Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 18 janvier 2023
Environnement

Friches polluées : un décret précise le principe de gestion du risque en cas de changement d'usage

Issu de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, un décret paru en fin d'année définit les différents types d'usage pour la gestion des sites et sols pollués, afin d'en faciliter la réhabilitation.

Par Caroline Reinhart

Rareté du foncier, objectif ZAN en 2050 : la reconversion des friches est devenue un sujet de préoccupation majeur. Reprenant partiellement une proposition de loi issue des travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur la pollution des sols, l’article 223 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a précisé le régime juridique de la réhabilitation de sites et sols pollués, dans le but de faciliter le montage de ces opérations complexes. 

Flou juridique

Le droit existant était insuffisant – voire quasi inexistant – s’agissant de la protection des sols. Tout reposait sur les maîtres d’ouvrage souhaitant engager une réhabilitation, dans un flou juridico-financier souvent dissuasif. Car l’enjeu est crucial : la définition des usages et du changement d’usage est déterminante pour le montage des opérations de réhabilitation, puisque le maître d’ouvrage à l’initiative de ce changement est tenu de définir les mesures de gestion de la pollution des sols et de les mettre en œuvre, « afin d'assurer la compatibilité entre l'état des sols et la protection de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, l'agriculture et l'environnement au regard du nouvel usage projeté », selon le Code de l’environnement. 

La loi Climat et résilience comble en partie ce manque, en créant un nouvel article L.556-1 A au sein du Code de l’environnement, aux termes duquel « l’usage est défini comme la fonction ou la ou les activités ayant cours ou envisagées pour un terrain ou un ensemble de terrains donnés, le sol de ces terrains ou les constructions et installations qui y sont implantées ». Quant à la réhabilitation, le texte la définit comme étant « la mise en compatibilité de l'état des sols avec, d'une part, la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (du Code de l’environnement) et, le cas échéant, à l'article L. 211-1 et, d'autre part, l'usage futur envisagé pour le terrain ».

Huit catégories d’usage

Après ces clarifications législatives, manquait encore leur traduction réglementaire : le décret devant identifier et détailler les différents types d’usage des sols est paru au JO du 20 décembre, et est entré en vigueur le 1er janvier.

Huit catégories d’usage sont définies : l’usage industriel, « pouvant comprendre un bâti (y compris des entrepôts), des infrastructures industrielles et, le cas échéant, des aménagements accessoires, tels que des bureaux ou des places de stationnement associés à l'activité industrielle »  ; l’usage tertiaire, « correspondant notamment aux commerces, aux activités de service, aux activités d'artisanat ou aux bureaux »  ; l’usage résidentiel, « comprenant un habitat individuel ou collectif, et, le cas échéant, des jardins pouvant être destinés à la production non commerciale de denrées alimentaires d'origine animale ou végétale »  ; l’usage « récréatif de plein air, correspondant notamment aux parcs, aux aires de jeux, aux zones de pêche récréative ou de baignade »  ; l’usage agricole, « correspondant à la production commerciale (notamment au sein d'exploitations agricoles) et non commerciale (notamment au sein de jardins familiaux ou de jardins partagés) d'aliments d'origine animale ou végétale, à l'exception des activités sans relation directe avec le sol »  ; l’usage « d'accueil de populations sensibles, correspondant aux établissements accueillant des enfants et des adolescents de façon non occasionnelle, aux établissements de santé et établissements et services sociaux et médico-sociaux, et aux éventuels aménagements accessoires, tels que les aires de jeux et espaces verts intégrés dans ces établissements »  ; l’usage de renaturation, « impliquant une désartificialisation ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité des sols, notamment des opérations de désimperméabilisation, à des fins de développement d'habitats pour les écosystèmes »  ; et, enfin, un « autre usage (à préciser au cas par cas) ».

Le texte indique par ailleurs que lorsque plusieurs usages sont envisagés sur un même site, « un zonage détaille leur répartition géographique ».

Le texte précise que cette définition des différents types d'usages est à prendre en compte à chaque étape de vie d’un site : au moment de constituer le dossier de demande d'autorisation, au moment de déterminer l'usage futur lors des cessations d'activité, dans le cadre de l'usage défini par un tiers-demandeur, et pour les évaluations de demandes de permis de construire ou d'aménager.

Par ailleurs, le décret définit la notion de changement d'usage. Ainsi, il y a changement lorsque le « type d'usage projeté est différent du type d'usage antérieur ». Pour les projets comportant plusieurs usages, « l'un au moins des types d'usages projetés (doit être) différent du type d'usage antérieur ». Il y a également changement d’usage lorsque « le type d'usage projeté est identique au type d'usage antérieur mais modifie le schéma, dit conceptuel (…) par rapport à celui utilisé dans le mémoire (…) pour la définition des mesures de gestion ».

Enfin, il y a changement d’usage lorsque « l’usage projeté et l'usage antérieur relèvent d'un “autre usage ”, au sens du 8° de l'article D. 556-1 A, mais sont différents l'un de l'autre ».

Ce décret apporte une clarification de droit bienvenue. Mais on peut regretter qu'il n'aborde pas la question de la responsabilité du pollueur (c’est au maître d’ouvrage en charge de la réhabilitation du site qu’incombe la responsabilité de dépolluer), et donc du financement des opérations, qui reste entière. 

Notons enfin que Christophe Béchu a répondu, le 11 janvier, aux questions des députés sur l’application de la loi Climat et résilience, qui a déjà fait l’objet de deux rapports. Selon les chiffres du ministère, 88 textes ont été publiés sur les 127 nécessaires à l’application de la loi du 22 août 2021, soit un taux d’application de 69 %. Mais c’est sans compter sur la réécriture de décrets essentiels, dont celui fixant la nomenclature des sols dans le cadre de l’objectif ZAN. À suivre de près.

 

Consulter le décret n° 2022-1588 du 19 décembre 2022 relatif à la définition des types d'usages dans la gestion des sites et sols pollués.

Accéder à l’échéancier des textes d’application de la loi Climat et résilience.

 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2