Maire-info
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Édition du mardi 16 juillet 2024
Finances

Assainissement des finances publiques : la Cour des comptes demande que l'effort soit « partagé » par les collectivités

Alors que la Cour blâme sévèrement le gouvernement sortant face à la situation « très dégradée » des finances publiques, elle déplore l'absence de « mécanismes contraignants » à l'encontre des collectivités dans le cadre de leurs objectifs de limitation des dépenses. 

Par A.W.

Une « très mauvaise année »  2023 qui pèse encore sur des finances publiques dont la situation est jugée « inquiétante ». C’est la nouvelle mise en garde lancée, hier, par la Cour des comptes, à l’occasion de la publication de son dernier rapport sur le sujet, dans lequel elle souhaite que les collectivités contribuent davantage à la réduction de la dette et du déficit public. 

Alors que la trajectoire fixée par le gouvernement sortant pour assainir les finances publiques est jugée « peu réaliste »  et que la Commission européenne s’apprête à ouvrir une procédure pour « déficit excessif »  à l’encontre de la France, le premier président de la haute juridiction, Pierre Moscovici, s’est adressé au futur gouvernement en affirmant que « la France doit impérativement réduire son déficit public ».

« Ce n’est ni un problème de droite ou de gauche, c’est un problème d’intérêt public ! », a-t-il asséné alors que, « depuis deux ans, chaque nouvelle trajectoire budgétaire apparaît plus fragile que la précédente » , celui-ci arguant qu’un « État endetté est un État paralysé ».

En 2023, un solde dégradé des Apul 

Si l’année 2023 a été « une très mauvaise année », la Cour note pourtant que « le contexte était plutôt favorable ». 

Pointant l’absence d’économies structurelles réalisées l’an passé, elle déplore une « aggravation du déficit »  et une dégradation de la dette qui a atteint les 3 100 milliards d’euros et « excède de plus de 700 milliards d’euros son niveau d’avant-crise pour atteindre près de 110 points de PIB ».

Dans le détail, le déficit public du pays résulte en 2023 « d’un déficit de l’État de 5,5 points de PIB, […], d’un déficit de 0,4 point de PIB des administrations publiques locales (Apul) [qui regroupent pour l’essentiel les collectivités, mais aussi les organismes divers d’administration locale (Odal)] et d’un excédent de 0,5 point de PIB des administrations de sécurité sociale (Asso) ».

Si l’État est largement critiqué bien qu’il ait « respecté ses objectifs »  de dépenses pour le moins « peu ambitieux », les Sages de la rue Cambon s’en prennent également, de manière plus modérée, aux administrations sociales et aux collectivités locales. 

Alors que ces dernières devaient maintenir une certaine « stabilité »  de leurs dépenses de fonctionnement, les juges financiers estiment que celles-ci ont « nettement dépassé les objectifs fixés »  en étant « plus dynamiques qu’anticipé dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) à hauteur de 4 milliards d’euros ».

Résultat, les dépenses des administrations publiques locales ont été « supérieures de 1 point à l’inflation, soit environ 2 milliards d’euros de dépense au-dessus de la prévision ». Après deux années d’équilibre, le solde des Apul est donc devenu déficitaire à hauteur de 9,9 milliards d’euros « du fait d’une dépense dynamique (+ 7 %) – dans un contexte de hausse des transferts de l’État en faveur des collectivités – et, dans une moindre mesure, d’une baisse des recettes de droits de mutation à titre onéreux », précise, toutefois, la Cour.

À noter, au passage, que le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) – qui s’inscrit dans le solde des Asso et non des Apul – « continue de se creuser pour atteindre 2,4 milliards d’euros en 2023 ».

« Risques importants »  sur les objectifs 2024

Reste que la situation financière a d’ores et déjà des conséquences puisque « cette très mauvaise année 2023 pèse sur 2024 et, au-delà, sur l’ensemble de la trajectoire de finances publiques 2023-2027 », regrette la Cour qui prévient « des risques importants »  sur la trajectoire des finances publiques dès cette année.

Et ce, malgré les 10 milliards d’euros d’économies (sur 25 milliards d’euros annoncés) déjà actées dans l’urgence, en février, par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui réclame notamment 2 milliards d’euros d’économies aux collectivités

Alors que la Cour juge les économies envisagées pour cette année et les années à venir « peu documentées », elle estime que « les 2 milliards d’euros demandés aux Apul ne peuvent être fixés comme un objectif additionnel car ces dépenses figuraient déjà dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 ».

En outre, il existerait, selon elle, « un risque que l’objectif des dépenses fixé par la LPFP ne soit pas respecté ». Alors que celle-ci prévoit une baisse en volume de 0,5 % des dépenses de fonctionnement des collectivités en 2024, « les remontées comptables indiquent un fort dynamisme en valeur des dépenses de fonctionnement sur les cinq premiers mois de l’année », en hausse de 8 % par rapport à la même période en 2023 (année dont les objectifs avaient déjà été dépassée). 

« Personne ne doit être à l’abri » 

« Le seul élément qui pourrait contribuer à freiner la dynamique de la dépense locale concerne les départements, dont les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ont fortement diminué », estiment les Sages, présageant que cette situation pourrait conduire ces derniers à « revoir à la baisse leurs dépenses ».

Dans ce contexte, Pierre Moscovici a déploré l’absence de contraintes à l’encontre des collectivités : « Comment peut-on penser [que les objectifs de limitation des dépenses] vont être respectés sans mécanisme de régulation ? », s’est-il interrogé, estimant « qu’un effort en dépense doit être partagé par toutes les catégories des acteurs de public ».

Celui qui ne souhaite « pas préempter les choix politiques [ni] tenir la main du gouvernement pour lui dire quoi faire », affirme, cependant, que « personne ne doit être à l’abri ».

Dans son rapport, la Cour juge ainsi « indispensable »  que l’effort de réduction du déficit public soit « partagé »  en « clarifiant sa répartition entre les ménages, les entreprises et les administrations publiques – et, au sein de ces dernières, entre État, Sécurité sociale et collectivités ». 

Maire info reviendra dans son édition de demain sur d'autres aspects de ce rapport. 

Consulter le rapport.

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