Budgets verts des collectivités : les modalités de mise en oeuvre s'appliqueront de manière progressive
Par A.W.
La mise en œuvre des annexes vertes des collectivités se fera de manière progressive. C’est l’une des informations que l’on peut retenir du décret paru ce matin – et signé hier par six ministres, avant que le gouvernement présente sa démission – qui détaille les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle mesure qui doit permettre notamment de mesurer l’impact environnemental de certaines de leurs dépenses d’investissement.
Obligation pour les communes de plus de 3 500 habitants
Il s'agit d'une nouvelle obligation, à compter de l’exercice budgétaire 2024, pour les collectivités et EPCI de plus de 3 500 habitants (ainsi que la ville de Paris, la métropole de Lyon, la collectivité de Corse, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique).
Pour rappel, le camp présidentiel avait décidé de généraliser cette démarche déjà mise en oeuvre par certaines collectivités, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, avant de l’intégrer au budget, sans vote, grâce à l’activation du « 49.3 » .
Concrètement, les collectivités ont donc désormais l’obligation de présenter « un état annexé » au compte administratif ou au compte financier unique intitulé « Impact du budget pour la transition écologique ». Une nouvelle annexe qui concerne les dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent « négativement ou positivement à tout ou partie des objectifs de transition écologique » de la France.
L'objectif de la majorité de l’époque était ainsi d’« harmoniser » une démarche engagée déjà par un « nombre croissant de collectivités ». Dans son amendement adopté durant les débats en commission, l’ancien rapporteur du budget issu de la majorité, Jean-René Cazeneuve (Gers, réélu), assurait que cette disposition devait aussi permettre aux « collectivités plus petites » de participer à cette démarche, « sur la base des volontaires » cette fois.
Ecoles, voiries, terrains, constructions…
S’agissant des modalités de mise en œuvre, le décret prévoit que cet « état annexé » soit établi pour « les budgets principaux et les budgets annexes soumis aux instructions budgétaires et comptables M57 et M4 » en prenant en compte les « dépenses réelles exécutées » de la section d'investissement (c’est-à-dire celles donnant lieu à un flux financier, excluant notamment les dépenses d’ordre).
Pour l’exercice 2024, tout d’abord, ce sont 17 comptes qui sont concernés, dont les « bâtiments scolaires », les « terrains bâtis », les « réseaux » et « installations » de voirie, les « constructions en cours » ou encore le « matériel et transport ferroviaire » (pour les budgets principaux et annexes soumis à l’instruction M57).
Ensuite, à partir de l'exercice 2025, précise le décret, les collectivités devront faire en sorte que « la contribution aux objectifs de transition écologique [soit] présentée obligatoirement pour l'ensemble des dépenses réelles d'investissement exécutées, hors remboursement des annuités d'emprunt à l'exception des remboursements correspondant à la dette liée à la part investissements des marchés de partenariat » (pour les budgets soumis aux instructions M57 et M4).
Deux axes environnementaux dès 2025
Pour ce qui est des « objectifs de transition écologique » visés, les collectivités devront « obligatoirement » réaliser une « analyse de l’impact environnemental » de leurs dépenses d’investissement, selon six axes issus du règlement européen.
Là aussi, cela se déroulera par étapes successives, comme le souhaitait d’ailleurs l’AMF. Pour commencer, dès 2024, l’analyse des dépenses devra simplement évaluer leur contribution à « l’atténuation du changement climatique » (globalement, la diminution des émissions de gaz à effet de serre). Ensuite, à compter de l’exercice 2025, elles devront également apprécier de quelle manière elles favorisent la « préservation de la biodiversité et protection des espaces naturels, agricoles et sylvicoles ».
Enfin, les quatre derniers axes ne devront être retenus qu’à compter de l’exercice 2027. Ils concernent « l’adaptation au changement climatique et prévention des risques naturels », la « gestion des ressources en eau », la « transition vers une économie circulaire, gestion des déchets, prévention des risques technologiques » ainsi que la « prévention et contrôle des pollutions de l'air et des sols ».
