La crise sanitaire aurait un impact total de 7,3 milliards d'euros sur les finances des collectivités en 2020
Les collectivités devraient subir un manque à gagner de 7,3 milliards d’euros cette année, avant de connaître un rebond partiel de leurs recettes l’an prochain. C’est la conclusion de la mission parlementaire, dirigée par le député du Gers Jean-René Cazeneuve (LaREM), qui a tenté d’évaluer « l’impact de la crise du covid-19 sur les finances locales » avant la présentation dans une quinzaine de jours du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.
Prudence et incertitudes
Si celle-ci ne fait qu’affiner le premier compte-rendu d’étape présenté, en juin dernier, par le président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée (lire Maire info du 10 juin), ce dernier reconnaît qu’il est « très difficile d’anticiper l’impact de cette crise tant les paramètres sanitaires et économiques peuvent encore fortement évoluer dans les prochains mois et trimestres » et appelle à la « prudence » dans « l’interprétation de ses estimations », du fait même que « la crise sanitaire n’est pas terminée » et de « l’évolutivité de la situation ».
Encore « nombreuses », les incertitudes rendent « très difficile, à ce stade, une anticipation et un chiffrage sans faille de l’ampleur des pertes ». Certaines données et « partis pris » devront être « révisés au fur et à mesure de l’évolution de la situation », pondère Jean-René Cazeneuve qui rappelle notamment que les estimations sur la trajectoire des recettes locales en 2021 et 2022 sont « incertaines » puisque celles-ci « dépendent de l’ampleur de la reprise économique, du comportement des entreprises et des ménages et de l’étalement dans le temps des effets de la crise sanitaire ». D’autant qu’elles ont été construites « sans tenir compte des effets du plan de relance », qui, rappelons-le, prévoit notamment « d’alléger » de 10 milliards d’euros (dont 3,3 milliards pour le bloc communal) les impôts dits de production - tout en compensant les pertes « de façon intégrale, dynamique et territorialisée » - dès l’an prochain (lire Maire info 4 septembre).
Bloc communal : manque à gagner de 2,9 milliards d’euros
Ce qui est, toutefois, certain c’est que la crise a produit un « choc violent » sur les finances des collectivités locales dont l’impact « le plus important » a lieu en ce moment même, en 2020. Les travaux d’évaluation de la mission Cazeneuve montrent ainsi qu'elles devraient perdre près de 7,3 milliards d’euros cette année, par rapport à l'an passé.
Une baisse qui comprend celle des recettes fiscales (- 5,2 milliards d’euros) « qui pèse lourdement sur le bloc communal et les départements », celle des recettes tarifaires (- 2, 3 milliards d’euros) liées aux fermetures en 2020 pendant le confinement et à un certain nombre d’exonérations, ainsi que les surcoûts engendrés par la crise (- 3,6 milliards d’euros). Un impact « partiellement amorti » par la croissance des impôts « ménages » (+ 2,4 milliards d’euros) et par des économies de fonctionnement (+ 1,4 milliard d’euros).
Pour ce qui est du bloc communal, la mission Cazeneuve évalue les pertes nettes, toutes recettes confondues, à 2,3 milliards d’euros. Celles-ci comprennent les pertes de recettes fiscales (- 2 milliards d’euros), les baisses de recettes tarifaires (- 1,9 milliard d’euros) ainsi que le surplus de recettes fiscales (+ 1,5 milliard d’euros). À ceci, s’ajoutent les dépenses nettes induites par la crise qui s’établiraient à 520 millions d’euros (nette des économies réalisées). Soit un impact total de près de 2,9 milliards d’euros pour les intercommunalités et les communes, tout comme pour les départements (la perte serait de 1,5 milliard d'euros pour les régions).
À noter, toutefois, que le député du Gers constate que ses estimations et celle de l’AMF restent « sensiblement différentes » et divergent de 1,7 milliard d’euros en ce qui concerne les recettes fiscales et tarifaires.
Communes touristiques et outre-mer : un impact « brutal »
Ces pertes sont, d’ores et déjà, réparties de manière très hétérogènes selon les catégories de collectivités, qui ne seront pas impactées au même moment. « À titre d’exemples, l’impact est plus direct et brutal pour les communes touristiques, les collectivités d’outre-mer ou encore les départements qu’il convient de soutenir rapidement afin de soutenir leur trésorerie », estime Jean-René Cazeneuve. À l’inverse, « l’impact subi par les régions se manifestera surtout en 2021 tandis que la majorité du bloc communal reste relativement épargné grâce à la dynamique de la fiscalité locale ».
On peut également signaler que les communes dépendant fortement du marché immobilier ainsi que les villes moyennes (qui portent les équipements publics et les recettes liées aux services qu’elles offrent à leur territoire) sont également « très impactées ». De même, « les communes largement dépendantes d’une recette unique comme la vente de bois (communes forestières) ou les recettes fiscales issues des casinos subiront également l’impact de la crise de plein fouet en 2020 », annonce le député du Gers.
Par ailleurs, les pertes subies par les intercommunalités devraient essentiellement se concentrer sur les groupements qui exercent les compétences d’autorités organisatrices de la mobilité, avec des manques à gagner estimés à 330 millions d’euros sur le versement mobilité. Plus généralement, Jean-René Cazeneuve redoute que le modèle de financement des mobilités soit « profondément et durablement » affecté, « alors même que des investissements massifs sont nécessaires dans ce domaine dans les prochaines années ».
Tout cela justifie, donc, à ses yeux, des réponses « adaptées et sur mesure ».
Rebond pour les communes en 2021
L’horizon pourrait, cependant, en partie s’éclaircir en 2021. Selon la mission Cazeneuve, les recettes du bloc communal devraient connaître un « rebond partiel » de leurs recettes à partir de 2021… « à l’exception des EPCI ». Celle-ci prévoit, en effet, que les recettes de l’ensemble du bloc communal progressent de près de 2,5 milliards d’euros en 2021 et de 3,6 milliards en 2022.
De la même manière, si l’impact de la crise devrait être également « moins fort » pour les départements, les régions connaîtraient le phénomène inverse. C’est en 2021 qu’elles subiraient les plus grandes conséquences qui impacteront, notamment, leurs capacités d’investissement. En cause, la CVAE qui, après avoir augmenté en 2020, baisserait fortement en 2021. Les régions pourraient ainsi subir en 2021 une perte fiscale nette de l’ordre de 800 millions d'euros par rapport à 2020.
Loi de programmation des finances locales
Tirant « les leçons » de cette crise, Jean-René Cazeneuve fait tout une série de recommandations et avance qu’il est désormais « nécessaire de développer les outils d’une gestion pluriannuelle des ressources locales » dans le but de « donner de la visibilité aux élus et réduire leur dépendance vis à vis de l’Etat ». Et d’ajouter : « Ce pacte financier devrait donc se traduire dans une loi de programmation des finances locales qui est un format adapté pour inscrire cette volonté de co-construction dans la durée ».
Il rappelle, enfin, que cette synthèse ne constitue qu’une « première étape d’un processus plus long » et préconise de poursuivre ce travail – un enjeu « pas simplement financier » mais aussi « démocratique », dit-il - en créant un observatoire de suivi de l’impact de la crise du covid-19 sur les finances locales.
A.W.
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