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Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 9 février 2023
Ecole

Fermetures de classes dans les communes rurales : Pap Ndiaye peine à convaincre

Plusieurs sénateurs ont interpellé hier le gouvernement sur les fermetures de classes qui sont annoncées, en ce moment, aux maires, sans la moindre concertation. Mais tout est normal, répond le ministre de l'Éducation nationale.

Par Franck Lemarc

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C’était une des annonces phares d’Emmanuel Macron en conclusion du « grand débat national », après le mouvement des Gilets jaunes, en avril 2019 : « Il n’y aura plus de fermetures d’écoles sans l’accord du maire. »  Mais il était évident, dès le début, que le gouvernement jouait un peu sur les mots, comme le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, l’a lui-même reconnu à demi-mot, hier, au Sénat : « Aucune fermeture d'école – et non de classe – ne peut intervenir sans l'accord du maire – eh oui, ce n'est pas la même chose. » En outre, cette mesure a vocation à s’appliquer aux communes de moins de 5 000 habitants.

2 000 postes supprimés

Ce n’est tellement « pas la même chose »  que dans de très nombreux territoires, des annonces de fermetures de classes remontent par dizaines. Joël Guerriau, sénateur centriste de la Loire-Atlantique, s’est indigné hier, pendant la séance de questions au gouvernement, du fait que « l'Éducation nationale vient d'informer de nombreux maires ruraux de projets de fermetures de classes, sans qu'ils aient été préalablement consultés. »  Dans son département, ce sont 29 communes qui sont concernées. « Les écoles rurales sont le théâtre d'un drame. Les fermetures de classes pénalisent les familles et privent les communes d'un élément central d'attractivité, a poursuivi le sénateur. De petites communes investissent beaucoup pour mettre leur école aux normes. Mais le nombre de professeurs disponibles sert de variable d'ajustement. Le système actuel pâtit d'effets de seuil : il suffit d'un seul élève pour fermer une classe, mais il en faut beaucoup plus pour en ouvrir une. » 

Son collègue Jean-Marc Boyer (LR, Puy-de-Dôme), a lui aussi dénoncé « la fermeture de centaines de classes »  et la suppression de « 2 000 postes »  d’enseignants. « Vous multipliez le dédoublement des classes dans les zones prioritaires, (pendant que) le monde rural paie votre vision comptable déséquilibrée, a fustigé le sénateur. Nos villages sont aussi des zones prioritaires ! ». Les deux sénateurs ont demandé « un moratoire »  sur les fermetures de classe et enjoint le ministre à « écouter l’inquiétude des élus locaux ». 

« Sacrifice de la ruralité » 

Imperturbable, le ministre de l’Éducation nationale a martelé ses arguments : le nombre des élèves baisse, il est donc normal de fermer des classes. Il y aura « 500 000 élèves de moins dans les cinq années à venir, dont 90 000 à 100 000 dès la rentrée prochaine ». Face à cette réalité, la « ligne »  du ministère est de « s’adapter aux réalités locales tout en tenant compte des territoires ruraux ». Pap Ndiaye a répondu à chacun des deux sénateurs : en Loire-Atlantique, il y aura « 723 élèves de moins »  à la rentrée prochaine ; dans le Puy-de-Dôme, 616 élèves de moins. Le ministre s’est défendu de toute vision « comptable » : pour le département auvergnat, « il faudrait 25 professeurs en moins, mais nous n’en retirons que 9 ». Il estime donc que malgré les fermetures de classes, « le taux d’encadrement va donc s’améliorer ». 

Le ministre n’a pas convaincu les sénateurs. « Vous parlez chiffres, taux, ratios, a constaté Jean-Marc Boyer. Mais vous amplifiez la colère des maires et des citoyens de ces territoires, qui subissent déjà les déserts médicaux, le ZAN, les éoliennes, la diminution des tournées du facteur, les problèmes d’accessibilité… Cessez ce sacrifice de la ruralité sur l’autel des chiffres et des normes ! ». 

De son côté, l’AMF a demandé à plusieurs reprises l’extension du principe de non-fermeture d’école sans l’accord du maire, aux classes, qui n’a été accordée que pour la rentrée 2020 dans le contexte de la crise sanitaire. Elle considère qu’une telle mesure serait de nature à mieux prendre en compte le rôle de partenaire incontournable que joue la commune dans la vie de l’école au regard des investissements consentis. 

« Attractivité » 

Ce débat a également été l’occasion d’aborder la question de « l’attractivité »  du métier d’enseignant, des sénateurs fustigeant le « recul »  qui a conduit à une pénurie sans précédent de jeunes professeurs : « De moins en moins d'adultes veulent se retrouver devant une classe d'enfants pour les instruire », a constaté la sénatrice des Yvelines Toine Bourrat, qui a pris l’exemple des mathématiques, discipline dans laquelle « il y a moins de candidats (au concours) que de postes à pourvoir ». 

Pap Ndiaye a répondu que le gouvernement est en ce moment même en train de travailler à la question de l’attractivité, avec une augmentation inédite du budget du ministère (6,5 % en 2023), et la décision d’une augmentation « socle »  de « 10 % en moyenne »  du salaire de tous les enseignants. Par ailleurs, « une augmentation supplémentaire sera accordée à ceux qui accepteront de nouvelles missions, telles que des remplacements de courte durée dans le secondaire ou les heures de soutien et d'approfondissement en 6e ». 

Le moins que l’on puisse dire est que ces annonces, pour le moment, ne provoquent pas d’enthousiasme dans le monde enseignant. De nombreux professeurs, sur les réseaux, accusent même le ministère de « mentir »  sur l’augmentation de 10 %, celle-ci incluant apparemment des primes qui ont déjà été versées, et refusent la logique du « travailler plus pour gagner plus », ce qui n’a, il est vrai, rien à voir avec une augmentation de salaire. « Le ministère confond apparemment augmentation du temps de travail et augmentation de salaire », relève par exemple un collectif d'enseignants. Pour l’instant, l’ensemble des organisations syndicales rejette les propositions du ministère. Selon un rapport sénatorial de 2021, les enseignants auraient perdu jusqu’à 25 % de pouvoir d’achat au cours des vingt dernières années. 

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