Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 4 juillet 2025
Fonction publique territoriale

Financement de la CNRACL : le député Stéphane Delautrette plaide devant les sénateurs pour des solutions alternatives

Le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale, lors de la présentation le 3 juillet de son rapport visant à ramener la caisse de retraite à l'équilibre sans ponctionner davantage les employeurs territoriaux, a reçu l'appui des élus du Palais du Luxembourg.

Par Emmanuelle Quémard

Face à l’urgence de trouver de nouvelles marges financières permettant de pérenniser le système de retraite des agents territoriaux, le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale a repris son bâton de pèlerin. Après avoir présenté en mai dernier à ses collègues députés son rapport sur ce dossier explosif (Maire Info du 14 mai), Stéphane Delautrette a été auditionné le 3 juillet par les sénateurs. L’élu (PS) de la Haute-Vienne souhaitait sensibiliser le Palais du Luxembourg sur les menaces qui pèsent sur la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). A quelques semaines de l’ouverture des débats sur le Projet de loi de finances (PLF) 2026, la mobilisation des parlementaires pourrait, en effet, s’avérer décisive pour éviter que l’organisme en charge du versement des prestations vieillesse et invalidité de quelque 2,2 millions de fonctionnaires des collectivités locales et du secteur hospitalier public ne s’enfonce dans une spirale fatidique. 

Devant les sénateurs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation présidée par Bernard Delcros, sénateur du Cantal (UC), Stéphane Delautrette a d’abord rappelé hier comment les comptes de la CNRACL se sont brusquement retrouvés dans le rouge en 2023, alors que les finances de la caisse étaient excédentaires quelques années plus tôt. Principale cause de ce décrochage : l’inversion des courbes entre le nombre de cotisants et celui des pensionnés. Un phénomène qualifié de « structurel »  par le député de la Haute-Vienne qui a insisté notamment sur l’allongement de l’espérance de vie des retraités de la territoriale où les femmes (qui vivent en moyenne plus longtemps que les hommes) sont désormais majoritaires dans les effectifs. Le député a pointé également la forte croissance du nombre des retraites accordées pour invalidité en raison de la pénibilité de nombreux métiers exercés par les agents territoriaux. Enfin, pour Stéphane Delautrette, le poids toujours plus important des contractuels (qui ne cotisent pas à la CNRACL) au sein de la fonction publique territoriale (FPT) figure aussi parmi les causes du déséquilibre financier de la caisse.

Un arsenal de mesures ignoré par le gouvernement

L’élu a également indiqué que le déficit de la CNRACL avait atteint 3,5 milliards d’euros en 2024 et que les projections évoquent un « trou »  pouvant aller jusqu’à 10 milliards d’euros à l’horizon 2030. Devant ces perspectives inquiétantes, un rapport établi en septembre 2024 par les inspections générales (finances, affaires sociales, administration) avait présenté 11 recommandations susceptibles de ramener les comptes de la caisse à l’équilibre en quelques années. Un arsenal de mesures largement ignoré par le gouvernement qui annonçait à l’occasion du Comité des finances locales du 8 octobre 2024 qu’une seule de ces propositions était adoubée par Matignon : l’augmentation du taux de cotisation des employeurs territoriaux de 12 % sur quatre ans. Objectif : amener la contribution des collectivités au régime de retraite des agents à 43,65 % en 2028 (contre 31,65 % aujourd’hui). Selon Stéphane Delautrette, cette décision coûterait 1,2 milliard d’euros aux employeurs territoriaux en 2025 et pèserait 3,9 milliards d’euros par an à compter de 2028. « Cette annonce a constitué un choc pour nos collectivités lors du débat budgétaire de l’automne, a rappelé le député socialiste, des collectivités déjà rendues injustement responsables de la dégradation des comptes publics de la France. » 

Rappelons que ce rapport inter-inspections avait également souligné, comme le font valoir depuis longtemps les associations d’élus, que des dizaines de milliards d’euros ont été prélevés à la CRNACL depuis des décennies pour combler le déficit d’autres régimes de retraite, ce qui a contribué à dégrader sa santé financière, de façon particulièrement injuste. 

Face aux sénateurs, le président de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale a affirmé la nécessité de remettre en circuit la plupart des propositions balayées par le gouvernement. Il a notamment plaidé en faveur de l’intégration, dans la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, du remboursement par la Caisse nationale des allocations familiales à la CNRACL de la charge financière représentée par la majoration pour enfants et appliquée aux pensions de ses affiliés. Autre point-clé défendu par le député : l’affiliation de tous les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à temps non complet à la CNRACL, en supprimant la condition liée à la durée de travail hebdomadaire. L’élu de la Haute-Vienne a insisté, par ailleurs, sur la nécessité d’adopter dès cette année une loi autorisant la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à reprendre de manière permanente l’intégralité des déficits cumulés de la CNRACL et de promulguer une loi organique prolongeant de dix ans l’existence de la Cades.

Courrier commun aux associations d’élus 

Enfin, Stéphane Delautrette a proposé d’améliorer la connaissance du coût du risque invalidité en procédant à l’individualisation des cotisations vieillesse et invalidité, de mettre en place le fonds de prévention de l’usure professionnelle prévu par le rapport Hiriart, de maintenir dans l’emploi et d’accompagner les transitions professionnelles dans la FPT et de créer un compte pénibilité spécifique aux métiers exercés par les agents des collectivités. « De nombreuses solutions existent pour retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire » , a considéré le député. « Les recommandations du rapport visent à la fois à alléger le poids pesant sur les finances locales et à dégager des solutions pérennes pour l’avenir de la CNRACL », a indiqué Bernard Delcros. Le sénateur (PS) des Landes, Éric Kerrouche, a souligné pour sa part que « la solution paramétrique proposée par le gouvernement n’en était pas une »  et « qu’elle n’était pas à la hauteur des défis au regard de sa non-soutenabilité et de son impact sur les recrutements et la qualité du service public local. »   

Le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a proposé de se saisir des propositions du rapport Delautrette afin de dégager une position commune à l’occasion du prochain projet de loi de finances. « Il faut distinguer les mesures qui peuvent se traduire dès le budget 2026 de celles qui nécessitent un travail au long cours, a précisé Bernard Delcros. Je propose aussi d’adresser un courrier commun aux associations d’élus afin qu’elles se positionnent au sujet du rapport ». « L’Association des maires de France, qui s’est beaucoup exprimée sur le sujet, nous a apporté un soutien appuyé, a fait valoir Stéphane Delautrette. De même, nous avons eu des retours positifs de la part des autres associations d’élus. » 

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