Entre inquiétude et espoir, ce qu'il faut retenir des annonces de Jean Castex
« Le devoir de vérité m’oblige à vous dire ce soir que la situation sanitaire de notre pays s’est dégradée au cours des derniers jours. » Dès le début de son intervention, le Premier ministre a donné le ton. Fini, le bel optimisme des précédentes semaines, oubliées, les déclarations d’Olivier Véran espérant que l’on n’aurait peut-être « plus jamais » à confiner le pays. « Il se passe quelque chose depuis quelques jours », pas seulement en France mais chez plusieurs de nos voisins, a tenu à préciser le Premier ministre.
L’exécutif ne regrette pas les décisions prises depuis janvier, et en particulier celle – inattendue – de ne pas reconfiner le pays. Ces décisions ont permis « de gagner du temps », estime Jean Castex : « Notre activité économique ne s’est pas effondrée, nos commerces ont pu rester ouverts, nos enfants ont pu aller à l’école. »
« Extrême réactivité »
Au passage, le chef du gouvernement a égratigné certains élus qui, depuis deux semaines, ont réclamé un confinement sur leur territoire particulièrement frappé par les variants. « J’entends également certains appeler à un confinement dur et immédiat dans l’espoir de nous débarrasser une bonne fois pour toutes du virus. Quatre semaines et puis on est débarrassé. Malheureusement (…), c’est loin d’être aussi simple. » Dès l’issue du point presse du Premier ministre, le maire de Metz (Moselle), François Grosdidier, a réagi à ces propos qu’il a jugés « très méprisants » : « On est un certain nombre à demander des reconfinements locaux et forts pour appuyer sur le frein parce que toutes les mesures qui ont été prises de couvre-feu, même de couvre-feu avancé n’ont jamais inversé la tendance », a poursuivi le maire de Metz, qui rappelle que « la seule fois où la tendance a été inversée dans le pays, c’est lors du premier confinement ».
Reste que le Premier ministre n’a nullement exclu, à l’échelle nationale, un retour au confinement, un « levier auquel il ne faut recourir que quand on ne peut pas faire autrement » et qu’il faut « tout faire pour retarder ». Dans cet objectif, l’exécutif souhaite « être extrêmement réactif aux premiers signes de reprise épidémique ».
Là encore, les élus des zones les plus affectées par les variants apprécieront sans doute diversement la notion « d’extrême réactivité » évoquée par Jean Castex. Rappelons qu’en Moselle, où le variant repéré en Afrique du sud représente aujourd’hui 60 % des cas, le gouvernement a décidé, il y a dix jours, de ne rien faire ou presque. Hier, le Premier ministre a placé ce département sous surveillance. « Comme si nous ne l’étions pas déjà ! », a réagi François Grosdidier.
De même, rappelons que les maires du Dunkerquois ont demandé il y a deux semaines la fermeture des établissements scolaires, sans succès. C’est après coup, alors que l’épidémie est hors de contrôle dans l’agglomération, que le gouvernement a proposé un confinement le week-end.
Surveillance renforcée
Jean Castex a annoncé hier que vingt départements sont désormais placés en « surveillance renforcée ». Il s’agit des départements qui cumulent quatre indicateurs : un taux d’incidence supérieur à 250 pour 100 000 habitants, « une part de variant supérieure à 50 %, une pression hospitalière proche du seuil critique et une circulation virale qui s’accélère sérieusement ».
Ces vingt départements sont : les sept départements de la région Île-de-France ; au nord, l’Oise, la Somme, le Pas-de-Calais et le Nord ; à l’est, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle ; au sud, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Var ; et enfin, le Rhône, la Drôme et l’Eure-et-Loir.
Dans ces vingt départements, les préfets vont « engager des concertations avec les élus » pour, d’une part, inciter les habitants à la vigilance et, d’autre part, préparer si nécessaire des « mesures de freinage ». Pas de mystère sur ces mesures : le Premier ministre a d’ores et déjà indiqué qu’il s’agirait de confinements le week-end, « si et seulement si la situation continue de se dégrader ». Ces mesures, si elles sont décidées, entreraient en vigueur « à compter du week-end 6 mars », c’est-à-dire le vendredi 5 mars à 18 h.
Ces mesures seront, on le sait déjà, considérées comme insuffisantes par certains maires. Celui de Metz a déclaré hier que le confinement le week-end « ne sert à rien et ne tiendra pas ». Il a été rejoint hier par la maire de Paris, Anne Hidalgo, dont le Premier adjoint, Emmanuel Grégoire, a lui aussi parlé de « demi-mesure » et annoncé que la ville va demander au préfet « un confinement de trois semaines » pour « ensuite retrouver de l'oxygène et une vie plus normale ». Une déclaration qui a surpris tout le monde, à commencer par les maires d’arrondissement qui n’avaient pas été prévenus, et ceux des communes limitrophes à la capitale, dont on imagine mal qu’ils ne soient pas concernés par une telle mesure. Ce matin, le même Emmanuel Grégoire a néanmoins largement nuancé ses propos de la veille, lors d'une conférence de presse, expliquant que rien n'est tranché et que tout est sur la table. Les twitts dans lesquels il avait, la veille, proposé le confinement de trois semaines ont été supprimés. Ce matin, l'élu parisien déclarait : « Il faut sortir de l'approche binaire. Ce n'est pas confinement ou pas confinement. Il y a des degrés différents. »
Lueurs d’espoir
Le Premier ministre et le ministre de la Santé ont tenté de tempérer ces mauvaises nouvelles en indiquant que l’espoir est permis « d’envisager dans les prochains mois un retour à une vie plus normale ». D’abord parce que la campagne de vaccination est, selon eux, un succès : « Nous vaccinons beaucoup et nous vaccinons les bonnes personnes », avec pour résultat « une baisse de l’incidence » chez les personnes de plus de 80 ans. Intervenant après les ministres, le professeur Alain Fischer, le « Monsieur Vaccins » du gouvernement, a notamment expliqué que les dernières études montrent une efficacité prouvée du vaccin AstraZeneca chez les personnes de plus de 65 ans. Il se pourrait donc, à terme, que ce vaccin soit autorisé en France pour les 65-74 ans, qui ne sont concernés aujourd’hui par aucune campagne de vaccination. Le Premier ministre a annoncé que la vaccination de cette tranche d'âge devrait débuter « début avril ».
Enfin, Jean Castex et Olivier Véran se dont félicités de l’arrivée de « nouveaux traitements », qui « pourraient permettre d’éviter l’apparition de formes graves de la maladie ». Ces traitements, les « anticorps monoclonaux », ne sont pas préventifs, comme les vaccins, mais bien curatifs. L’Allemagne en avait déjà commandé 200 000 doses il y a un mois. La France vient de lui emboîter le pas. Si ce traitement semble prometteur, il a un inconvénient majeur : son prix. Chaque dose de ces médicaments, produits par deux firmes américaines, coûte environ 2 000 euros.
En attendant, donc, un « retour à une vie plus normale », c’est bien la semaine prochaine qui va voir se multiplier les annonces. À moins d’un emballement incontrôlé de l’épidémie – hélas toujours possible et clairement redouté par de nombreux scientifiques – le confinement généralisé n’est toujours pas à l’ordre du jour. Pour l’instant.
Franck Lemarc
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