Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 18 janvier 2023
Aménagement numérique du territoire

Fermeture du réseau cuivre : certains foyers se retrouvent sans Internet en attendant la fibre

À l'heure où la fermeture du réseau cuivre s'accélère, de plus en plus d'élus constatent des dysfonctionnements dans les territoires. Certains locaux doivent être fibrés dans les années à venir mais en attendant, l'opérateur Orange ne semble pas prêt à les raccorder au réseau cuivre. Ce dernier doit disparaitre à l'horizon 2030.

Par Lucile Bonnin

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© Orange

La transition entre l'abandon définitif du réseau cuivre et le 100 % fibre se joue maintenant. C’est en 2019 que l’opérateur historique Orange a fait connaître son intention de fermer le réseau cuivre sur tout le territoire national, entre 2023 et 2030. 

Une première expérimentation a été menée par Orange pour la fermeture du réseau cuivre à Lévis-Saint-Nom (78) en juillet 2021. Plus récemment, une seconde expérimentation a eu lieu dans les communes de Voisins-le-Bretonneux (78), Provin (59), Issancourt-et-Rumel (08), Vrigne-aux-Bois (08), Vivier-au-Court (08) et Gernelle (08). En fin d’année 2022, l’opérateur a aussi annoncé que 162 communes abandonneront le cuivre d’ici 2024.

Si ce plan doit se faire « en douceur » et étapes par étapes, la réalité observée sur le terrain ne présage rien de bon. Au-delà du fait que l’installation de la fibre ne se déroule pas toujours parfaitement dans les communes (lire Maire info du 15 décembre), certains cas particuliers ne sont pas pris en compte par l’opérateur, laissant à l’abandon certains locaux qui ne sont pas reliés au cuivre et qui reste dans l'attente d’un rattachement à la fibre.

S’il a été rappelé par l’Arcep que les déploiements devront être terminés à 100 % pour que le cuivre puisse être fermé définitivement, cette période transitoire dans laquelle sont de plus en plus de communes pose problème. 

Ni fibre ni cuivre 

Orange l’avait annoncé : « À partir de l’année 2026, plus aucun opérateur ne pourra proposer à ses clients une offre de connexion XDSL (ADSL, SDSL, VDSL) ou un abonnement téléphonique utilisant le réseau cuivre. »  Mais Orange s’est engagé à maintenir la qualité du réseau cuivre jusqu’à sa fermeture et donc à maintenir une continuité de service satisfaisante.

Dans les faits, c’est tout autre chose que l’on observe dans certains territoires. À Épinal, dans les Vosges, le déploiement de la fibre porté par Orange (zone Amii*) a pris du retard. « Orange avait pour ambition de fibrer la ville à 100 % au 31 décembre 2022 et aujourd’hui seulement 73 % des logements de la commune ont été raccordés soit environ 16 000 logements sur 22 000 » , explique Kévin Guellaff, conseiller municipal délégué au numérique d’Épinal.

Le décommissionnement du cuivre n’est donc fort heureusement pas au programme mais « un conflit »  fait surface : « Comme la fibre arrive, Orange ne déploie plus de lignes cuivre pour les habitations nouvelles. On se retrouve avec des nouvelles maisons ou des logements achetés sans rattachement au réseau cuivre et donc qui n’ont pas de connexion. Les logements sont hors réseau, hors tout : pas de fibre, pas de cuivre. »  Certains foyers se retrouvent sans solution, fonctionnant – pour les plus chanceux d’entre eux – avec le réseau 4G ou 5G.

Faire du cas par cas 

On retrouve ce type de problématique aussi bien en zone Amii qu’en zone Rip**. « Vous construisez un bâtiment dans une zone où le fibrage est annoncé d’ici un an ou deux ans et en attendant il n’est pas possible de construire de nouvelles lignes de cuivre ou de raccorder de nouveaux locaux » , résume Michel Sauvade, co-président de la Commission numérique de l’AMF et maire de Marsac-en-Livradois. Résultat : il faut attendre.

 « L’AMF est attentive car ce qui se joue maintenant risque de faire pencher la balance du bon ou mauvais côté pour les administrés, explique Michel Sauvade. À travers les expérimentations menées en ce moment par Orange on entre dans une logique d’industrialisation du processus. Orange veut monter en puissance grâce à un système industrialisé mais il ne faut pas que ce système soit figé. » 

Le plan de fermeture du cuivre doit se faire « cas par cas »  pour opérer la bascule du cuivre vers la fibre sans mettre de côté aucun citoyen et ce dès cette phase de transition que les communes traversent actuellement. 

Associer davantage les collectivités 

Le manque de consultation de l’échelon local ne facilite ni la fermeture du cuivre ni le déploiement de la fibre. L’exemple de la commune d’Épinal est probant puisque le retard de l’arrivée de la fibre est notamment dû au fait qu’Orange avait décidé, sans prévenir la municipalité, d’installer plus de 500 nouveaux poteaux en 2020 pour un déploiement de la fibre en aérien. S’en est suivi un conflit entre Orange et Enedis et la commune a été contrainte de saisir l’Arcep sur ce dossier en mai dernier. « La concertation avec les territoires doit primer » , insistait alors le maire d’Épinal, Patrick Nardin. 

C’est aussi l’avis que défend l’AMF qui demande davantage de communication et de clarté sur la fermeture du cuivre. Les maires ont beaucoup d’interrogations et observent aussi des zones d’ombres comme par exemple sur le coût des raccordements privatifs. Michel Sauvade cite le cas d’un particulier qui a fait construire un logement dans une commune fibrée et où Orange facture une somme supérieure à 600 euros pour établir un point de raccordement sur ce terrain. « Ce sont des points à éclaircir », estime-t-il, au même titre que cette question des locaux qui n’ont aujourd’hui ni le cuivre ni la fibre pour une durée indéterminée.

Un kit pédagogique a été mis en ligne par la Fédération Française des télécoms (FFT) la semaine dernière pour « informer et accompagner »  les communes vers la fin du cuivre. Aucune mention n’est faite à propos de ce cas particulier. 

Les associations d’élus demandent surtout que le gouvernement puisse mettre en place une « structure nationale pour accompagner la fin du cuivre » , sur le même modèle que le passage à la TNT (lire article Maires de France). « L’AMF souhaite aussi qu’il y ait côté Orange un interlocuteur privilégié qui accompagne la mairie » , ajoute Michel Sauvade. 
 

*Zone Amii (Appels à manifestation d’intention d’investissement), dite d’initiative privée.

**Réseaux d’initiative publique (Rip), portés par les collectivités. 

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