Maire-info
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Édition du vendredi 31 janvier 2025
Finances locales

Taxes d'urbanisme : nouveau couac de Bercy et plus de 600 millions d'euros en jeu pour les collectivités

Déjà critiquée pour les problèmes majeurs rencontrés sur le service « Gérer mes biens immobiliers », la DGFiP aurait subi d'autres dysfonctionnements lors de la collecte de la taxe d'aménagement. Un simple retard à attendre dans les versements, selon Bercy qui assure que « toutes les taxes dues seront encaissées et reversées aux collectivités ».

Par A.W.

Après la taxe d'habitation et celle sur les logements vacants, au tour des taxes d'urbanismes de faire les frais des errements du dispositif « Gérer mes biens immobiliers »  (GMBI).

Un nouveau couac dénoncé cette fois par le syndicat Solidaires Finances publiques, alors que le fisc vient de subir les foudres de la Cour des comptes pour sa gestion du nouveau service GMBI, dont les dysfonctionnements ont déjà coûté 1,3 milliard d'euros à l'État. En cause, une série d'erreurs dans la collecte de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et celle sur les logements vacants en 2023. 

Deux taxes locales touchées

Cette fois, c'est donc la collecte de la taxe d'aménagement et de la taxe d'archéologie préventive qui est pointée du doigt par le premier syndicat de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Deux impôts locaux dus sur les opérations de construction, reconstruction ou d'agrandissement de bâtiments nécessitant une autorisation d'urbanisme et perçus par les communes, intercommunalités et départements.

Il manquerait ainsi actuellement « a minima entre 635 et 750 millions d'euros dans les caisses des collectivités locales », selon les calculs de Solidaires Finances publiques qui a fait cette évaluation sur la base des « exercices 2023-2024 ». 

Cette perte de recettes importantes reposerait essentiellement sur la taxe d'aménagement, dont le manque à gagner est estimé « entre 583 et 695 millions d'euros ». A quoi il faudrait ajouter 51 millions d'euros de taxe d'archéologie préventive. 

Au total, cela représente « près du tiers de l'effort financier que le gouvernement veut imposer aux collectivités locales en 2025 », tacle le syndicat dans un communiqué publié mercredi, en référence aux 2,2 milliards d'euros qui doivent leur être ponctionnés si le projet de budget, en cours d'examen en commission mixte paritaire depuis hier, est adopté en l'état. 

Des recettes qui sont « d'autant plus importantes »  qu'elles sont utilisées pour « financer les dépenses d'investissements des collectivités locales, moteur de l'activité économique dans les territoires », ajoute le syndicat. « Si le fiasco continue, on va s'approcher du milliard manquant », a déploré mercredi Sandra Demarq, secrétaire générale de Solidaires Finances publiques, lors d'une conférence de presse, le manque à gagner restant de « 90 millions d’euros par mois ».

Calculs fait « manuellement » 

Comment expliquer ce nouveau couac ? Jusqu'en septembre 2022, le calcul et l'émission de ces taxes étaient faits par le ministère de la Transition écologique et le recouvrement par la DGFiP, en partant des données des cadastres. Mais depuis, l'entièreté de cette tâche (liquidation et recouvrement) incombe désormais à la Direction générale des finances publiques, qui doit se baser sur les déclarations des contribuables réalisées sur l'application « Gérer mes biens immobiliers », dont on connaît désormais les dérives et dysfonctionnements. 

Résultat, selon le syndicat, le calcul automatique des taxes d'urbanisme par GMBI ne « fonctionnait pas », et la grande majorité des taxes n'ont pu être réclamées aux propriétaires concernés. Sans compter que l'exigibilité de la taxe est dorénavant due à l'achèvement des travaux et non plus à l'obtention de l'autorisation d'urbanisme.

Outre « les dysfonctionnements applicatifs », le syndicat pointe l'impréparation de la DGFiP et la « perte inexpliquée d'une partie significative »  des informations des autorisations d'urbanisme, mais aussi « les réductions des dépenses publiques », « les suppressions massives d'emplois », « le manque de personnel formé »  et le « tout numérique ».

Pour remédier à cette situation, « il a donc fallu que certains agents [calculent] manuellement les acomptes représentants des sommes conséquentes pour les collectivités », à hauteur de 36 millions d'euros pour la taxe d'aménagement en 2024. Très loin du compte donc.

Alors que les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) ont émis en moyenne 590 000 titres de taxe d'aménagement par an entre 2018 et 2021, la DGFiP en aurait émis moins de 40 000 en 2023 et 2024, selon Solidaires. De la même manière, si les DDTM émettaient chaque année en moyenne 2,21 milliards euros dans ce cadre, la DGFiP en a émis pour l'heure « près de 120 fois moins », s'étrangle le syndicat.

Un simple retard dans les versements ?

Reconnaissant les « difficultés rencontrées pour mettre en œuvre le nouveau processus », le ministère de l'Economie a tenté d'éteindre l'incendie dès mercredi en assurant, dans un communiqué, que « toutes les taxes dues seront encaissées et reversées aux collectivités ».

Si les encaissements seront ainsi « différés, pour certains d'entre eux, en 2025 », les redevables sont, en revanche, « bien identifiés par l'administration », assure-t-il. « S'il y aura effectivement un décalage sur les reversements de taxe d'urbanisme, les collectivités bénéficieront bien, in fine, de la recette générée par l'achèvement des constructions », confirme Bercy.

Pas de quoi rassurer Solidaires finances publiques qui redoute que « ce simple retard conduise à des pertes définitives de recettes ». Notamment parce que « certaines informations déclaratives semblent avoir été perdues et ne pourront dès lors donner lieu à taxation ».

Reste que le ministère explique qu'il est tout à fait « normal que [...] la collecte effectuée par la DGFiP en 2024 ait été nettement plus faible »  que par le passé « compte tenu des délais d'achèvement des travaux ». En effet, les taxes d'urbanisme doivent dorénavant être versées à la fin des travaux et non plus dès la délivrance de l'autorisation. 

En outre, le ministère attribue la baisse sensible des montants collectés « d'abord »  à « la diminution du nombre d'autorisations d'urbanisme, qui a diminué très fortement, de 21,5 % en 2023, après une première baisse de 11 % en 2022 ».

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