Feu vert de l'Assemblée à la prolongation de mesures antiterroristes controversées
Perquisitions, mesures individuelles de contrôle ou encore fermeture de lieux de culte : l’Assemblée nationale a voté mardi la prolongation jusqu’à fin juillet 2021 de mesures controversées de la loi antiterroriste de 2017, face à une menace toujours « prégnante » selon Gérald Darmanin.
Ce projet de loi de prorogation, examiné en première lecture et qui doit passer maintenant devant le Sénat, est présenté dans l’attente d’un texte plus vaste, repoussé en raison de la crise du coronavirus.
Il a été largement validé par les députés, à l’exception des communistes et des Insoumis qui se sont prononcés contre ces dispositions « d’exception » auxquelles « notre État de droit ne peut s’accoutumer », selon les mots de Stéphane Peu (PCF).
La droite a soutenu le projet de loi mais aurait souhaité à l’inverse durcir ces mesures et les prolonger davantage dans le temps. Éric Ciotti (LR) a pointé à plusieurs reprises la « frilosité » du gouvernement.
Les mesures administratives devant être prolongées ont été adoptées au début du quinquennat, et pour trois ans, malgré les farouches protestations des défenseurs des libertés publiques.
Elles sont issues de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) de Gérard Collomb. Cette loi avait pris le relais de l’état d’urgence, régime d’exception sous lequel la France vivait depuis les attentats du 13 novembre 2015.
Sont visées notamment les ex-perquisitions administratives, devenues depuis 2017 des « visites domiciliaires et saisies », et les assignations à résidence, transformées en « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (Micas).
Les périmètres de protection, en cas d’événement exposé à un risque d’actes de terrorisme, ainsi que la fermeture de lieux de culte faisaient également l’objet d’une clause de revoyure avant le 31 décembre 2020.
Au programme aussi, la prolongation de l’expérimentation de la technique dite « algorithme » en matière de renseignement, contenue dans la loi dite « renseignement » de juillet 2015. Cette technique permet d’analyser des communications échangées au sein du réseau d’un opérateur, pour détecter les menaces.
Nouveau projet de loi
Le nouveau ministre de l’Intérieur a promis la présentation à l’automne d’un nouveau projet de loi complet, déjà « prêt », qui prendra le relais de ces mesures avant juillet 2021. Il s’agira alors de les adapter à l’évolution de la menace terroriste, qui reste à un « niveau très élevé », a relevé Gérald Darmanin.
« Depuis 2017, ce sont dix attaques, pour la majorité inspirées par l’État islamique, qui ont abouti sur le territoire national au décès de 20 personnes » et « 32 attentats ont aussi été déjoués par les services », a-t-il souligné.
Le projet de loi, préparé par son prédécesseur Christophe Castaner, prévoyait initialement un terme au 31 décembre 2021, délai que les députés ont ramené au 31 juillet 2021, à l’initiative du rapporteur Didier Paris (LaREM). Celui-ci a souligné que cela permettrait au Parlement de se saisir plus tôt d’un réexamen complet.
Gérald. Darmanin s’est accommodé de ce « calendrier plus resserré », se voulant « à la fois le ministre de la sécurité des Français et celui qui garantit les libertés publiques ».
Selon les dernières données, au 17 juillet, 302 Micas avaient été prises, dont 59 sont toujours en vigueur et 169 « visites » ont été réalisées depuis le 1er novembre 2017.
Un total de 531 périmètres de sécurité a été instauré et sept lieux de cultes ont été fermés, a rapporté le ministre, évoquant « un usage raisonné et ciblé » de tous ces outils, « indispensables pour les services spécialisés » de l’Etat.
Ce bilan est « modeste » aux yeux de la droite : « On a affaibli notre degré de protection » par rapport à la période sous état d’urgence, selon Éric Ciotti qui « appelle de (ses) vœux une grande loi contre le terrorisme qui rompe avec une forme de naïveté ».
Nicolas Meizonnet (RN) a dénoncé également un manque de « ferme volonté politique » dans la lutte anti-terroriste.
De son côté, la gauche de la gauche a tenté en vain de vider le projet de loi, et réclamé davantage de moyens pour la justice et le renseignement. « Ne jouez pas avec nos libertés fondamentales », a demandé Mathilde Panot (LFI), pour qui « le coronavirus a bon dos ».
Anne Pascale Reboul et Gregory Danel - AFP
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