Maire-info
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Édition du jeudi 13 février 2025
Finances locales

Dérapage budgétaire : l'ex-ministre de l'Économie tente de se défendre concernant ses accusations à l'égard des collectivités

Lors d'une audition par la commission d'enquête de l'Assemblée, le rapporteur du budget a jugé que les chiffres présentés par Antoine Armand à l'automne 2024 étaient « faux ». Selon Charles de Courson, les finances des collectivités n'ont jamais dérapé de 16 milliards d'euros comme on le leur reprochait.

Par A.W.

« Monsieur le ministre, aviez-vous conscience que les hypothèses que l’on vous proposait sur les collectivités locales n’étaient pas raisonnables et complètement surréalistes ? ». La polémique sur le rôle joué par les collectivités dans le dérapage budgétaire du pays en 2024 a fait son retour, hier, à l’Assemblée nationale, au détour d'une question posée par le rapporteur du budget, Charles de Courson (Liot), et alors que la Cour des comptes publie aujourd'hui son rapport sur la situation des finances publiques.

Auditionné par la commission d’enquête chargée d’examiner les raisons de l’aggravation brutale du déficit public l’an passé, l’éphémère ministre de l'Économie du gouvernement Barnier, Antoine Armand, a tenté de se justifier devant les députés. Notamment sur ses attaques envers les collectivités. 

Dégradation du déficit et collectivités

Reprenant l’argumentaire déployé depuis l’été par son prédécesseur, Bruno Le Maire, il les accusait d’être les principales responsables du dérapage budgétaire de l’an passé en ayant fait dérailler le déficit du pays de « 16 milliards d’euros » . Un chiffre dont l’origine et la crédibilité paraissaient déjà douteuses à l’époque.

Arrivé à Bercy « le 22 septembre 2024 », Antoine Armand a rappelé que « la direction générale du trésor [lui] communique la nouvelle évolution du déficit public désormais estimé à 6,1% à la place de 5,6 % prévus en juillet 2024 », et même 4,4 % prévus dans le PLF pour 2024.

Cette « nouvelle dégradation »  des finances du pays, qui a eu lieu en « très peu de mois » , a « deux causes », réitère-t-il devant la commission d’enquête : « Pour deux tiers, les dépenses de fonctionnement et d’investissement des collectivités locales, jugées beaucoup plus importantes qu’anticipé, à un niveau même inédit ». Pour le reste, il pointe des « recettes fiscales, et notamment la TVA, qui sont encore moins importantes que prévues ».

« Il m'apparaît donc impératif, dès le premier jour, de tenir le déficit public, qui est [à ce moment estimé] à 6,1 % pour 2024 et d’éviter toute nouvelle évolution négative. » « Telle a été ma mission pendant 74 jours », a expliqué celui qui est redevenu député Renaissance de la Haute-Savoie il y a quelques jours, en assurant que « tout a été fait pour maintenir ce déficit à 6,1 % ».

Pour y parvenir, il relate avoir notamment pris la décision de lancer un travail pour « comprendre les causes de l’évolution des finances locales […] : l’évolution de la masse salariale, l’évolution des dépenses de fonctionnement, les nouvelles compétences au cours du temps… ». Un travail qui ne sera d’ailleurs pas achevé avant son départ de Bercy.

Des hypothèses « surréalistes » 

Comme durant l’automne, cette présentation des faits est largement battue en brèche par le rapporteur du budget, Charles de Courson, qui note que l’« on ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé a posteriori »  avec « cette histoire des 16 milliards d’euros ».

Mais une chose est sûre. A ses yeux, « il s’avère que ce qui a été dit est faux ». « J’ai les chiffres, c’est monté jusqu’en juillet et après c’est redescendu : on a fini à 4,8 % au lieu de l’hypothèse de 2 % [de croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités]. Sur les investissements, on était parti sur 7,5 % et on a fini à 8 % », détaille le député de la Marne, qui estime que « c’est dans l’épure ». Résultat, « on a fini à 5 ou 6 milliards d’euros de dérapage [par rapport aux prévisions], et pas à 16 milliards d’euros ».

Et l’élu centriste de s’étrangler sur les projections de Bercy : « On maintient des DMTO alors que le marché de l’immobilier s’effondre ! Même chose sur le foncier bâti… alors que ce n’est pas très difficile de prévoir le foncier bâti ».

Face à ces « hypothèses complètement surréalistes »  présentées par le gouvernement de l’époque, le rapporteur du budget a demandé à Antoine Armand de s’expliquer : « Est-ce que vous aviez conscience que, tant sur la croissance des dépenses de fonctionnement que celle des dépenses d’investissement, mais aussi sur les prévisions de recettes, tout cela était complément surévalué ? Que ces hypothèses n’étaient pas raisonnables ? ». « Vous avez eu le temps de dire [à Bercy] : vos prévisions sur les collectivités, ce n’est pas possible… », assure-t-il.

« Je ne voyage pas dans le temps » 

Réponse de l’ancien ministre : « Ce que j’ai constaté, moi, est factuel : l’écart de prévision entre juillet et septembre 2024 – c’est très court – de 5,6 % à 6,1 % du PIB [s’agissant du déficit] provient d’une évolution non prévue des collectivités et des recettes ».

Et Antoine Armand de relativiser son analyse de l’automne 2024 en expliquant que lui et Charles de Courson ne comparent pas la même chose : « Vous comparez deux choses différentes : vous comparez les différences entre le PLF 2024 et la situation actuelle, et vous voyez ce qu’il s’est passé depuis. Mais, moi, au 22 septembre 2024 [jour de son arrivée à Bercy], je ne voyage pas dans le temps. Donc je ne sais pas vous dire quel sera l’ajustement. À l’époque, et en dynamique, l’évolution du déficit provient pour deux tiers de dépenses plus dynamiques des collectivités. Et c’est tout ce que je peux voir à ce moment-là », relate-t-il, reconnaissant implicitement que le rôle des collectivités dans le dérapage budgétaire de l’an passé n’était in fine pas forcément celui qu’il leur avait fait porter à l’époque.

Franchement pas convaincu, le rapporteur du budget a rappelé au ministre qu’il aurait « pu dire [à ses services] : "Vous me racontez ça, mais je voudrais que vous me le prouviez". Ce n’est pas raisonnable ». Lui-même et le président de la commission des finances avaient d'ailleurs demandé, dès septembre, davantage d'explications au gouvernement face à des chiffres qu'ils « n’arriv[aient] pas à comprendre ».

Alors que Bruno Le Maire a déjà été interrogé en décembre par la commission d’enquête, c’est désormais au tour de l’ancien ministre chargé du Budget, Laurent Saint-Martin, d’être auditionné aujourd’hui.

Pour rappel, la commission des finances de l'Assemblée a obtenu pour six mois les pouvoirs d'une commission d'enquête afin d'analyser « les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires »  constatés ces deux dernières années.
 

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