Financement des AESH pendant la pause méridienne : une rentrée encore perturbée
Par Lucile Bonnin

L’alerte a été donnée il y a quelques jours par le sénateur de la Savoie, Cédric Vial, qui a adressé le 28 août dernier un courrier à la ministre de l'Éducation nationale, Élisabeth Borne, à propos de l’application de la loi qui porte son nom, promulguée en mai 2024. Cette dernière impose à l'État de prendre en charge le financement des AESH pendant la pause méridienne à compter de la rentrée 2024, alors que jusque-là il revenait aux communes de le faire (depuis une décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020).
La rentrée dernière, déjà, Maire info alertait sur le fait que dans de nombreux départements l'Éducation nationale n'appliquait pas cette loi et que la charge restait alors aux communes (lire Maire info du 18 septembre).
Force est de constater que la situation n’est pas bien différente de celle de l’année dernière – si ce n’est que cette loi, qui devait être à l’origine appliquée simplement, a été l'objet d’informations confuses et de toutes sortes de freins administratifs.
Complexifier au lieu d’appliquer la loi
Dès son adoption, l’application de la loi a été entravée par une circulaire d'application complexe et longue. « Huit pages pour une loi de deux lignes !, dénonce Cédric Vial auprès de Maire info. La circulaire imposait aux mairies de faire une convention cadre puis de faire des conventions spécifiques… l’État a tout fait pour rendre ce transfert le plus compliqué possible. »
Après avoir été interpellé sur le sujet, le gouvernement a pris en février dernier un décret qui avait vocation à remplacer cette fameuse circulaire. « Sauf qu’ils ont gardé le décret et la circulaire, raconte le sénateur. C’est sans fin ! Ils ont fini par abroger la circulaire le 15 juin. »
Cependant, cette abrogation de la circulaire a pu créer de graves confusions. « L’abrogation de la circulaire a été faite sans aucune communication autour, explique Cédric Vial. Cela a donné un sentiment de retour en arrière, soit chez les familles, soit chez les enseignants, ou même dans les inspections académiques. Il faut expliquer maintenant aux inspections académiques et aux mairies que la loi doit s’appliquer et que la prise en charge est bien de la responsabilité de l’État. »
Soyons clair : la loi doit s’appliquer. « Cette circulaire n’aurait jamais dû exister et son abrogation implique que la loi s’applique à nouveau simplement, sans avoir besoin de toutes ces conventions » , précise le sénateur de la Savoie.
Par ailleurs, en supplément du flou qu’a fait naître la disparition de cette circulaire en toute discrétion, une autre dérive a été observée, par exemple dans la Loire. « Certaines inspections académiques ont rédigé une circulaire départementale où ils demandent à leur tour de rédiger des conventions. C’est la quintessence de ce que sait faire de mieux l’administration française : créer de la complexité et faire des normes. » D’autant que, comme l’explique Cédric Vial, ce système de conventions est « infernal » surtout pour les petites communes qui devraient multiplier les allers-retours, faire voter la convention en conseil municipal, etc… « Cela pourrait prendre trois mois pour faire tout ça ! ».
Ailleurs, comme dans le Val-de-Marne, les critères établis par le DASEN pour déterminer le bénéfice de cet accompagnement n’ont pas été concertés en amont avec les maires et les communes se retrouvent dans les faits tenues de continuer à se substituer en partie à l’Éducation nationale dans la mise en œuvre de la Loi Vial, en raison de critères d’évaluation trop restrictifs.
« Il faut que l’État fasse son boulot »
Derrière ces imbroglios administratifs inextricables, ce sont des élèves qui sont laissés encore une fois en cette rentrée 2025 sans solution d’accompagnement pendant la pause du midi. Dans son département, le sénateur a été contacté par une famille aujourd’hui forcée de faire manger son enfant dans la voiture devant l’établissement car l’école n’a pas eu d’AESH, sachant que l’année passée, faute de prise en charge par l’État, la commune l’avait elle-même pris en charge. Soulignons au passage que le gouvernement fait la sourde oreille sur la question de la compensation des charges engagées par les collectivités territoriales depuis la rentrée en l’absence de financements de l’État.
« Il faut que l’État fasse son boulot, lance Cédric Vial. Le principal problème de l’école inclusive n’est plus une question de moyens mais d’organisation. »
En février dernier, au Sénat, Élisabeth Borne assurait que le gouvernement avait bien « prévu les financements nécessaires pour assurer la prise en charge des AESH sur la pause méridienne » (lire Maire info du 13 février). Le message semble ne pas être passé auprès de tous les cadres locaux du ministère. Il a été rapporté au sénateur que certaines inspections académiques ont expliqué à des familles que l'intervention sur le temps méridien d'un AESH serait déduit de celui dont bénéficie déjà les élèves sur le temps scolaire. Estimant ces situations « inacceptables » , le sénateur demande au ministère d’intervenir.
L’État n’est pas non plus au rendez-vous en matière d’effectifs. « La direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) a estimé le besoin en ETP d’AESH sur le temps méridien à environ 1 200, détaille Cédric Vial. La ministre indiquait qu’en juin dernier 870 ETP étaient en poste. Certes 70 % des besoins sont couverts, mais il reste entre 5 000 et 6 000 enfants qui ont besoin d’un accompagnement mais ne l’ont pas eu. C’est beaucoup trop. »
Rappelons enfin que la problématique de l’accueil des enfants en situation de handicap ne se limite pas à la question de la prise en charge à la cantine. Si plus de 350 00 enfants bénéficient aujourd’hui d’un droit pour un accompagnement humain (notifié par les MDPH), la pénurie d’AESH laisse certaines familles sans solution d'accompagnement. Par ailleurs, l’AMF souligne en plus ce matin la baisse annoncée par la Cnaf du montant horaire du complément inclusif versé pour l’accueil des enfants handicapés dans les accueils de loisirs (de 4,50 €/h en 2024 à 3,90 €/h en 2025), bonus créé à la demande de l’AMF dans le cadre de la COG 2023 - 2027.
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