Cette « extension de l'analyse environnementale des dépenses d'investissement à compter de 2027 » devra, toutefois, « être confirmée par le bilan de la mise en œuvre de l'état annexé [remis au Parlement par le gouvernement au plus tard le 15 octobre 2026, NDLR] et sera conditionnée à la mise à disposition des éléments de méthodologie associés », dispose le décret.
Dette verte : un autre compte facultatif
On peut, par ailleurs, rappeler qu’une dette verte pourra également être identifiée et isolée – mais de manière facultative cette fois, à compter de l'exercice 2024 – dans un autre état annexé intitulé « état des engagements financiers concourant à la transition écologique ».
« La possibilité offerte, notamment aux communes et aux maires, de pouvoir identifier les investissements [avec des objectifs environnementaux] dans un état annexé dédié, doit permettre de multiplier les projets dont la période d’amortissement est parfois très longue et peut donner accès à des financements spécifiques », expliquait ainsi Pierre Cazeneuve, député de la majorité (Hauts-de-Seine, réélu) et fils du précédent, à l’origine de cet autre amendement intégré dans le budget 2024 et dont les modalités de mise en œuvre doivent également être définies par décret.
Dans le cadre de son examen, on peut également rappeler que la création d’un « Fonds territorial climat » de 200 millions d’euros proposée par les sénateurs (et directement répartis entre les EPCI ayant adopté un Plan climat air énergie territorial, PCAET) avait semblé tout proche de voir le jour, avant d’être finalement écartée par l’exécutif.
Transition écologique : la répartition de l’effort en question
Climat et budget. La thématique a également intégré, cette année, un chapitre du rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques, présenté lundi et dans lequel la haute juridiction blâme sévèrement le gouvernement.
Dans ce chapitre dédié, les juges financiers assurent qu’il y a « urgence » à « intégrer l’enjeu climatique dans la programmation des finances publiques », pointant « le risque que les générations futures héritent à la fois de la dette climatique et de la dette financière contractée pour y faire face ».
Alors que « les investissements nécessaires à l’atteinte de nos engagements climatiques sont estimés à un surcroît de plus de 60 milliards d’euros par an en 2030 », ces derniers soulignent que « les recettes fiscales assises sur les carburants devraient rapidement s’éroder et que la croissance pourrait structurellement fléchir chaque année du fait des coûts de la transition et du réchauffement ».
Or, « aucun de ces trois facteurs n’est aujourd’hui intégré à la stratégie de finances publiques alors qu’ils pourraient avoir un impact à la hausse de l’ordre de 7 points de PIB sur le ratio de dette publique en 2030 », s’inquiètent les magistrats de la rue Cambon.
D’autant que ce coût de 60 milliards d’euros reste à « répartir entre les ménages, les entreprises et les administrations publiques […] en fonction des instruments utilisés (tarification carbone, subventions, réglementation) » et que « l’inaction climatique se traduirait par un coût encore plus élevé », insistent-ils.
Pointant « l’absence de consensus et des travaux encore fragiles » sur la répartition du coût du financement entre les différents acteurs, la Cour assure que l’une des questions centrales à venir « portera sur le partage des efforts […] entre l’État et les collectivités » alors que « les marges de financement de la transition énergétique par les administrations publiques sont particulièrement étroites ».
« La stratégie pluriannuelle de financement de la transition énergétique doit [donc] fournir l’occasion au [futur] gouvernement de clarifier la répartition de cet effort », explique la Cour qui souligne que « cette stratégie devra également être pleinement intégrée dans la programmation des finances publiques et ce dès les prochains textes financiers qui seront présentés à l’automne 2024 ».
A noter que la haute juridiction devrait « de plus en plus » intervenir sur cette question climatique puisque, « à compter de septembre 2025 », un « nouveau rapport annuel sur la transition écologique » sera lancé, a annoncé son premier président, Pierre Moscovici.
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