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Édition du mardi 12 juillet 2022
Finances locales

La Cour des comptes juge la situation financière des collectivités « très favorable », ce que conteste l'AMF

Avec un excédent de 4,7 milliards d'euros établi en 2021, les magistrats financiers confirment que la contribution des collectivités au redressement des finances publiques leur apparaît « légitime ». Une proposition qui n'est « pas de nature à permettre un redressement des comptes publics », selon l'AMF.

Par A.W.

Le principe d’une contribution des collectivités au redressement des finances publiques serait « légitime », selon la Cour des comptes. L’institution de la rue Cambon avait déjà exprimé cette position, la semaine passée, dans un sous-chapitre de son rapport sur les finances publiques, elle la confirme donc aujourd’hui, sans surprise, dans son premier fascicule (le second fascicule sera publié en novembre) sur la situation des finances locales en 2021, publié ce matin.

« Niveau inédit »  d’épargne

Après l’Insee et l’OFGL, c’est donc au tour de la Cour des comptes de dresser un tableau largement favorable de la situation des finances locales au sortir de l’année 2021. 

« Relativement épargnées en 2020 »  par la crise sanitaire au regard de la dégradation des comptes de l’État et des organismes de sécurité sociale, les collectivités locales ont ainsi vu leur situation financière s’améliorer « fortement »  l’an passé avec un excédent de 4,7 milliards d’euros, en dépit de la poursuite des conséquences de la pandémie. 

Au global, leur épargne brute a ainsi atteint un niveau « inédit », à hauteur de 41,4 milliards d'euros, supérieur de 2,4 milliards d'euros à celui d’avant crise.

Une situation qui s’explique par des recettes de fonctionnement qui ont connu une « forte hausse »  de plus de 5 %. Avec « un niveau supérieur de 3 % à celui de l’avant-crise », cette progression s’explique essentiellement par le « dynamisme des recettes fiscales »  dans un contexte de « reprise de l’activité économique ». Les départements en ont été particulièrement bénéficiaires à travers leurs produits de droits de mutation à titre onéreux (+ 3 milliards d’euros).

Dans le même temps, leurs dépenses de fonctionnement ont également augmenté de 2,6 % (contre 1,3 % en 2020), à hauteur de 5,7 % pour les achats de biens et services et de + 2,8 % pour les dépenses de personnel.

Une amélioration d’ensemble qui s’accompagne d’une nouvelle hausse de l’investissement local résultant « au moins partiellement de décalages de projets n’ayant pu être conduits en 2020, mais témoigne également de l’effort d’investissement consenti par les collectivités locales ».

Du côté de l’emprunt, la Cour constate une mobilisation « très supérieure au besoin de financement », qui relève, « au moins en partie, d’une épargne de précaution en période de taux bas », certaines collectivités souhaitant « thésauriser plutôt que d’utiliser pleinement leurs ressources ou de diminuer leurs impôts, afin de se prémunir contre de futurs aléas ».

L'exception des communes de plus de 100 000 habitants

Si cette « embellie »  a bénéficié, à des degrés divers, à « toutes les catégories de collectivités », elle ne rend pas compte de la « forte hétérogénéité »  des situations individuelles, en particulier dans le bloc communal.

Ainsi, à l’exception des communes de plus de 100 000 habitants (déjà fragilisées en 2020), les communes ont reconstitué, l’an passé, un niveau d’épargne brute supérieur à leur niveau d’avant crise. Plus largement, le bloc communal a « accru ses marges de manœuvre financières »  grâce à « un rebond de plus de 10 % »  et un rétablissement de leurs recettes de fonctionnement en hausse de 4,3 %. 

La progression des dépenses de fonctionnement (+ 3,1 %) est, toutefois, redevenue un « point de vigilance », aux yeux de la Cour, en particulier les dépenses de personnel au sein des EPCI.

