Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 6 juillet 2023
Élus locaux

Exercice d'un mandat électif pendant un arrêt maladie : éviter des conséquences gravissimes

Le président de l'AMF a saisi le ministre de la Santé et le président de l'Ordre des médecins pour, une fois de plus, tenter de mettre fin à une situation inique : celle d'élus locaux en arrêt maladie qui se voient réclamer des milliers d'euros par la Sécurité sociale pour avoir continué d'exercer leur mandat sans autorisation écrite préalable. Plusieurs cas récents illustrent cette difficulté. 

Par Franck Lemarc

Ce n’est pas un problème nouveau, mais il continue de placer des élus dans des situations catastrophiques. Un élu qui est placé en arrêt maladie et qui continue, pendant cet arrêt, d’exercer certaines tâches liées à son mandat, peut se voir réclamer le remboursement des indemnités journalières de la CPAM, assorties de lourdes pénalités, dans le cas où son médecin ne l’a pas expressément – et par écrit – autorisé à le faire. Ainsi, un maire du Jura, en arrêt maladie pendant presque trois ans, mais qui a continué d’exercer ses fonctions de maire (sa pathologie étant compatible avec l’exercice d’un mandat), se voit aujourd’hui réclamer par la CPAM du Jura la somme de … 24 000 euros. Un autre élu, dans la Charente, conseiller municipal, à qui son médecin avait oralement « conseillé »  de poursuivre son activité d’élu malgré son arrêt de travail, se voit réclamer par la Caisse plus de 6 000 euros de versements « indus »  et des pénalités financières qui pourraient s’élever à près de 13 000 euros. 

Froideur bureaucratique

Aucun de ces élus n’a fraudé ni tenté d’escroquer la Sécurité sociale, et tous ont agi de bonne foi. Mais la Cpam les traite, pour autant, comme des fraudeurs et non sans un certain mépris. Ainsi, l’élu de la Charente a fourni à la CPAM de la Charente un courrier de son médecin parfaitement clair : « Je lui ai conseillé de reprendre sa fonction élective avant de reprendre son activité professionnelle, pour se reconstruire psychologiquement », écrit le docteur F. Réponse lapidaire de la CPAM : « Ce certificat médical, qui intervient après la notification d’indu, ne peut pallier a posteriori les carences ou omissions du docteur F., [et] pas non plus justifier a posteriori vos propres carences. »  Le dossier, que Maire info a pu consulter, est quelque peu glaçant de froideur bureaucratique. « La somme qui vous est demandée aujourd'hui va mettre en péril votre foyer et c'est la raison pour laquelle vous avez sollicité la clémence de la commission », écrit la Commission de recours amiable de l’Assurance maladie.  Mais celle-ci estime que les faits justifient l’application stricte des textes, et que la « bonne foi »  de l’élu n’y change rien. La Commission confirme l’exigence de remboursement de l’indu et ajoute : « Aucune remise de dette ne peut vous être accordée. » 

Comme l’écrit David Lisnard dans un courrier adressé au ministre de la Santé, la violence du ton, « à l’endroit d’un élu de la République engagé dans la vie locale, [est] de nature à conforter la crise de la vocation observée ces derniers mois ». 

Faire passer l’information

Cela fait plusieurs années que ce type de situation se produit, malgré toutes les tentatives de l’AMF, notamment, pour informer les élus. Car en définitive, ces incidents ne sont que le résultat d’un « déficit d’information »  non seulement des élus mais également des médecins. 

En effet, il est absolument autorisé, pour un élu local, de continuer d’exercer les fonctions liées son mandat pendant un arrêt de travail professionnel. À un détail près : cela doit être expressément et préalablement mentionné, par écrit, par le médecin qui a délivré l’arrêt de travail. Dans le cas de l’élu de la Charente, cette autorisation a été faite oralement… avec les conséquences que l’on sait. Le problème est connu, au point qu’en 2019, la Direction général des collectivités locales (DGCL), a élaboré une fiche sur ce sujet, transmise à toutes les associations d’élus. Mais l’information passe mal, la règle est toujours largement méconnue, et les conséquences peuvent être désastreuses. 

Pour les cas individuels, la « clémence »  de la Sécurité sociale peut éventuellement être demandée : c’est ainsi que le président du Sénat lui-même, Gérard Larcher, a écrit le mois dernier au directeur général de la Cnam pour lui demander de « réexaminer »  le cas de ce maire du Jura à qui la Caisse réclame 24 000 euros. Il faut d'ailleurs signaler que dans certains cas, pour des arrêts maladie de courte durée, une CPAM a accepté de reculer et d'invoquer le « droit à l'erreur ». 

Mais le problème doit être réglé de façon définitive. La solution viendra, sans doute, du nouveau formulaire Cerfa d’arrêt de travail, en cours d’élaboration, qui contiendra une case à cocher spécifique autorisant les élus locaux à poursuivre l’exercice de leur mandat pendant leur arrêt maladie. 

En attendant la mise en œuvre de ce nouveau formulaire, David Lisnard, au nom de l’AMF, a écrit fin juin au ministre de la Santé et au président de l’Ordre des médecins. Au premier, il suggère d’adresser une instruction aux CPAM « visant à prendre en considération les certificats médicaux produits a posteriori, ou toute autre solution », ce qui, selon le maire de Cannes, constituerait « un signal fort de nature à conforter l’engagement des élus locaux ». 

Au second, il propose d’organiser une véritable « campagne de sensibilisation »  des médecins, pour leur rappeler qu’il faut impérativement formaliser préalablement et par écrit l’autorisation donnée aux élus de poursuivre leurs activités électives pendant leur arrêt de travail. 

En attendant, on ne peut que le rappeler une fois encore aux élus : en cas d’arrêt de travail, s’ils souhaitent pouvoir continuer à aller, par exemple, aux réunions du conseil municipal, ils doivent absolument demander à leur médecin de les y autoriser par écrit au moment où l’arrêt de travail est notifié. Faute de quoi, les conséquences peuvent être extrêmement lourdes. 

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