Nouveaux fonds européens : « Il ne faut pas que les maires restent dans l'idée qu'ils ne peuvent pas en bénéficier »
Par A.W.
« Il faut démocratiser les fonds européens ! » C’est le message qu’ont porté les deux co-présidents de la commission Europe de l’AMF, Christophe Rouillon, maire de Coulaines (Sarthe), et Thibaut Guignard, maire de Plœuc-L’Hermitage (Côtes-d'Armor), à l’occasion d’une visio-conférence qui s’est déroulée ce matin sur la nouvelle génération de fonds européens pour la période 2021-2027.
Pour rappel, tous les sept ans, chaque État membre doit conclure avec l’UE un « accord de partenariat » à l’occasion de la définition du budget européen et de la répartition des fonds. Durant « cette période charnière », sont exposés la stratégie, les priorités et notamment le fléchage des Fonds européen de développement régional (Feder, qui vise à « corriger les déséquilibres entre les régions » de l’Europe), Fonds social européen augmenté (FSE+, dédié à l’emploi, la formation professionnelle et l’inclusion sociale) et Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'acquaculture (Feampa, qui vise à des actions dans le cadre de la politique commune de la pêche et de la politique maritime intégrée). Des fonds qui sont gérés par les régions et devraient se chiffrer aux alentours de 16 milliards d’euros pour 2021-2027.
« Une course à l’échalote »
« De nombreux maires sont encore ignorants de ces fonds européens, ils ne s’y retrouvent plus, ne savent pas comment y accéder alors que la régionalisation des fonds a été faite pour les rendre plus proches d’eux », regrette Thibaut Guignard, tout en insistant sur le fait que « l’Europe est d’abord une chance pour les collectivités, c’est une vraie opportunité de cofinancements ».
Bien que ces fonds européens restent « compliqués à obtenir, ils le sont comme tous les fonds, et ne sont inatteignables pour les petites communes, affirme Christophe Rouillon. Il ne faut pas que les maires restent dans l’idée qu’ils ne peuvent pas en bénéficier. Ce sont ceux qui ne veulent pas partager qui propagent l'idée que les petites communes ne peuvent pas les obtenir ».
Or malgré cette complexité, « notre objectif est de lever ce tabou. Aujourd’hui, il n’y a jamais eu autant d’argent de l’Europe, donc c’est le moment d’en profiter », enjoint-il, rappelant que « cette année il y a alignement des planètes puisque les nouveaux fonds correspondent au nouveau mandat municipal ».
Mais pour les obtenir, « il faut aller vite, c’est une course à l’échalote ». « Les fonds sont vite "réservés", la première ou la deuxième année, même si les versements se font plus tard... Il faut compter six mois pour se préparer avant 2022 », indique le maire de Coulaines, qui conseille aux commune de se « signaler » , « qu’elles montent leur dossier le plus vite possible, pour que les intercommunalités et les régions se disent que ces communes veulent ces fonds, quitte à finaliser le dossier après ». Reste que des appels à projets régionaux seront lancés jusqu’en 2027.
Module de formation et guide d’information
Il prévient au passage qu’il faudra « choisir entre les fonds Feder, qui sont plus importants mais que l’on obtient plus tard, et ceux du plan de relance, qui sont moins importants mais sont débloqués rapidement ». Pour une même opération, il sera donc impossible d’avoir ces deux co-financements.
En ce qui concerne le programme Leader, Thibaut Guignard, qui préside le programme dans l’Hexagone, insiste sur la prise de contact et l’accompagnement auprès du groupe d’action local (GAL) dont la commune dépend, lors de la conception du projet et du montage en lui-même.
Afin d’aider les communes à accéder à ces fonds européens et à en comprendre les clefs de lecture, l’AMF va publier le 21 juillet un guide intitulé Qu’est-ce que l’Europe peut financer ? et lancer, d’ici « la fin de semaine », un module de formations interactif réalisé avec le soutien du CNFPT.
Comment s’y prendre alors lorsque l’on est une petite commune en manque d’ingénierie ? « Le maire peut commencer par regarder notre guide, voir s’il est éligible aux critères énergétique, d’innovation, de relance… Ensuite, il élabore son projet d’investissement et se met en lien avec les services de la région et les sous-préfets dès la fin de l’année... », détaillent les deux élus.
Thibaut Guignard souligne, par ailleurs, que la commission Europe de l’AMF organisera avec les associations départementales de maires des réunions d’information sur les fonds européens pour éclairer les élus. « Il existe en effet des zones blanches en France au sein desquelles les maires ne sont pas accompagnés en matière d’ingénierie pour monter leurs dossiers. Les régions doivent se mobiliser : l’Accord de partenariat entre l’Etat français et la Commission devrait être stabilisé en septembre. Cet accord va structurer les programmes opérationnels des régions qui y intègrerons aussi leurs priorités. Elles doivent ensuite communiquer auprès des porteurs de projets ».
En parallèle, les deux élus ont fait part de leur souhait d’une « plus grande transparence de la part de l’État dans l’utilisation des fonds de relance du programme européen », pour lesquels il y a une « très grande obscurité ».
Rénovation des bâtiments, mobilités douces, santé…
Pour bénéficier de ces fonds européens, les projets de développement territorial des communes et intercommunalités devront correspondre à un certain nombre de priorités de financement, qui seront déclinées régionalement durant toute la période 2021-2027. Si certaines sont déjà connues et concernent les territoires, d’autres sont attendues par les maires et présidents d’intercommunalité.
Alors que l’accord de partenariat est toujours en cours de rédaction, les deux co-présidents de la commission de l’AMF se sont « réjouis que les éléments remontés » par l’association figurent désormais dans cette dernière version.
Ainsi, plusieurs axes ont été pris en compte : que ce soit en matière d’habitat (la rénovation énergétique des logements sociaux, l’aménagement du foncier et la résorption de l’habitat indigne et insalubre), d’adaptation au changement climatique (l’aménagement des territoires exposés aux risques et travaux d’adaptation visant à garantir la protection des populations en privilégiant les solutions fondées sur la nature), de mobilités et de transports (avec une attention portée aux mobilités douces et durables), de santé (l’accès à la prévention, aux soins, et l’installation et le fonctionnement des lieux d’exercice pluridisciplinaire) et de soutien au développement d’infrastructures touristiques et culturelles.
Reste des « points de vigilance » sur une série de priorités qu’ils souhaiteraient également voir financées. Entre autres, ils prônent « davantage » de soutien au commerce et à l’artisanat, au développement du wifi public ou encore aux équipements sportifs.
Simplification
Afin d’avoir « une meilleure appropriation des politiques régionales par tous les territoires et pour tous les territoires », les deux élus demandent « des efforts de simplification des fonds », dénonçant parfois « un système kafkaïen », dans lequel « des kilos de documents peuvent être demandés ». « La complexité de l’attribution des fonds structurels décourage les élus à bénéficier des subventions européennes et pénalise de fait les communes et intercommunalités », expliquent les deux élus. Ils réclament d’ailleurs la publication du rapport produit par la mission de simplification des fonds lancée, en 2019, par le gouvernement afin d’établir des mesures. « On ne sait pas où il est ! »
De plus, ils souhaitent que, « dès lors qu’une commune ou une intercommunalité présente un projet éligible, elle doit avoir l’assurance d’obtenir des financements européens », que soit mis en œuvre « un accompagnement concret dans l’ingénierie de projets pour favoriser le montage de projets » et que soit « développées des logiques de coopération entre les territoires et au sein des territoires ».
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