« Cette deuxième année de cycle de mandat est atypique dans la mesure où les dépenses d’investissement (38,5 milliards d’euros) augmentent de 4,9 %, sous l’effet du décalage des opérations retardées en 2020, mais également en raison des financements du plan France Relance conduit par l’État », indiquent les magistrats financiers, soulignant que « la soutenabilité de la dette du bloc communal est restée maîtrisée à la suite de la crise ». 

En parallèle, la situation des départements s’est également « largement améliorée »  grâce à des recettes fiscales d’un « niveau exceptionnel ». Les régions, elles, ont été la seule catégorie qui n’a pas retrouvé un niveau d’épargne brute d’avant-crise, bien qu’ayant maintenu un « fort niveau d’investissement ».

« Légitime »  contribution

Dans ce contexte, la Cour des comptes préconise « la recherche d’une plus grande solidarité et d’une meilleure répartition des ressources entre collectivités, notamment à travers la révision des indicateurs financiers utilisés pour la répartition des dotations », mais demandent aussi à ces dernières de s'organiser « soit individuellement, soit collectivement, pour faire face aux futurs aléas, à travers l’instauration de mécanismes de résilience (auto-assurance collective ou individuelle) ».

Surtout, elle défend à nouveau le principe d’une contribution du secteur public local au redressement des finances publiques, qu’elle juge « légitime ». Une contribution toutefois « à redéfinir, dans un contexte économique de nouveau incertain », indiquent les auteurs du rapport.

Ils recommandent ainsi la mise en place d’un « encadrement »  des finances publiques locales, qu’il soit « contractualisé ou non », et suggèrent « plusieurs leviers d’inégales portée »  qui seraient « théoriquement disponibles »  et sur lesquels le gouvernement pourrait s’appuyer pour ériger son prochain projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. 

Ils proposent ainsi cinq leviers : « l’encadrement du rythme d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement », « le recours à un critère fondé sur l’autofinancement », « la fixation d’un ratio d’endettement », « la définition d’un objectif d’évolution du besoin annuel de financement »  ou bien « la réduction programmée dans le temps de certaines recettes ».

Concernant la reconduction d’un objectif de maîtrise des dépenses de fonctionnement, si celle-ci serait là aussi « légitime »  (bien que le retour de l’inflation ne le rende « pas aisé » ), elle impliquerait de « lever préalablement les difficultés pratiques rencontrées dans la mise en œuvre des contrats de Cahors », soulignent les magistrats, précisant que « toute dépense de fonctionnement n’est pas, par principe, mauvaise (il peut s’agir de la mise en œuvre directe d’un service rendu aux citoyens), de même que toute dépense d’investissement n’est pas vertueuse par nature ».

Reste que le débat semble d’ores et déjà clos puisque le nouveau ministre de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a annoncé l’abandon de l'idée de réactiver les contrats de Cahors

« Confusion »  entre excédents et santé financière 

Dans sa réponse à la Cour, l’AMF reprend ce dernier point et assure que « non seulement ''la dépense de fonctionnement n’est pas par principe mauvaise'' pour reprendre les termes réducteurs du rapport, mais surtout que celle-ci est nécessaire et indissociable du service public local ».

Plus globalement, l’association estime que « les propositions formulées par la Cour ne sont pas de nature à permettre un redressement des comptes publics, puisque ce sont les finances de l’État et les comptes sociaux qui pèsent sur les comptes de la nation »  et critique un rapport qui « reflète l’idée d’une sujétion financière des collectivités locales à l’État plus forte que jamais », regrettant au passage que ces conclusions ne soient « que très faiblement mises en perspective avec le contexte de crise ».

Elle déplore, par ailleurs, la « confusion »  entre excédents et santé financière des collectivités locales. « L’importance des excédents n’est pas forcément révélatrice d’une ''situation très favorable'' mais plutôt d’une situation financière équilibrée ». Pour l’AMF, « une situation financière très favorable ne peut se résumer à la constatation d’excédents inédits, mais doit aussi révéler une progression de l’offre de services à la population et de l’investissement ».
 

Télécharger le rapport.

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