Extinction de l'éclairage public : la question de la responsabilité du maire en cas d'accident
Par Franck Lemarc
Une baisse « historique » de la consommation d’électricité liée à l’éclairage public. C’est avec cet adjectif qu’Enedis a qualifié, fin décembre, la diminution de 20 % de ce poste.
C’est dans un communiqué paru le 27 décembre qu’Enedis salue cet effort des collectivités, dans un secteur qui représente « 40 % de leur consommation électrique annuelle » (11 millions de points lumineux sont déployés dans le pays, qui nécessitent quelque 1 300 mégawatts pour fonctionner, soit la puissance d’un réacteur nucléaire). « 68 % des maires déclaraient en novembre avoir pris des mesures d’extinction de l’éclairage public dans leur commune », rappelle Enedis, se référant à un sondage réalisé avec le CSA. « C’est une réalité : la consommation électrique liée à l’éclairage public des 15 premiers jours de décembre 2022 a baissé de 20 % en ‘’cœur de nuit’’, c’est à dire entre minuit et 4h par rapport à la même période de 2021. »
Absence de cadre législatif
Mais cet effort de « sobriété » peut-il se retourner contre les maires ? C’est la question qu’a posée au gouvernement, cet automne, le sénateur de l’Aveyron, Jean-Claude Anglars : le sénateur a interrogé le ministère de l’Intérieur, par écrit, sur « la responsabilité des maires et des collectivités, en cas d'agressions de personnes, d'accidents et d'atteintes aux biens suite à une interruption volontaire de l'éclairage public ».
« Si aucune disposition législative ou réglementaire n'impose aux collectivités territoriales une obligation générale et absolue d'éclairage de l'ensemble des voies de la commune, écrit le sénateur, il apparait cependant que l'absence ou l'insuffisance d'éclairage public sont des griefs qui permettent d'engager et de reconnaître la responsabilité du maire et de la collectivité, selon le juge administratif. (…) Le cas échéant, les juges peuvent donc être amenés à établir le lien de causalité entre l'absence d'éclairage et le dommage qui résulte de l'accident, ou encore que le défaut d'éclairage constitue l'élément aggravant d'un accident. Il pourrait être reproché au maire une carence ou un manquement dans l'exercice de son autorité de police, ayant conduit à la commission d'infractions. »
Jusqu’à présent, la doctrine du ministère de l’Intérieur, comme le montre une réponse à une question similaire posée en 2015, a été de demander aux maires de « rechercher un juste équilibre entre les objectifs d'économie d'énergie et de sécurité afin de déterminer les secteurs de la commune prioritaires en matière d'éclairage public au regard des circonstances locales ». Cette réponse, selon le sénateur Anglars, est « insuffisante en droit » et ne sécurise par les décisions des maires. Il demande donc au gouvernement de donner « un cadre législatif aux enjeux de l’éclairage public afin que les élus puissent se fonder sur la loi pour exercer leurs compétences ».
Une responsabilité du maire possiblement engagée
La réponse est venue de Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. Elle a justifié l’absence de cadre législatif sur la question de l’éclairage public, qui « évite un coût important et une responsabilité accrue, (puisque) c’est à la commune de déterminer les lieux nécessitant d’être éclairés ». La question de l’éclairage, a poursuivi la ministre, doit concilier « trois objectifs » : « la sécurité des usagers des voies, la limitation des nuisances lumineuses et (…) la nécessaire réduction des consommations d’énergie ».
La ministre reconnaît toutefois que le juge administratif, en cas d’accident dû à un défaut d’éclairage, est fondé à rechercher si « des circonstances particulières témoignant d'une faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police sont susceptibles d'engager sa responsabilité ». Il est donc recommandé aux maires « de prendre des mesures de signalisation visibles de nuit, tels que des panneaux réfléchissants ou clignotants avertissant des dangers. »
Enfin, a développé la ministre, les économies générées par l’extinction de certains points d’éclairage peuvent permettre de dégager des moyens « pour cibler les lieux où l'éclairage serait rendu nécessaire pour des raisons de sécurité ».
Ces réponses n’ont pas satisfait le sénateur Anglars, qui les a jugées « insuffisantes » et a réitéré sa demande au gouvernement de « se saisir du sujet ».
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