Prêts à taux fixe : le gouvernement veut débloquer l'accès à l'emprunt des collectivités
Par A.W.
« Quasiment plus aucune banque ne propose des emprunts à taux fixe. On nous demande de prendre des risques qui sont liés aux taux variables. » Le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, le rappelait la semaine dernière, les ménages ne sont pas les seuls à être frappés par la remontée brutale des taux d’intérêt depuis le début de l’année, celle-ci affecte également les conditions d’accès au crédit des collectivités locales.
Cumulée aux conséquences de l’inflation sur les prix et à certaines annonces du gouvernement (point d’indice…), cette situation entraîne « de grosses difficultés qui peuvent impacter l’investissement » des communes.
Des investissements déjà stoppés
Dans un courrier adressé notamment au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, le président de l’AMF, David Lisnard, a alerté les pouvoirs publics, dès le 11 mai dernier, sur ces difficultés en pointant les « nombreuses demandes de prêts à taux fixe de communes et intercommunalités rejetées par leurs établissements prêteurs au motif que le taux effectif global (TEG) [qui représente le coût réel d’un prêt en y intégrant les frais annexes que celui-ci occasionne (frais de dossier, assurance…), ndlr] des contrats de prêts proposés dépasserait la valeur du taux d’usure ».
Ce dernier, qui représente le taux maximal auquel les banques peuvent prêter, est en quelques mois devenu trop bas pour les collectivités, qui ne peuvent donc plus emprunter à taux fixe et à long terme. Seules échappatoires pour elles, se plier à des conditions moins avantageuses et plus risquées avec des taux variables, « des tarifs complexes ou sur des durées limitées », selon André Laignel. Et alors même que les conséquences des prêts toxiques (accordés par Dexia) sont encore dans les mémoires.
À Issoudun, par exemple, André Laignel a ainsi indiqué n’avoir reçu qu’une « seule réponse à taux fixe » de la part d’établissements bancaires dernièrement, mais « au taux maximum, usuraire, et pour une période maximum de huit ans ». « Alors qu’il y a six mois, on était avec un taux de 0,7 % et avec une durée de 15 ans minimum », déplorait le président du CFL la semaine passée.
En cause, la formule de calcul du taux d’usure qui repose sur la moyenne des taux du trimestre précédent, augmentée d’un tiers, et qui entraîne donc actuellement un décalage avec la réalité du marché. Ainsi, au deuxième trimestre 2020, « le taux d’usure est de 1,76 % pour tous les prêts à taux fixe d’une durée supérieure à deux ans accordés aux collectivités. La remontée actuelle des taux d’intérêts implique mécaniquement une augmentation du TEG qui peut désormais dépasser le taux d’usure », regrettait le président de l’AMF, dans son courrier.
Alors que « le flux d’emprunt annuel finance environ un tiers des investissements du bloc communal », le maire de Cannes rappelait également que « l'envolée de l'inflation [et] l’instabilité des taux d’intérêt pèsent déjà sur les plans de financement des investissements ». « Faute de financement en prêt à taux fixe », auquel souscrivent en « grande majorité » les communes et les EPCI, « certains investissements sont d’ores et déjà stoppés », assurait-il.
Application dès le 1er juillet
Face à cette situation de blocage et afin de permettre aux collectivités de continuer à se financer, le gouvernement vient de soumettre au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) un projet d’arrêté – que Maire info a pu consulter – révisant la grille de calcul des taux d’usure pour les collectivités locales.
Son application doit être effective dès ce 1er juillet et jusqu’au 30 septembre prochain, à l’occasion de la fixation du taux de référence pour le troisième trimestre 2022. Déjà validé par le comité consultatif de la législation et de la règlementation financières le 14 juin dernier, celui-ci prévoit « d’aménager les catégories d’usure applicables aux collectivités, afin qu’elles reflètent plus précisément la réalité du marché du crédit aux personnes morales ».
La nouvelle grille se subdivisera dorénavant selon trois types de taux, en plus des prêts de moins de 2 ans : celui pour les prêts de 2 à 10 ans, celui pour ceux de 10 à 20 ans et celui pour ceux de plus de 20 ans.
« Une telle différenciation permettra une adaptation plus fine du taux d’usure applicable aux prêts consentis aux personnes morales, en particulier les collectivités territoriales », explique le gouvernement dans sa fiche d’impact.
À noter qu’il supprime également « la catégorie des prêts consentis en vue d’achats ou de vente à tempérament pour les prêts à ces mêmes personnes, car ces produits ne sont plus couramment distribués sur le marché du crédit ».
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