Engagement et proximité : les députés de la majorité ne veulent pas d'un assouplissement des compétences
Comme on pouvait s’y attendre, la commission des lois de l’Assemblée nationale a très largement amendé le projet de loi Engagement et proximité tel qu'issu du Sénat pour supprimer, en grande partie, les ajouts de celui-ci. Sur le chapitre de l’intercommunalité comme sur les autres points (lire article ci-dessous), beaucoup des « libertés » réclamées par les associations d’élus et obtenues au Sénat ont été balayées. Les députés ont davantage cherché à rétablir le texte initial qu’à l’enrichir : sur les 270 amendements adoptés par la commission, bien peu apportent des propositions nouvelles – la grande majorité étant constituée d’amendements de de suppression.
Eau et assainissement : retour à la case départ
François Baroin, lors de la conférence de presse qu’il a tenue mardi dernier, expliquait que l’AMF serait, lors de l’examen de ce texte, particulièrement attentive à « deux points durs » : l’eau et l’assainissement, et la suppression des compétences optionnelles. Mais sur ces deux points, les députés ont déjà tranché dans le sens inverse de ce qui était souhaité par bien des maires.
Rappelons que le Sénat, allant dans le sens d’une demande constante de l’AMF, avait supprimé le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement en 2026. La commission des lois de l’Assemblée a, elle, voté plusieurs amendements rétablissant le caractère obligatoire du transfert et le système voulu par le gouvernement, à savoir la possibilité, après transfert des compétences à l’intercommunalité, que celle-ci redélègue tout ou partie des compétences à certaines communes. Ce système, couramment qualifié « d’usine à gaz » par les maires, semble apparemment plus simple et « plus souple » aux yeux des députés qu’un retour de la liberté donnée aux maires de transférer ou non.
L’exposé des motifs d’un de ces amendements des députés MoDem fera sourire – ou grincer des dents – bien des maires : il est en effet expliqué que l’amendement rétablissant l’obligation de transfert est « issu du travail avec les élus locaux ». Quand on connaît l’opposition absolue de l’AMF à cette obligation, on peut se demander si cette formule relève de l’ironie.
Suppression des compétences optionnelles : c’est non
Sur l’autre « point dur », les députés ne se sont pas montrés plus compréhensifs. Le Sénat avait adopté un article (5D) supprimant la catégorie des compétences optionnelles, ne conservant que les catégories obligatoires et facultatives. Rappelons que l’AMF estime que ces compétences optionnelles, si elles avaient un sens il y a 20 ans, au moment de la construction de l’intercommunalité, sont aujourd’hui dépassées.
La majorité ne l’entend pas de cette oreille : jugeant « prématurée » cette évolution, il la supprime du texte. Dans l’un des amendements, Sabine Thillaye, députée LaREM d’Indre-et-Loire, estime que cette suppression des compétences optionnelles « mettrait à mal l’ensemble de la logique de l’intégration intercommunale ». Un autre amendement, signé de Jean-René Cazeneuve, président de la Délégation aux collectivités territoriales, ouvre toutefois une porte, en proposant que le sujet soit réexaminé à l’occasion de la future loi de décentralisation, dite loi 3D, prévue l’année prochaine.
On notera que certains députés de la majorité ne se soucient pas forcément de cohérence. Dans un rapport parlementaire de juillet dernier, consacré à la « revitalisation de l’échelon communal », les députés Rémy Rebeyrotte et Arnaud Viala préconisaient (« proposition n° 8 » ) de « supprimer la catégorie des compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération. » Rémy Rebeyrotte a apparemment changé d'avis, puisqu'il a cosigné l’amendement demandant la suppression de cette proposition.
Dans ce rapport de juillet dernier, le même député de la Saône-et-Loire demandait que soit engagée une réflexion sur « la réduction du nombre de compétences obligatoires ». Mais hier, il a signé et fait adopter un amendement supprimant le dispositif de « compétences à la carte » introduit par le Sénat. Au nom du désir de « stabilité juridique » réclamé par « l’ensemble des élus locaux ».
Quelques enrichissements au milieu des suppressions
Parmi les autres modifications opérées par la commission des lois dans le domaine de l’intercommunalité, on notera – sans prétendre à l’exhaustivité : la suppression de l’élection des vice-présidents d’EPCI au scrutin de liste – le système voulu par les sénateurs étant jugé « moins démocratique » que l’élection nom par nom ; la suppression de l’assouplissement du régime de l’accord local de répartition des sièges au sein des conseils communautaires – jugé inconstitutionnel ; la suppression du rétablissement de l’intérêt communautaire sur la voirie et sur les ZAE (zones d’activité économique), dans les communautés urbaines et les métropoles, qui aurait par exemple permis aux communes de reprendre la main sur certaines voies. « Permettre qu’une partie des voies communales puisse être du ressort des communes apparaît comme une régression pouvant engendrer un risque de désintégration », estime carrément Rémy Rebeyrotte dans son amendement.
Suppression aussi de la possibilité faite aux communes classées stations de tourisme faisant partie des métropoles et des communauutés urbaines de reprendre l’exercice de la compétence tourisme – possibilité jugée par la commission « ni opportune ni pragmatique ». La possibilité de mutualiser les gardes-champêtres entre plusieurs EPCI, voire de les mettre à disposition de communes non membres de l’EPCI, a également été balayé, la commission jugeant que « l’intérêt pratique » de ce dispositif « n’est pas démontré ».
Au milieu de cet océan d’amendements de suppression, on notera toutefois quelques ajouts intéressants de la commission des lois. Par exemple l’introduction de la possibilité de tenir les réunions des conseils communautaires (dans les communautés de communes et d’agglomération) par visioconférence à partir de « différents lieux de réunion », sauf pour l’élection du président et du bureau et le vote du budget.
Par ailleurs, concernant la possibilité de scission des EPCI (qui figurait dans le texte initial), le rapporteur a fait ajouter un long amendement fixant les règles en matière de répartition entre les nouveaux établissements des personnels, du budget, des actifs et des passifs.
Ces quelques enrichissements ne suffiront certainement pas à rassurer les maires qui attendaient de ce texte, après son passage au Sénat, de véritables avancées en termes de liberté dans leurs rapports avec les intercommunalités. À la veille du congrès de l’AMF, ils risquent d’être profondément déçus.
Franck Lemarc
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