Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 6 octobre 2025
Finances locales

Budget 2026 : la baisse de la CVAE brièvement remise sur la table

Avant sa démission, ce matin, Sébastien Lecornu avait fait savoir qu'il comptait réduire de 1,1 milliard d'euros la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dès 2026 et envisageait son extinction en 2028.

Par A.W.

La saga CVAE est de retour et, avec elle, sa manne de quelque 4 milliards d’euros. Enfin presque... C’est ce que l’on pensait jusqu’à ce matin, un peu avant 10 heures. À peine relancée ce week-end, l’idée de baisser à nouveau la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est déjà remise en cause par la démission inattendue du Premier ministre Sébastien Lecornu, après l’implosion immédiate de son nouveau gouvernement, nommé hier soir (lire article ci-contre). 

C’est le destin de cet impôt versé par les entreprises dont l’avenir est continuellement remis sur la table depuis quelques années, avant que les modalités de sa suppression définitive ne soient revues, corrigées, voire annulées. 

1,1 milliard dès 2026

S’il est impossible de savoir si l’idée prospérera dans le prochain budget au regard de la nouvelle donne politique du jour, le projet pour 2026 transmis jeudi au Conseil d'État et au Haut conseil des finances publiques (HCFP) par Sébastien Lecornu prévoyait une réduction dès l’an prochain de « 1,3 milliard d'euros »  de la CVAE – sur les 4 milliards d'euros restants – , selon une information publiée ce week-end par Les Echos

Plus exactement ce sont « 1,1 milliard d’euros si l'on prend en compte le surplus d'impôt sur les bénéfices qui sera payé par les entreprises, du fait de l'amélioration de leurs marges », expliquait ainsi le quotidien économique.

Un dernier chiffre confirmé par l’entourage de Sébastien Lecornu qui envisageait, en outre, la « suppression progressive »  de cet impôt dû par certaines entreprises « d'ici trois ans »  – en 2028 donc – à condition, toutefois, que les « finances publiques le permettent ». Ce qui n’a rien d’évident en l’état actuel des choses.

Le gouvernement entendait ainsi « baisser un impôt de production qui pèse principalement sur les PME, notamment du secteur industriel. Cette suppression bénéficierait à environ 300 000 entreprises, pour trois quarts aux PME et ETI », affirmait l'entourage de l’ancien chef de l’exécutif, vantant « un soutien direct au produire en France ». 

Une décision saluée dans la foulée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), deuxième organisation patronale française, qui s’est réjouie de cette « victoire pour les PME », alors que cet impôt devait initialement disparaître intégralement en 2024, après la suppression de la première moitié en 2023.

Une compensation «  défavorable » aux collectivités

Une annonce qui ressemblait, toutefois, à s’y méprendre à celle voulue il y a deux ans par l’ancien patron de Bercy, Bruno Le Maire, nommé brièvement ministre des Armées hier. Celle-ci visait également « 300 000 entreprises, industrielles, quasiment toutes des TPE et des PME ». Toutes celles qui payaient la cotisation plancher particulièrement modeste de… 63 euros.

On connaît la suite, la décision de supprimer entièrement cet impôt a été reportée à plusieurs reprises en raison des difficultés budgétaires du pays, pour être actuellement fixé en 2030.

Bien que les collectivités soient à l'origine les principales victimes de la suppression de cet impôt, l'Etat a déjà décidé de compenser à ces dernières la totalité de la CVAE, et non pas seulement la part supprimée en 2023. Seul le budget de l'État serait donc, en l'état, impacté si la baisse de la CVAE était actée dans le prochain budget.

On peut rappeler, cependant, que les modalités choisies par le gouvernement d'Elisabeth Borne, à l'époque, avaient été jugées « défavorables »  par l’AMF puisque « plus de 650 millions d’euros manqu[ai]ent à l’appel »  pour l’année 2023. 

Les maires reprochaient, en effet, le mode de calcul de cette compensation, basé sur les recettes perçues par les communes, les intercommunalités et les départements durant les années 2020, 2021, 2022 et 2023 et qui « pénalis[ait] clairement les communes et leur intercommunalité ». Ils proposaient notamment que « l’année 2021, qui a enregistré une baisse exceptionnelle de la CVAE en raison de la crise sanitaire, [soit] exclue de ce calcul ».

Plusieurs rapports critiques

Une compensation qui n’a pas permis de rétablir l'équilibre financier des collectivités et a même contribué à alourdir le déficit public, confirmait, dans un rapport récent, le sénateur écologiste Thomas Dossus.

Celui-ci a ainsi alerté sur « la dégradation financière »  des collectivités en pointant à la fois les conséquences de la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et celles de la suppression de la taxe d'habitation. 

Selon lui, ces deux réformes ont profondément désorganisé les recettes des collectivités qui « ne tirent plus parti financièrement »  du développement économique local ni de la construction de logements, remettant « en question la libre administration des collectivités ». 

« On estime le coût de ces réformes à 35 milliards d'euros quand on cherche aujourd'hui 40 milliards d'économies », ironisait le sénateur du Rhône, avant de souligner : « On demande aux collectivités de contribuer au redressement des comptes publics, c'est une forme de double peine car les leviers fiscaux ont été retirés. » 

Dans un bilan final du plan de relance, présenté à l’automne 2020, qui devait permettre à la France de retrouver son niveau économique précédant la crise sanitaire, France Stratégie estimait, de la même manière, que la baisse des « impôts de production »  n'avait profité qu'à une partie des territoires et des entreprises. Selon elle, entre 2020 et 2021, la réduction de CVAE, de CFE et de TFPB a ainsi largement bénéficié aux zones très denses en activité économique et industrielle, peu aux petites entreprises et conduit à une baisse de l’autonomie fiscale des collectivités.

L'éventualité d'un retour d'une baisse de la CVAE reste, pour l'heure, bien lointaine au regard du champ de ruines politique auquel assiste le pays. Y aura-t-il même un budget pour l’an prochain ? Dans l’immédiat, cela semble improbable puisque le Parlement doit disposer des 70 jours – prévus par la Constitution – pour en débattre. A défaut, le projet de loi de finances (PLF) peut être mis en vigueur par ordonnances ou une loi spéciale peut reconduire les crédits de 2025 à l'identique au début de 2026, comme ce fut le cas au début de cette année pour le budget précédent. 

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