Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 11 juillet 2022
Finances locales

Fin de la CVAE, pénurie de personnel, logement... France urbaine veut « ouvrir le débat »

À l'occasion des 5e Rencontres finances de France urbaine, les élus ont mis en avant leur opposition à la suppression de la CVAE ainsi que sur l'idée d'un effort financier de 10 milliards d'euros et le retour de la contractualisation. Les problématiques de recrutement et de logement inquiètent également.

Par A.W.

Suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Contrats de Cahors, économies de 10 milliards d’euros, problème de recrutement, construction de logements… Lors de la 5e édition des Rencontres finances publiques, l’association des grandes villes, des agglomérations et des métropoles, France urbaine, a décidé « d’ouvrir le débat »  sur les principaux enjeux financiers qui attendent les collectivités territoriales, dans les mois à venir.

Dans un contexte « très particulier », marqué par des crises économique, sanitaire, sociale, climatique et même démocratique, les projets de lois de programmation des finances publiques pour 2023-2027 et de finances pour 2023 qui seront examinés à l’automne pourraient intégrer les différentes mesures déjà évoquées par le gouvernement, et notamment la fin de la CVAE. 

CVAE supprimée sans concertation : « Une première entorse » 

Si la présidente de l’association, Johanna Rolland, a salué la volonté affichée d’Elisabeth Borne de « travailler avec les collectivités, de co-produire et de chercher les réponses ensemble », lors de sa déclaration de politique générale, celle-ci a pointé un « paradoxe »  dans le discours de la Première ministre puisque « le premier acte posé [a été] la confirmation de la suppression de la CVAE sans la moindre discussion préalable ». « Une entorse à ces jolis mots annoncés », a critiqué la maire de Nantes.

Même chose s’agissant de l’effort financier de 10 milliards d’euros réclamé aux collectivités ou le retour de la contractualisation, deux mesures évoquées depuis plusieurs semaines. « Quand l’État envisage de demander 10 milliards d’euros aux collectivités, on ne peut pas l’accepter »  étant donné que « les collectivités pèsent 70 % de l’investissement public et que 8 % du poids de la dette », s’est-elle insurgée. Peu importe la focale, « je ne sais pas quel est le raisonnement »  qui amène à faire porter la moitié de l’effort de la dette sur les collectivités : « Il n’y a rien d’objectif, rien de rationnel, rien de fondé qui vient étayer cette proposition ». « Dans ce cas, il faudrait que l’État nous dise quels services publics il faut arrêter », a-t-elle estimé. 

Reste que le gouvernement semble bien avoir définitivement renoncé à ces deux dernières exigences, si l’on en croit le nouveau ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Celui-ci a, en effet, indiqué à Maire info, lors de l’inauguration du nouveau siège de l’Anru - qui s’est tenu en même temps que la rencontre de France urbaine - que cette participation au redressement des comptes publics n'était plus à l'ordre du jour.

« Je ne sais pas comment équilibrer les comptes de ma ville » 

Une bonne nouvelle, donc, tant l’éventualité d’une réactivation des contrats de Cahors était redoutée. Déjà malmené par leur mise en œuvre au début du quinquennat précédent, avant leur suspension après le déclenchement de la crise sanitaire, le maire de Cergy, Jean-Paul Jeandon, a fait savoir qu’il ne voulait « pas entendre parler d’un Cahors 2 ».

Notamment, au regard de la situation financière de sa ville : « Mes dépenses énergétiques ? C’est 900 000 euros en plus sur six mois, l’augmentation des agents avec la hausse de 3,5 % du point d’indice ? C’est 700 000 euros ». En tout, cela représente 3,5 millions d’euros en année pleine. Résultat, « je sais que l’année prochaine j’aurai [une augmentation comprise ] entre 6 et 8 % de mes dépenses de fonctionnement », calcule-t-il, prévoyant une chute de 20 %  de ses investissements.

« Je peux vous dire que c’est la première fois que je me dis : « Je vais tuer mes services publics de proximité ». Je ne sais pas comment équilibrer, aujourd’hui, les comptes de ma ville », s’inquiète celui qui est aussi président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise. Pour s’en sortir, il annonce que sa médiathèque ouverte le dimanche va ainsi être « fermée », concernant la construction de logements, il prévoit d’y « regarder de très près »...  Alors intégrer à son budget une nouvelle contractualisation, c’est impossible selon lui, compte tenu de l’inflation, des augmentations salariales et des consommations énergétiques.

« Quand une ville n’est pas capable de satisfaire aux services publics de proximité, c’est une ville qui fracture encore plus la société », conclut-il, en alertant de la survenue possible d’une « crise sociale majeure »  si les collectivités n’ont plus les moyens d’être présente « au plus près des citoyens ».

Inquiétude autour des problèmes de recrutement

Une autre menace pèse également sur les services publics : le problème des recrutements. À Cergy toujours, ce sont quatre piscines qui vont fermer cet été, ainsi que deux crèches et des centres sociaux, faute de maîtres-nageurs, d’animateurs et d’auxiliaires. 

Deuxième constat : « Nous n’avons plus les moyens de payer des cadres A confirmés. Il y a une telle pénurie d’informaticiens, de juristes que je ne peux pas m’aligner sur le privé ou des régions avec des régimes indemnitaires complètement différents. Donc on est en train de vider de la compétence que les collectivités devraient avoir. Ce double phénomène peut amener à la fermeture de services publics », prévient Jean-Paul Jeandon.

Une pénurie de personnel qui inquiète aussi « fortement »  le sénateur de Meurthe-et-Moselle et rapporteur du budget au Sénat, Jean-François Husson : « C’est partout, dans tous les domaines, que ce soient les collectivités comme les entreprises, les ingénieurs comme les catégories C. Ce qui veut dire qu’il va y avoir des dépenses de formations. Cela va peser dans les coûts et on risque d’avoir des dépenses de fonctionnement qui vont exploser ».

« Une question extrêmement importante », a confirmé Johanna Rolland. « Ce phénomène est en train de se diffuser dans toutes nos collectivités locales. Je n’ai jamais vu ça, les trois quarts des discussions [entre élus] portent sur la problématique de recrutements. Des maires qui disent vouloir ouvrir une crèche avec 106 berceaux prêts, le tout budgété, mais où il n’y a pas de personnel. Il faut vraiment mesurer à quel point les enjeux de recrutement montent. » 

« C'est aussi le cas de la problématique du logement, dans toutes les métropoles. On va au-devant de graves difficultés. Dans une métropole comme la mienne, qui a comme objectif 6 000 logements par an, 2 000 logement sociaux, la non-prise en compte au bon niveau des problématiques d’augmentation de population est majeur », a souligné la maire de Nantes.

« À force d’attaquer la fiscalité locale, la construction de logements sociaux est mise à mal car les maires n’en ont plus les moyens. Ces mesures ont des conséquences directes et concrètes sur la vie des gens et des entreprises », a abondé François Rebsamen, maire de Dijon, auteur d’un rapport l’an dernier sur cette problématique.

« Il y a manifestement un problème de concertation avec les élus locaux sur les sujets de fiscalité locale », a estimé Mathieu Plane, économiste à l’OFCE, tandis que Mathilde Lignot-Leloup conseillère maître à la Cour des comptes, a annoncé que l’institution de la rue Cambon planche actuellement sur un rapport sur le financement des collectivités territoriales, qu’elle rendrait fin septembre aux sénateurs.
 

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