Contractualisation : la justice annule le taux et la sanction décidés par l'Etat à l'encontre du département de la Gironde
« Le préfet de Gironde a commis une erreur manifeste d’appréciation. » C’est ce qu’a estimé le tribunal administratif de Bordeaux, dans une décision rendue le 21 décembre dernier et mise en ligne par Acteurs publics, concernant l’arrêté pris par le représentant de l’Etat, en 2018, imposant au département girondin un taux de croissance annuel de ses dépenses de fonctionnement limité à 1,2 %, excluant toute modulation à la baisse ou à la hausse. Des termes qu’avait rejetés le département en refusant de signer le contrat financier avec l’Etat.
Taux « arbitraire »
Ce refus avait d’ailleurs été expliqué par le président du département, Jean-Luc Gleyze, lors de la séance plénière du conseil départemental du 28 juin 2018. Le taux directeur fixé par le préfet de Gironde de l’époque, Didier Lallement, y était ainsi considéré par l’élu aquitain comme « arbitraire », choisi « à la tête du client » et ne tenant « pas compte des réalités locales » dans un département qui « accueille chaque année près de 20 000 nouveaux habitants, se traduisant par une hausse naturelle des besoins… et donc des dépenses de fonctionnement ». « Alors même que dans son dernier courrier, monsieur le Préfet nous confirme que l’évolution de la population et le niveau de construction de logements en Gironde nous rend éligible à une modulation à la hausse du taux directeur, il décide finalement de maintenir ce taux pour notre collectivité à son niveau initial de 1,2 % », s’était insurgé Jean-Luc Gleyze en rappelant que, « à ce jour, l’Etat est redevable de plus de 82 millions d’euros au département de la Gironde », et avant de porter l’affaire devant la justice administrative.
Car, dans la foulée, pour ne pas avoir respecté le niveau maximal de dépenses réelles de fonctionnement qui lui avait été attribué, le département a été sanctionné d’une reprise financière de 12,8 millions d’euros pour l’exercice 2018 (pour l’exercice 2019, celle-ci était estimée par le DGS du département à « 25 millions d’euros » pour une augmentation des dépenses de fonctionnement « d’environ 2,2 % » ).
Reprise financière annulée
Mais, dans sa décision du 21 décembre dernier, le tribunal administratif de Bordeaux a finalement donné raison au département de Gironde, contre l’Etat, en annulant le taux fixé par la préfecture et, par conséquent, la sanction de près de 13 millions d’euros qui en a découlé.
Le juge administratif a confirmé que la population du département de la Gironde a bien connu « entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2018 une évolution annuelle supérieure d’au moins 0,75 point à la moyenne nationale », le rendant ainsi « éligible au premier critère de modulation à la hausse du taux de croissance annuel de ses dépenses réelles de fonctionnement ». Selon lui, « aucun élément ne permettait de considérer que la croissance de la population constatée de 2013 à 2017 ne se poursuivrait pas » et que, dans ce cadre, « le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant un taux de croissance annuel limité à 1,2 % ». « Par voie de conséquence », le second arrêté infligeant 12,85 millions d’euros de pénalité au département a également été annulé.
La juridiction va même plus loin en imposant à l’Etat le taux qui, selon elle, aurait dû être appliqué aux dépenses de la Gironde. Il enjoint ainsi à la préfecture de « notifie[r] au département un niveau maximal annuel de dépenses réelles de fonctionnement de 2018 à 2020 sur la base d’un taux de croissance annuel de 1,35 % » et, ce, « dans un délai d’un mois ».
Jusqu’à « 13,8 millions d’euros » restitués
Grâce à cette décision, la Gironde va récupérer plusieurs millions d’euros. « Ce sont entre 6,1 millions et 13,8 millions d’euros qui pourraient être restitués », estime ainsi la collectivité sur son compte Twitter, jugeant que c’est « une belle victoire pour préserver nos moyens d’assurer un service public de qualité ».
Une décision qui pourrait faire jurisprudence puisque quelque 322 collectivités (dont le budget principal dépasse les 60 millions d’euros) étaient concernées par la contractualisation de la trajectoire financière. L’avocat spécialiste des collectivités Éric Landot expliquait, en effet, vendredi, sur son blog que « si ce jugement se développe ailleurs, on va vers une mini-crise financière et des séries de contentieux (là où les délais de recours sont encore ouverts ou bien quand ils se rouvriront pour de futurs exercices budgétaires, si l’on revient à ce régime après la pandémie) ».
A.W.
Consulter la décision du tribunal administratif de Bordeaux.
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