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Édition du lundi 20 octobre 2025
Finances

La baisse de la CVAE n'a produit « aucun effet significatif » sur l'économie, selon un rapport

Alors que le gouvernement propose de réduire à nouveau la CVAE en 2026, l'Institut des politiques publiques estime que la baisse de cette taxe – désormais entièrement compensée par l'État aux collectivités – n'a pas entraîné d'impact concret sur les entreprises et l'économie.

Par A.W.

« Aucun effet significatif. »  L’étude que vient de faire paraître l'Institut des politiques publiques (IPP) sur les « impôts de production »  tombe au plus mal pour le gouvernement. Alors que celui-ci tente de relancer la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2026, les auteurs du rapport estiment que la division par deux de cet impôt, enclenchée au sortir de la crise sanitaire, n’a eu qu’un effet marginal sur les résultats des entreprises. Même chose en ce qui concerne la réduction de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

« Effet de saupoudrage » 

L’étude menée en partenariat avec le Haut-commissariat à la stratégie et à la prospective s’est concentrée sur la baisse de 10 milliards d’euros d’impôts « de production »  qui a suivi la réforme de la contribution économique territoriale (CET), et dont le but était de soutenir la réindustrialisation du pays.

Décidée à la fin de la crise sanitaire dans le cadre du plan de relance, celle-ci a entraîné une diminution de moitié à la fois de la CVAE pour toutes les entreprises redevables et de la partie de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les locaux industriels.

Si celles-ci étaient accusées de nuire à la compétitivité des entreprises françaises, leur réduction n’a pas eu l’effet escompté, semble-t-il, puisque les auteurs du rapport trouvent « peu de résultats empiriques clairs […] sur l’activité et l’investissement des entreprises les plus ciblées ».

S’agissant de la baisse de la CVAE, « aucun effet significatif clair »  n’a été détecté « sur les résultats des entreprises ». Ces baisses ayant eu « un effet de saupoudrage »  et bénéficiant « un peu à beaucoup de monde, difficile d'en attendre des effets brutaux », a expliqué l’un des auteurs lors d’une conférence de presse. Dans un précédent rapport publié en septembre, l’IPP explique que « ce pan de la réforme implique un coût important au total, mais une certaine dispersion de ce montant sur l’ensemble des entreprises, ce qui rend peu probable des effets spécifiques sur l’industrie ».

Pour ce qui est de la réduction de la CFE, là aussi les auteurs relèvent que « la réforme a eu un impact limité sur les résultats des entreprises, notamment le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée, la masse salariale et l’investissement ». « Sur les variables d’activité économique des entreprises, telles que les ventes, l’investissement, et le comportement à l’exportation, les résultats sont mitigés et ne fournissent pas de preuve d’effets importants, même si certains résultats sont suggestifs d’un effet légèrement positif sur le chiffre d’affaires », expliquent-ils.

Les grandes gagnantes ne sont pas les PME

En outre, les principales bénéficiaires de cette baisse d'impôts sont les entreprises les plus grandes, notamment celles situées dans le « secteur industriel »  et celles « orientées à l’export », selon le rapport.

En septembre 2023, l’institut privé Rexecode estimait également, dans un rapport, que les grands gagnants de la baisse des impôts « de production »  s’avéraient être l’industrie manufacturière et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), celle-ci représentant respectivement 22 % et 39 % des recettes de CVAE. 

Il expliquait ainsi que l’industrie manufacturière « bénéficie de près d’un tiers des baisses d’impôts du plan de relance, soit environ trois fois sa part dans le PIB en valeur », tandis que les entreprises de taille intermédiaire (ETI), d’industrie ou de services, « reçoivent 40 % des baisses d’impôts du plan de relance, alors qu’elles représentent 25 % de la valeur ajoutée des entreprises en France ».

Des résultats en contradiction donc avec l’objectif des gouvernements successifs de favoriser, via une baisse de la CVAE, essentiellement les PME. Un argument d’ailleurs repris par Sébastien Lecornu dans son projet de budget pour 2026 puisque son objectif affiché est de « baisser un impôt de production qui pèse principalement sur les PME, notamment du secteur industriel ». Sa suppression bénéficierait ainsi à « environ 300 000 entreprises, pour trois quarts aux PME et ETI », affirmait il y a quelques jours l'entourage du chef de l’exécutif. On peut également rappeler que la suppression similaire qui devait être engagée il y a deux ans, avant d'être reportée, ne concernait que les entreprises qui payaient la cotisation plancher, particulièrement modeste, de 63 euros.

Si l'institut Rexecode estimait, toutefois, en 2023 « important »  de poursuivre la baisse des impôts de production (leur poids étant en moyenne deux fois plus important que dans le reste de l'Europe), « à commencer par la suppression de la CVAE », il soulignait que « l’incitation budgétaire pour les collectivités à accueillir des sites industriels est affaiblie », reconnaissant au passage que les collectivités subissaient depuis « une perte d’autonomie fiscale »  et un « amoindrissement du lien avec les entreprises ».

Budget 2026 : nouvelle baisse annoncée de la CVAE 

Pour rappel, une nouvelle réduction de 1,1 milliard d'euros de la CVAE – sur les 4 milliards d'euros restants – est inscrite dans le projet de budget pour 2026, Sébastien Lecornu envisageant la « suppression progressive »  de cet impôt « d'ici trois ans »  – en 2028 donc – à condition, toutefois, que les « finances publiques le permettent ».

Une décision saluée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), deuxième organisation patronale française, qui s’est réjouie de cette « victoire pour les PME », alors que cet impôt devait initialement disparaître intégralement en 2024, après la suppression de la première moitié en 2023.

Mais « avec les informations que nous avons en main, la baisse de la CVAE ne semble pas une priorité », a jugé lors du point presse l'un des auteurs de l'étude, Étienne Fize, économiste à l'IPP. « C'était une mesure inscrite dans un plan de relance, donc avec un objectif à horizon assez court », a nuancé pour sa part un autre des auteurs, Laurent Bach, professeur de finances à l’Essec.

On peut rappeler que, bien que les collectivités soient à l'origine les principales victimes de la suppression de cet impôt, l'État a déjà décidé de compenser à ces dernières la totalité de la CVAE, et non pas seulement la part supprimée en 2023. Seul le budget de l'État serait donc, en l'état, impacté si la baisse de la CVAE était actée dans le prochain budget.

Consulter l'étude de l'IPP.
 

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