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Édition du mercredi 26 mars 2025
Emploi

Livraisons de repas à domicile : la santé et la sécurité des livreurs en péril

Se faire livrer des repas est devenu un réflexe pour de nombreux Français aujourd'hui, en particulier dans les grandes villes. Mais la pratique n'est pas sans conséquence pour les livreurs qui font face à des conditions de travail qui dégradent gravement leur santé.

Par Lucile Bonnin

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) publie ce jour une étude évaluant les risques auxquels les livreurs de repas des plateformes numériques sont exposés. 

Uber Eats, Just Eat, Deliveroo... Depuis plusieurs années, les pays européens ont connu un véritable essor de ces plateformes numériques sur lesquelles il est facile et rapide de commander un repas à domicile. Cette pratique devant être encadrée, la directive (UE) 2024/2831 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme a été adoptée. Elle vise à instaurer des obligations à ces plateformes (dispositions relatives à la gestion algorithmique par exemple) mais vise surtout à permettre la requalification des livreurs en salariés et à garantir des droits sociaux aux travailleurs de ces plateformes. Cette directive, publiée le 11 novembre 2024 au Journal officiel de l'Union européenne, doit être transposée dans les États membres d'ici le 2 décembre 2026.

C’est dans ce cadre que l’Anses a évalué les risques pour la santé des livreurs de repas des plateformes numériques étant donné que « l’organisation spécifique du secteur et le statut d'indépendant des travailleurs compliquent le suivi de leurs conditions de travail ». Et les conclusions de ces travaux sont loin d’être rassurantes. 

Le management algorithmique fait prendre des risques aux livreurs 

La particularité de ces plateformes est qu’elles fonctionnent avec une intelligence artificielle qui attribue des tâches aux livreurs et ce, « dans le but d’optimiser le rendement économique de la plateforme ». Ce système de management qui s’appuie uniquement sur des algorithmes exclut « ainsi toute possibilité de discussion entre le travailleur et la plateforme ». 

Le problème, comme a pu l’observer l’Anses, est que tous ces « processus automatisés gérés par des algorithmes, tels que l’évaluation des prestations par les consommateurs, les évolutions des modalités de rémunération, les règles d’attribution des courses ou encore les sanctions infligées aux livreurs, génèrent une organisation du travail à risque pour leur santé ».

Les experts de l’Anses précisent dans le rapport que les livreurs, pour répondre à ces contraintes, n’ont d’autres choix que « de développer des stratégies d’adaptation (accélération, augmentation des plages horaires, etc.) pouvant aller jusqu’à affecter négativement leur santé physique et mentale, ainsi que leur vie sociale et affective ».

Essayer en permanence « d’en faire plus » 

L’activité de livraisons de repas via ce type de plateformes pour poussent en effet les livreurs à tenter d’en faire toujours plus : « répondre plus vite aux notifications, livrer plus vite, rester connecté plus longtemps, être connecté aux heures où il y a le plus de demandes (soirs, week-end, jours de mauvais temps) », observe l’Anses. Les livreurs se sentent obligés de travailler beaucoup et vite notamment du fait de la précarité de leur emploi soumis à « l’absence de rémunération des temps d’attente, l’opacité des règles d’attribution des courses et la multiplication des métriques d’évaluation (données de géolocalisation, notations, etc.) » 

Ces facteurs de stress « se combinent avec les caractéristiques de la livraison à vélo en milieu urbain pour accroître les risques d’accidents (bénins, graves ou mortels), la fatigue, l’usure physique et mentale ». Car en effet, la pratique de la livraison a des effets sur la santé. Selon l’Anses, ceux qui ressortent le plus fréquemment sont la traumatologie liée aux accidents ; les troubles musculo-squelettiques (TMS) ; et les effets sur la santé mentale.

Concrètement, plus d’un quart (26,4 %) des livreurs en région parisienne ont déjà subi un accident dans le cadre de leur activité. De plus, l’Anses alerte sur le fait que « l'augmentation des températures et la fréquence accrue des vagues de chaleur vont intensifier les risques de déshydratation, d’insolation »  chez les livreurs. D’autant que lors d’épisodes climatiques (pluies ou fortes chaleurs) extrêmes, les consommateurs ont tendance à recourir davantage à des services de livraison – « sachant que l'argumentaire des plateformes met en avant le confort de se faire livrer lors d'intempéries ».

Faire évoluer la réglementation

Face à ces constats inquiétants – et qui ne datent pourtant pas d’hier puisque ce modèle économique se développe en France depuis 2010 selon l’Anses – l’Agence recommande « de rendre obligatoire l’application des dispositions du Code du travail garantissant une protection de leur santé et de leur sécurité équivalente à celle des salariés »  tout comme « la collecte et la remontée de données statistiques concernant la santé des livreurs des plateformes, afin de poursuivre la documentation des effets de cette organisation de travail sur la santé ».

L’Anses veillera également à ce que l’ensemble des éléments identifiés dans son expertise soient pris en compte lors de la transposition en droit français de la Directive européenne (UE) 2024/2831 relative aux travailleurs de plateforme.

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