Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 10 avril 2025
Environnement

Zones à faibles émissions : les nouvelles propositions du gouvernement

L'Assemblée nationale a débuté hier l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique. L'un des points culminants du débat sera l'avenir des ZFE (zones à faibles émissions), supprimées en commission et que le gouvernement espère rétablir sous une autre forme. 

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© D.R.

Le très volumineux projet de loi de simplification de la vie économique est arrivé hier en séance publique à l’Assemblée nationale, et va y rester un bon moment : 106 pages, plusieurs dizaines d’articles, et pas moins de 2 600 amendements déposés sur le texte de la commission sont à examiner, sur ce texte d'une extrême complexité... ce qui donne une image assez originale de la « simplification »  recherchée. 

Razzia

Ce texte, initialement prévu par le gouvernement pour simplifier et alléger un certain nombre de mesures administratives et de normes touchant la vie des entreprises, déjà adopté par le Sénat, est devenu au fil des débats une sorte de fourre-tout auquel les parlementaires de tous bords ont ajouté chacun leurs idées, dans des domaines aussi variés que les marchés publics, les démarches administratives, l’aménagement numériques, les énergies renouvelables ou les procédures d’autorisation environnementale.

On se souvient qu’à l’occasion du passage du texte en commission spéciale de l’Assemblée nationale, fin mars, les députés ou le gouvernement ont décidé d’une véritable razzia sur les organismes, agences, observatoires et autres commissions jugées « inutiles »  ou « redondants », sans toujours se préoccuper, semble-t-il, de savoir si ces structures étaient ou non utiles. C’est ainsi qu’a été adoptée, d’un trait de plume, la suppression des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France, du Conseil national de la montagne, de l’Observatoire de la politique de la ville… De nombreux élus, depuis, ont exprimé leur stupéfaction, voire leur colère, de voir ces structures menacées de disparaître sans autre forme de procès. 

Les ZFE

Autre victime de l’examen en commission de ce texte : les très controversées ZFE (zones à faibles émissions). Ces 42 zones instaurées par la loi Climat et résilience, où les véhicules les plus polluants sont ou seront interdits, sont, on le sait, mal vécues par de nombreux citoyens qui les ressentent comme une interdiction faite aux plus modestes – ceux qui sont obligés de rouler dans des véhicules anciens et polluants – d’accéder aux centres des agglomérations. C’est ce sentiment dont se sont fait l’écho les amendements LR et RN qui ont proposé la suppression de ce dispositif, dénonçant « une ségrégation sociale »  et une restriction à la liberté d’entreprise, un bon nombre d’artisans étant notamment directement concernés par les interdictions de circuler.

À l’heure où nous écrivons, les ZFE ont donc été supprimées, mais le gouvernement, et d’autres députés, comptent bien profiter de la séance publique pour rétablir ce dispositif : une trentaine d’amendements a été déposée sur le nouvel article 15 ter, qui a acté la suppression des ZFE.

Le nouveau dispositif proposé par le gouvernement

L’un de ces amendements est issu du gouvernement lui-même, qui propose de rétablir les ZFE, mais dans une version très expurgée. Le gouvernement a, semble-t-il, en partie entendu les critiques et les crispations provoquées par le dispositif tel qu’il était fixé par la loi, et propose une version allégée des ZFE, arguant que la transition économique « ne peut se faire sans justice sociale »  et que « personne ne doit être laissé sans solution ». Eu égard au niveau de pollution de l’air dans certaines agglomérations, le gouvernement ne veut pas renoncer aux ZFE, mais il propose de « rénover en profondeur »  leur cadre légal en « garantissant l’accès à la mobilité pour tous ». Notamment, alors que les ZFE dans leur forme actuelle permettent des « dérogations », cas par cas, le gouvernement affirme vouloir remplacer ces dérogations par « un véritable droit à circuler, à accéder aux services essentiels, à aller travailler, se soigner, vivre dignement ». 

Rappelons qu’en l’état actuel des textes, l’instauration des ZFE est obligatoire depuis le 31 décembre 2024 dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants (article L2213-4-1 du CGCT).

Première – et plus importante – proposition : au lieu de 42 ZFE obligatoires, le gouvernement propose de passer à deux, en l’état actuel des choses en tout cas. L’obligation de mettre en place une ZFE serait réservée « aux seules agglomérations en dépassement régulier des seuils réglementaires de qualité de l’air », c’est-à-dire Paris et Lyon. Les autres agglomérations de plus de 150 000 habitants, aujourd’hui frappées d’obligation, retrouveraient la « liberté »  de maintenir ou instaurer, ou pas, une ZFE. 

L’amendement gouvernemental vise également à ajouter explicitement dans la loi la possibilité pour les maires et présidents d’EPCI de créer des dérogations « notamment pour certains publics tels que les ménages les plus modestes et les très petites entreprises, ou permettre la circulation un nombre limité de jours chaque année pour des raisons sociales, économiques ou techniques ». 

Par ailleurs, le gouvernement souhaite mettre de la souplesse dans le dispositif en permettant aux agglomérations « d’adapter le périmètre des ZFE aux réalités locales », afin de garantir « leur acceptabilité ».

Enfin, le gouvernement suggère une période de transition, qui durerait jusqu’au 31 décembre 2026, pendant laquelle les modalités de circulation des ZFE seraient appliquées mais sans donner lieu à verbalisation, les contrôles ayant uniquement « une vocation pédagogique ». 

Rétablir, ajourner, assouplir…

De nombreux autres amendements ont été déposés sur ce sujet. Certains députés proposent tout simplement de maintenir tel quel le dispositif existant. D’autres souhaitent établir une liste précise de dérogation de droit, par exemple pour les personnels soignants, les travailleurs de nuit, etc. Un autre amendement propose de réformer le classement Crit’air, ou encore « d’ajourner le dispositif »  en décalant son application à 2030. Un amendement du groupe Horizons suggère de laisser aux maires, « les mieux placés pour évaluer les besoins et les contraintes de leur territoire », le droit de décider eux-mêmes de la création d’une ZFE. 

Ces amendements vont certainement provoquer des débats âpres mais, peut-être, constructifs, sur un dispositif mal compris et mal vécu par de nombreux habitants de la périphérie des grandes villes. Il reste à savoir quand ils seront débattus : hier, à la fin de la journée, les députés étaient encore loin d’avoir achevé l’examen de l’article 1er du texte, entre incidents, interruptions de séance, invectives et rappels au règlement. L’examen de ce texte, prévu sur trois journées, risque de durer bien plus longtemps. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2