Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 5 juillet 2024
Finances locales

Extension de la « prime Ségur » : les départements redoutent de ne pas pouvoir la financer

Les départements reprochent à l'exécutif d'avoir validé, dans « la précipitation » et sans concertation, l'extension de la « prime Ségur » à tous les salariés qui en étaient encore exclus. Ils craignent que certains d'entre eux « ne puissent honorer cet engagement unilatéral ».

Par A.W.

« Il n’est plus possible de faire encore plus avec toujours moins ! »  Dans un communiqué publié en début de semaine, les Départements de France font part de leur colère à l’égard du gouvernement.

Celui-ci vient, en effet, de valider, le 25 juin dernier et « en un temps record », l’accord signé par les organisations syndicales prévoyant notamment d’étendre le bénéfice de l’indemnité dite « Ségur »  de 183 euros net par mois à l’ensemble des professionnels de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass), certains en étant jusqu’à présent toujours exclus. 

170 millions d’euros en 2024

« Faisant fi de la libre administration des collectivités territoriales »  cette décision a été prise non seulement sans l’aval des départements, ni même sans « aucun véritable échange préalable avec eux », dénoncent-ils.

Et bien que ces derniers « s’accordent avec les acteurs du secteur médico-social sur la nécessité de rendre les métiers plus attractifs pour susciter des vocations », ils assurent ne pouvoir, « dans l’état actuel de leurs finances, en supporter les conséquences annoncées ».

Ils déplorent ainsi « la précipitation avec laquelle ces accords de branche ont été agréés »  Et qui les place « devant le fait accompli, dans un contexte d’extrême instabilité politique qui, en outre, les prive d’interlocuteurs ».

Concrètement, sur les « 600 millions d’euros qui seront mobilisés en 2024 par la sécurité sociale, l’État et les départements »  pour financer l’accord étendant le bénéfice de la prime Ségur, ces derniers devront débourser 170 millions d’euros au titre des mesures « bas salaires »  applicables rétroactivement au 1er janvier.

Demande de compensation

Dans ces conditions, les départements disent « craindre que nombre d’entre eux ne puissent honorer cet engagement unilatéral du gouvernement »  puisqu’ils sont confrontés à « des difficultés financières sans précédent ». 

Ils réclament donc le gel de cette mesure « dans l’attente de l’engagement d’une compensation intégrale par l’Etat ».

D’autant que des coûts supplémentaires sont également attendus en 2025. Les départements devront ainsi ajouter un montant de 190 millions d’euros « correspondant à un accord restant à conclure relatif aux classifications et aux rémunérations ». Auquel il pourrait falloir adjoindre « 50 millions supplémentaires découlant d’un accord sur les nuits, dimanches et jours fériés ».

Pour justifier leurs difficultés financières, l’association pointe ainsi l’effet cumulé de « la non-indexation de leurs dotations sur l’inflation, de l’augmentation du point d’indice, des revalorisations des trois allocations individuelles de solidarité et de l’effondrement des droits de mutation consécutifs à la crise de l’immobilier ». Résultat, un trou de 8,5 milliards d’euros a été recensé dans les caisses des départements par rapport à 2021. Et « la disparition de tout levier fiscal consécutivement à la suppression de la taxe d’habitation aggrave encore la situation, en les rendant totalement dépendants des dotations l’État », s’agacent-ils

En 2025, un département sur trois « en grande difficulté » 

Quelques jours plus tôt, le président de Départements de France, François Sauvadet, avait adressé, dans La Tribune, une lettre ouverte aux candidats aux législatives pour le moins sombre, dans laquelle ils prévenaient que, « au cœur des territoires de France, (...) il n’y a plus ni ressources ni moyens ». 

« Jamais les départements n’ont été confrontés à une telle dégradation de leurs budgets : en l’espace d’un an, le nombre de [ceux qui sont] en grande difficulté a plus que doublé. Un tiers d’entre eux sera concerné l’an prochain », alertait-il, estimant que « l’heure n’est plus aux annonces et aux promesses non financées ». 

« À défaut de cette prise de conscience salutaire, il appartiendra à la représentation nationale de nous indiquer quelle politique devra être sacrifiée », assurait le président du département de la Côte d’Or, s’interrogeant : « Devra-t-on renoncer à protéger les enfants qui nous sont confiés ? Ou à permettre à nos aînés et aux personnes atteintes de handicap de vivre dignement ? Faudra-t-il laisser nos routes se dégrader, ou stopper le développement de la fibre, au risque de maintenir enclavées nos campagnes ?... » 

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