin d’ouvrir « une période de concertation structurée avec les territoires ». 

Interrogé au Sénat hier, lors de la séance de questions au gouvernement, le Premier ministre l’a confirmé : « Il faut changer de méthode à court et à moyen terme. »  Pour lui, en la matière, « toute approche nationale est mort-née ». Et de préciser : « Il va falloir revenir à une approche départementale, voire infra-départementale, voire même commune par commune, puisque, quand on regarde la cartographie de cette affaire, on voit bien qu’on est en train de traiter un sujet qui parfois n’a strictement rien à voir d’un département à l’autre – certains départements ne sont presque pas concernés. » 

Le Premier ministre a donc demandé aux ministres concernés de « dilater le calendrier »  pour essayer d’aboutir « en mai ou juin ». Ce qui, concrètement, signifie que l’augmentation de la taxe foncière concoctée par Bercy n’entrera pas en vigueur, comme il était initialement prévu, dès 2026.

Bases locatives « caduques » 

À plus long terme, le Premier ministre souhaite – il n’est pas le premier – engager une profonde réforme du calcul des bases locatives, élaborées « en 1959 », a-t-il rappelé, et aujourd’hui « caduques ». « Sauf que cela fait 10 ans qu’on dit que c’est caduc et 10 ans qu’on ne réforme pas, parce que c’est épouvantablement technique », a ajouté Sébastien Lecornu. Il propose donc « d’amorcer quelque chose », en veillant à « protéger les élus et leur pouvoir de taux, à la hausse comme à la baisse », au nom de « la liberté locale et de la liberté fiscale ». 

Une déclaration d’intention qui va dans le sens de ce qu’a encore rappelé l’AMF pendant tout son congrès de la semaine dernière, et qui ferait presque oublier que Sébastien Lecornu est membre, depuis 2017, de tous les gouvernements depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron – et qui ont, peut-être encore plus que les précédents, tout fait pour réduire à presque rien la « liberté locale et la liberté de taux »  des maires en transformant toujours plus d’impôts locaux en compensations distribuées par l’État. 

Ces déclarations amorcent-elles un vrai changement de cap ? Les discussions qui vont s’ouvrir entre gouvernement et associations d’élus permettront sans doute de le savoir très vite. Mais le fait que le Premier ministre, dans son discours de clôture du congrès de l’AMF, ne soit d’aucune façon revenu sur les ponctions annoncées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 n’augure rien de bon. 

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