Extension du nombre de communes pouvant ouvrir un casino : le texte est adopté
Par Franck Lemarc
La proposition de loi intitulée « Réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos » a été adoptée par l’Assemblée nationale dans les mêmes termes qu’au Sénat, ce qui signifie qu’elle est définitivement adoptée et qu’elle va être promulguée dans les jours qui viennent. Déposé au Sénat en février dernier, ce texte a donc connu un parcours législatif assez rapide – ce qui a d’ailleurs surpris plus d’un député, vu sa portée somme toute limitée.
Activités équestres et communes frontalières
Rappelons que l’installation des casinos reste très réglementée en France, puisqu’ils ne peuvent être autorisés que dans les communes classées stations balnéaires, thermales ou climatiques et les communes classées stations de tourisme (sous conditions). Il existe à ce jour 203 casinos en France implantés dans 196 communes. Cette réglementation, pour restrictive qu’elle soit, est tout de même l’une des plus libérales d’Europe, puisque les 203 casinos français représentent à eux seuls 40 % du parc de casinos de toute l’Union européenne.
La proposition de loi déposée à l’origine par les sénateurs avait un objectif clair : permettre l’ouverture d’un casino dans deux communes, celle de Saumur (Maine-et-Loire) et celle d’Arnac-Pompadour (Corrèze). Plusieurs députés, lors du débat, ont rappelé qu’Emmanuel Macron avait promis aux élus de Saumur pendant sa campagne que la commune disposerait d’un casino avant la fin de son second mandat.
La proposition de loi initiale visait à ajouter une nouvelle dérogation à l’interdiction générale des jeux d’argent, fondée sur l’existence d’une infrastructure équestre (site historique du Cadre noir et siège d’un haras national). Les auteurs du texte ont fait valoir que la diminution des crédits de l’IFCE (Institut français du cheval et de l’équitation) place les communes en question dans une situation financière difficile, et que l’implantation d’un casino permettrait d’accroitre leur attractivité touristique.
En séance, au Sénat, un amendement a été adopté pour adopter une nouvelle dérogation : l’ouverture d’un (et un seul) casino serait autorisée dans les départements frontaliers où aucun autre casino n’existe. Cette implantation ne pourrait se faire que dans une commune touristique membre d’un EPCI de plus de 100 000 habitants. Les départements frontaliers du sud-est et du sud-ouest comptant tous déjà au moins un casino, tout comme le Nord et le Pas-de-Calais, cette dérogation ne toucherait, de fait, que deux départements : les Ardennes et la Meurthe-et-Moselle. La ville de Sedan, dans les Ardennes, est déjà sur les starting-blocks.
2 ou 13 communes ?
Reste une incertitude concernant le nombre de communes « équestres » qui seront concernées. La ministre chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure, a été claire dans son propos introductif, avant-hier, devant l’Assemblée nationale : ce sera deux, Saumur et Arnac-Pomadour, et pas plus. Or le rapporteur de la commission des lois, au Sénat, n’est pas de cet avis : dans son rapport, il indique que la formulation du texte ouvre la possibilité d’ouvrir un casino dans 11 autres communes, parce que celles-ci abritent un haras national, même s’il n’est plus propriété de l’IFCE : Saint-Lô, Lamballe, Le Pin-au-Haras, la Roche-sur-Yon, Villeneuve-sur-Lot, Aurillac, Pau-Gelos, Uzès, Rosières-aux-Salines et Cluny. Le député LR Philippe Gosselin, mardi, a donc souhaité « compléter le propos » de la ministre en confirmant que « 13 communes » sont concernées, et non deux, sans que personne intervienne après lui pour infirmer ses propos.
Ce point reste donc à confirmer.
Pour ou contre les casinos
La proposition de loi a été adoptée par les députés sans modification, puisque les seuls amendements proposés étaient des amendements de suppression, qui ont été rejetés. La discussion, en séance, n’a d’ailleurs pas porté sur les détails du dispositif, mais opposé frontalement les députés entre adversaires et partisans des casinos.
Plusieurs députés de la majorité ou de la droite ont soutenu le caractère « attractif » des casinos, et le fait qu’ils génèrent de l’emploi et des ressources pour les communes qui les accueillent : pour ce qui est de Saumur, celles-ci sont estimées entre 1 et 1,5 million d’euros par an. Pour ce qui concerne les départements frontaliers, l’avantage que les parlementaires voient dans la nouvelle réglementation est d’éviter que les joueurs traversent la frontière pour aller dépenser leur argent dans un autre pays. Au Sénat, plusieurs élus s’étaient émus de cette disposition, craignant que soit créée « une lessiveuse », c’est-à-dire un système de blanchiment d’argent. Aucun risque, a répondu mardi la députée LR Anne-Laure Blin : « L’activité des casinos fait partie des activités les plus contrôlées de notre pays. Tous les mouvements de change dont le montant est supérieur ou égal à 2 000 euros font l’objet d’un enregistrement nominatif sur les registres de comptabilité des jeux. En outre, depuis 2006, des procédures internes sont suivies par tous les casinos de France pour permettre à Tracfin d’identifier précisément des mouvements d’argent suspects. Cet argument est donc à l’évidence infondé. »
C’est sur le fond que plusieurs députés, notamment écologistes, PCF et LFI, ont cherché à rejeter la proposition de loi. Le communiste Pierre Dharréville (Bouches-du-Rhône), a été l’un des plus diserts : « Pour ‘’réduire les inégalités territoriales’’, ouvrons des casinos ? Voilà donc à quoi se réduit la politique de la majorité pour soutenir les communes ! Quel beau programme que de miser la soutenabilité financière des collectivités sur les jeux d’argent et de hasard ! » . Plusieurs députés ont rappelé que les jeux d’argent présentent un danger d’addiction, et exprimé le souhait que le Parlement travaille plutôt à faciliter l’installation de médecins, de pharmacies, des services publics, pour « réduire les inégalités territoriales », plutôt que des casinos. Laurent Alexandre, pour LFI (Aveyron), a même qualifié « d’obscène » l’idée de « vouloir compenser la baisse des dotations aux collectivités par le développement des casinos, qui représentent un danger pour la santé publique et encouragent les pratiques addictives ».
Enfin, plusieurs députés de gauche ont vivement critiqué le fait que le Parlement crée une loi qui permette d’exaucer « une promesse présidentielle à un élu local ». « Après la proposition de loi visant à régulariser le plan local d’urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas Chablais, où nous nous sommes mêlés d’un document d’urbanisme local dans le seul but de pouvoir construire une nouvelle autoroute, nous nous apprêtons à adopter un texte qui sacrifie la santé publique sur l’autel de projets locaux absolument délétères » , s’est indignée l’écologiste Julie Laernoes (Loire-Atlantique).
Le texte a néanmoins été largement adopté, par 145 voix pour et 48 contre.
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