Engagement et proximité : quels changements en matière d'urbanisme et d'environnement ?
En matière d’urbanisme, le projet de loi Engagement et proximité contient, après son passage à l’Assemblée nationale, de nouvelles mesures qui n’étaient pas nécessairement attendues par les maires. Avec à la clé des bonnes et des mauvaises surprises.
Arrêt du projet du PLUi : un recul par rapport au droit en vigueur
Dans la version du texte adoptée hier à l’Assemblée, un amendement gouvernemental à l’article 7 du projet de loi a été adopté afin de modifier l’article L. 153-15 du Code de l’urbanisme, « afin d’éviter qu’une commune puisse, à elle toute seule, bloquer l’arrêt d’un plan local d’urbanisme intercommunal », selon l’exposé de présentation du texte.
Le texte prévoit en ce sens d’introduire « un mécanisme de pondération », au stade de l’arrêt du projet, afin de faciliter l’adoption du PLUi, toujours « à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés ».
Concrètement, l’amendement adopté exige qu’au moins deux communes soient défavorables « aux orientations d’aménagement et de programmation ou les dispositions du règlement qui les concernent directement » – ou une seule, si elle représente plus de la moitié de la population de l’EPCI –, pour demander une nouvelle délibération. Alors que l’un des objectifs du projet de loi était de « renforcer le rôle des communes et des maires au sein des EPCI », cet amendement risque de ne pas passer inaperçu. Il ne va pas dans le sens du consensus entre le Parlement et les associations d’élus qui avait abouti au droit en vigueur et établit une hiérarchie entre communes membres d’un EPCI en privilégiant la ville la plus importante.
À noter que l’article 14 du texte voté hier, donne de nouvelles marges de manœuvre aux maires pour mettre fin aux « constructions, aménagements, installations ou travaux » réalisés en méconnaissance des règles d’urbanisme. Entre l’astreinte (jusqu’à 500 euros par jour de retard) et les amendes administratives, le montant total exigible ne doit pas dépasser 25 000 euros.
Eau potable : un nouveau droit de préemption des surfaces agricoles
Issu des Assises de l’eau, un autre amendement gouvernemental à la version sénatoriale (nouvel article 39) vise à ajouter un chapitre VIII au titre Ier du livre II du Code de l’urbanisme, intitulé « Droit de préemption pour la protection des ressources en eau destinées à la consommation humaine ». Objectif : confier de nouveaux pouvoirs au bloc communal en la matière.
Le texte institue en ce sens « un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité (…) dans l’aire d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine », en faveur des communes ou intercommunalités exerçant « la compétence de contribution à la protection de la ressource en eau prévue à l’article L. 2224-7 du CGCT à la date de création de ce droit ».
À terme, il s’agit de limiter au maximum le recours au traitement avant distribution de l’eau, en accélérant « l’installation de pratiques agricoles favorables à la protection de la ressource en eau » – sans pour autant remettre en cause « la destination agricole des terrains préemptés », précise l’exposé relatif à l’amendement.
S’il est conservé dans le texte final, la commune ou l’intercommunalité compétente pourra ainsi prescrire sur les terrains acquis « destinés à préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement » – en clair, les eaux brutes des captages destinées à la consommation.
Il est en revanche prévu que la zone de préemption soit délimitée par le préfet, après concertation « avec les communes, les EPCI compétents en matière de PLU, les chambres d’agriculture et les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ».
De même que le texte énonce que « l’ordre de priorité d’exercice des droits de préemption (…) est fixé par l’autorité administrative », lorsqu’une parcelle est située à l’intérieur de plusieurs aires d’alimentation relevant de communes ou d’intercommunalités distinctes.
L’amendement précise également la procédure à suivre pour exercer ce droit de préemption. En particulier, les biens acquis via ce droit de préemption, « ne peuvent être utilisés qu’en vue d’une exploitation agricole compatible avec l‘objectif de préservation de la ressource en eau ». Enfin, le texte renvoie à un décret ultérieur pour en fixer les modalités d'application.
Pour mémoire, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » à l’intercommunalité au 1er janvier 2020, prévu par la loi NOTRe de 2015, a été rétabli par les députés. Mais la possibilité de déléguer ces compétences aux communes – un pas vers les maires – a été étendue la gestion des eaux pluviales.
Ouvrages d’art : un geste pour soutenir l’investissement des communes
Comme promis par le ministre Sébastien Lecornu lors du Congrès des maires, un sous-amendement à l’article 24 du texte adopté hier vise à assouplir les règles de participation minimale du maître d’ouvrage au financement d’opérations d’investissement particulièrement « sensibles pour les collectivités », dont – nouveauté – celles relatives aux ponts et autres ouvrages d’art.
Ainsi, les préfets pourront autoriser les communes maîtres d’ouvrage à s’écarter de la règle de participation minimale de 20 % du total des « financements apportés par les personnes publiques ». En clair, ces opérations pourront être financées en totalité via des subventions. Une note positive pour l’investissement dans les ouvrages d’art, mais sera-t-elle à la hauteur des enjeux liés à la sécurité des ponts ?
Caroline St-André
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