Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 28 janvier 2025
Finances locales

Budget 2025 : pour les collectivités, les activités générant de faibles recettes bientôt soumises à la TVA ? 

Du fait de l'abaissement du seuil de la franchise de TVA adopté dans le projet de budget, certaines activités pourraient être soumises à cette taxe, telles que les locations de salles des fêtes, de locaux aux commerçants ou aux assistantes maternelles. Résultat, les tarifs pourraient être revus à la hausse et les recettes des collectivités réduites.

Par A.W.

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C’est un amendement gouvernemental un peu passé inaperçu lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Mais qui serait loin d’être indolore pour les communes et les intercommunalités.

D’abord rejetée par les sénateurs fin novembre, cette disposition abaissant le seuil de franchise de la TVA a finalement été adoptée, quelques jours plus tard, lors d’une seconde délibération réclamée par l’exécutif de l’époque, alors encore dirigé par Michel Barnier. Visant à unifier ce dispositif, elle aurait pour conséquence de soumettre à la TVA les activités générant de faibles recettes, notamment celles des collectivités.

Franchise de TVA : le seuil abaissé à 25 000 euros

Pourtant, les sénateurs avaient d’abord décidé de s’opposer à cette mesure défendue par le gouvernement Barnier, qui prévoit la mise en place d’un seuil unique de franchise de TVA (aux effets similaires à une exonération), au lieu de plusieurs actuellement. 

Pour cela, l’exécutif a fortement abaissé – à 25 000 euros – le seuil de chiffre d’affaires en-dessous duquel un redevable de la TVA peut bénéficier de ce régime de franchise, et ce quelle que soit la nature de l’activité (contre actuellement 85 000 euros, pour le commerce et 37 500 euros pour lesprestations de service).

Une mesure réclamée « par un certain nombre d’entreprises »  qui s’inquiètent des conséquences de l’ouverture de cette franchise aux entreprises européennes (liée à une directive de l’UE), avait justifié, lors des débats, le ministre du Budget de l’époque, Laurent Saint-Martin, dont l’objectif était de « simplifier »  ce dispositif et d’éviter « les distorsions de concurrence », tout en permettant de « générer des recettes fiscales »  évaluées « dans une fourchette comprise entre 2,2 milliards et 2,4 milliards d’euros ».

Il s’agissait également de retenir « un seuil cohérent avec celui qui est en vigueur chez nos voisins européens […], les seuils français étant bien plus élevés que ceux des États frontaliers – 25 000 euros en Allemagne et en Belgique, 12 000 euros en Suisse, etc. », expliquait le ministre.

Pressentant « une mesure de rendement avant tout », le rapporteur général, Jean-François Husson, s’y était opposé, considérant que « le timing n’est pas le bon ». Il redoutait, en outre, que cette mesure ne fasse « sortir du dispositif un certain nombre d’entreprises, ce qui entraînera immanquablement – c’est logique – une forme de complexité administrative, notamment pour les petites entreprises ». Sans compter son coût compris « entre 800 millions et 1 milliard d’euros ».

Pourquoi les sénateurs ont-ils changé d’avis lors de la seconde délibération votée le 1er décembre ? Ceux-ci n’ont pas donné d’explication, le débat s’étant réduit à une présentation lapidaire de la mesure, lors de la nouvelle présentation de cet amendement qui a été approuvé d’emblée.

Tarifs plus chers ou recettes en baisse 

Bien que les débats sénatoriaux se soient focalisés uniquement sur les entreprises, sans faire allusion aux collectivités, une partie d’entre elles pourrait bien être affectée par cet abaissement du seuil. 

Concrètement, au-delà des entreprises, cette décision des sénateurs va soumettre à la TVA les activités « des collectivités locales qui génèrent de faibles ressources », s’inquiète l’AMF. Pourraient être ainsi concernées, pour ce qui est du bloc communal, les recettes issues des « locations de salles des fêtes », des « locations de locaux à des commerçants (boulangerie, épicerie en milieu rural notamment) »  ou à « des professionnels de santé », ainsi que les « locations de maisons d’assistantes maternelles, de micro-crèches »  et bien d’autres.

À l’opposé de l’argument de simplification avancé par Laurent de Saint-Martin, l’entrée de ces activités dans la TVA aura ainsi « des conséquences en termes de charge administrative pour les collectivités (déclaration de la TVA collectée et déductible, suivi de la TVA, etc.) », mais aussi d’un point de vue financier. L’impact touchera « non seulement les communes mais également les bénéficiaires des prestations de services »  qui ne sont actuellement pas soumis à cette taxe et vont devoir en subir la charge finale. 

« Cela sera par exemple le cas des professionnels de santé et des associations d’assistantes maternelles louant des locaux à des communes », estime l’AMF qui prévient, toutefois, que « les impacts sont difficiles à anticiper et dépendront de nombreux facteurs (situation du preneur au titre de la TVA, possibilité pour la commune de déduire la TVA sur ses dépenses en raison de l’entrée dans la TVA, etc.) ». Une visibilité d’autant plus réduite que cette nouvelle disposition ne s’accompagne d’aucune simulation permettant de mesurer les impacts de l’abaissement du seuil de franchise.

Une chose est sûre, cependant, cette évolution législative conduira soit à « une hausse des tarifs », soit à une « baisse des recettes des collectivités, si celles-ci choisissent de ne pas répercuter la TVA »  sur les prix, note l’association.

« L’abaissement du seuil de franchise risque ainsi de percuter les équilibres définis par les communes et les EPCI pour protéger le pouvoir d’achat de leurs administrés et accompagner la vie quotidienne, en particulier dans les territoires ruraux », regrette-t-elle, rappelant que cette décision a été prise « sans concertation ».

Et rien n’indique que députés et sénateurs remettront en cause cette disposition lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui doit se réunir, jeudi, et durant laquelle ils tenteront de trouver un compromis sur le projet de budget.
 

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