La Cour des comptes propose d'attribuer la DGF aux seules intercommunalités
Par A.W.
Le Comité des finances locales (CFL) a tout juste enterré, en avril dernier, toute tentative de réforme de la DGF qui ne serait pas conditionnée à une augmentation de son montant globale que la Cour des comptes se saisit à nouveau de ce sujet brûlant. Au moment où le gouvernement présente son projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Un énième soubresaut pour ce serpent de mer des finances locales, et pour lequel la Cour défend, dans son rapport publié hier, la mise en œuvre d’une réforme « systémique » de cette dotation versée aux communes, aux intercommunalités et aux départements, dont la répartition reste « marquée par de profondes inégalités ».
Injustices et complexité
On le sait, la DGF est « trop complexe pour tenter d’embrasser la diversité des situations locales ». Outre ses 18 composantes, elle comporte « des paramètres de calcul pour partie incomplets ou imprécis » pour la répartir équitablement entre collectivités : que ce soit, par exemple, les données de population ou encore le potentiel fiscal ou financier.
Bien que les inégalités entre collectivités s’atténuent, des iniquités et « injustices » persistent donc encore. « Des collectivités ayant un potentiel fiscal ou un revenu par habitant plutôt importants perçoivent toujours une DGF plus élevée que d’autres collectivités dont le niveau relatif de richesse est plus faible », constate ainsi la Cour, qui observe aussi que les montants de dotation forfaitaire versés à des collectivités dont la population, le potentiel fiscal et le revenu par habitant sont comparables peuvent être « hétérogènes ».
Rendre « plus efficace » la péréquation
Ces inégalités seraient, toutefois, « pour partie surmontables » en rendant plus efficace la péréquation, qui est « loin d’être cohérente ». Pour cela, la Cour préconise de « continuer à augmenter les dotations de péréquation », tout en les ciblant mieux « sur les collectivités pour lesquelles le besoin d’un concours de l’État (...) est le plus marqué ».
Car, selon les magistrats, les ressources financières qui sont consacrées à la péréquation bénéficient à « des collectivités extérieures à leurs cibles désignées et sont saupoudrées entre un nombre excessif de collectivités ».
Pour y remédier, ils formulent plusieurs propositions particulièrement techniques. Pour eux, la fraction « bourg-centre » devrait, d’abord, « être versée aux seuls chefs-lieux de canton en vigueur, et non à ceux d’avant la réforme de 2013 qui en a réduit le nombre ».
Ensuite, la dotation nationale de péréquation (DNP) devrait être « supprimée », tout comme la fraction « péréquation » de la dotation de solidarité urbaine (DSR), et « les montants correspondants être réaffectés (notamment) à la fraction “cible” de la DSR » qui bénéficient aux 10 000 communes rurales les plus fragiles. Ce qui permettrait de « verser cette dernière à un nombre accru de communes ».
La nécessité d’une « nouvelle DGF »
Mais les magistrats financiers préviennent que « les disparités dans la répartition de la DGF [...] ne peuvent être corrigées dans le cadre de l'architecture actuelle » de la dotation globale de fonctionnement. Et ce, malgré la croissance des enveloppes de péréquation depuis 2013.
Pour cette raison, ils proposent de mener « une réforme systémique ». La nouvelle DGF voulue par la juridiction de la rue Cambon se diviserait ainsi selon deux « volets » : « une dotation forfaitaire "cible" » serait ainsi calculée en fonction des ressources des collectivités et « un complément sélectif péréquateur » calculé en fonction de leurs charges.
Cette nouvelle DGF permettrait de soutenir les collectivités dont les ressources sont inférieures à un certain seuil. La seconde part de la nouvelle ressource prendrait en compte « les besoins de financement de charges propres aux caractéristiques de la population et du territoire des collectivités ».
Pour la répartition de la DGF, « seul un nombre réduit de données, authentifiées par des tiers de confiance, seraient prises en compte ». Il est à noter que les conséquences concrètes que pourraient avoir ces modifications sur les collectivités nécessiteraient « d’importantes études d’impacts difficiles à produire à court terme », souligne ce matin l'AMF.
Les magistrats estiment, par ailleurs, que le maintien de l’affectation de la DGF aux départements est « peu justifié » et proposent que celle-ci soit « intégrée à une dotation évolutive de l’État ou à une ressource fiscale qui seraient spécifiquement affectées au financement des dépenses sociales relevant des compétences des départements ».
S'agissant de la DGF du « bloc communal », ils souhaitent qu’elle soit désormais versée aux intercommunalités. Pour cela, il compte favoriser cette pratique « par des incitations financières adaptées ». L’objectif est de « moduler la répartition de la DGF au plus près des situations individuelles des communes et renforcer la solidarité financière entre elles ». Une proposition pour laquelle s’est opposé le président des finances locales, André Laignel, il y a encore deux jours.
« Le projet d’unification de la DGF peut être une volonté partagée localement, que la loi le permet depuis 2010 et selon plusieurs options (totale ou partielle, critères de répartition imposés ou libres) », rappelle pour sa part l'AMF, qui note que, « pour autant, nous n’avons connaissance d’aucun exemple de communes et de communautés qui auraient engagé un tel processus ; ce qui témoigne de l’absence de volonté locale, même à titre expérimental, de ce processus ».
Une réforme financée par les collectivités
La Cour propose, enfin, d’étaler la mise en œuvre de la réforme afin d’en « lisser les effets dans le temps pour les collectivités « gagnantes » et les collectivités « perdantes », par exemple sur la durée du prochain mandat municipal ou départemental ».
Au regard du coût éventuel de la réforme pour l’État (de la compensation d’une partie des pertes de recettes des collectivités « perdantes », mais aussi de l’éventuelle « réindexation de la DGF sur l’inflation » ), la Cour estime que celui-ci « devrait être financé par un ajustement à due concurrence des autres concours de l’Etat aux collectivités ». De quoi faire bondir les élus locaux puisque cette réforme devrait se faire « à coût constant pour les finances publiques ».
Un point déjà contesté par le CFL. Son président assurait ainsi, au printemps dernier, qu’une telle réforme de la DGF « est impossible à moyens constants » et même « totalement inenvisageable à moyens descendants » car « beaucoup de collectivités sont déjà en grande difficulté ».
Pour cette raison, le CFL avait interrompu ses travaux sur le sujet, débutés en janvier - pour lesquels il avait été missionné par Emmanuel Macron, lors du dernier congrès des maires - en attendant un hypothétique abondement des crédits de la DGF dont, on le sait désormais, le montant 2024, un peu plus de 27 milliards d’euros, devrait être reconduit à l’identique l’an prochain.
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