Emmanuel Macron confirme que le gouvernement Attal restera en place au moins jusqu'à la mi-août
Par Franck Lemarc
Emmanuel Macron est apparu souriant et détendu, lors de son interview télévisée d’hier soir, semblant très loin des tensions et des crispations provoquées par la dissolution surprise de l’Assemblée nationale. En plein cœur d’une crise politique inédite depuis la création de la Ve République en 1958, le chef de l’État a consacré une large partie de son interview aux Jeux olympiques et paralympiques qui débutent vendredi, pendant lesquels il demande une « trêve ». Mais il a tout de même, naturellement, évoqué la situation politique et donné quelques indications sur ses intentions – sans surprise par rapport au contenu de sa « lettre aux Français » publiée dans la semaine qui a suivi le second tour des législatives.
« Personne n’a gagné »
À peine une heure avant cette interview, le Nouveau Front populaire a joué son va-tout en mettant sur la table un nom de Premier ministre, sur lequel les quatre formations s’étaient enfin accordées. Une façon de mettre la pression sur le président de la République et de l’obliger à sortir du bois. Le NFP en a été pour ses frais : Emmanuel Macron a balayé la proposition d’un revers de la main.
La candidate proposée par le NFP est Lucie Castets. Âgée de 37 ans, cette énarque et diplômée de la prestigieuse London School of economics est d’abord un pur produit de Bercy – elle a commencé sa carrière à la direction générale du Trésor, puis l’a poursuivie à Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère de l’Économie et des Finances. Elle est ensuite devenue conseillère d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, avant de devenir directrice des achats et des finances de la mairie de Paris. Lucie Castets est également engagée dans le combat pour la défense des services publics, à travers le collectif Nos Services publics dont elle est un pilier. Ce collectif, marqué à gauche, a publié ces dernières années un certain nombre d’analyses et d’enquêtes dénonçant les coupes claires de l’État dans les budgets des services publics, « l’uberisation » de la fonction publique à travers le recours aux vacataires ou encore la « perte de sens des agents » dans la fonction publique.
Cette candidate – proposée par le PS – a été validée par les trois autres formations. Son parcours la rend peu susceptible d’être considérée comme « d’extrême gauche », ce qui en faisait, espéraient les tenants du NFP, la candidate idéale pour Matignon.
Interrogé sur cette candidature, Emmanuel Macron s’est contenté d’un laconique « ce n’est pas la question », expliquant que le Nouveau Front populaire n’était pas légitime à diriger le gouvernement, dans la mesure où il n’a pas obtenu de majorité à l’Assemblée nationale. Comme on pouvait s’y attendre, le chef de l’État s’est servi de l’exemple de la défaite d’André Chassaigne à la présidence de l’Assemblée nationale pour justifier son refus, arguant que le NFP avait démontré qu’il n’était pas capable de réunir une majorité.
Même si les partis de gauche, depuis, font mine de s’indigner de ce refus du président de la République, il ne représente en aucune façon une surprise : dans la lettre aux Français (lire Maire info du 11 juillet), Emmanuel Macron avait déjà annoncé qu’il ne souhaitait pas un gouvernement de gauche mais privilégiait « une large coalition » entre les partis ayant constitué un « front républicain » contre le RN au second tour des élections législatives.
Il l’a répété hier : « Personne n’a gagné » les élections législatives, « personne ne peut appliquer son programme, (…) ni le Nouveau Front populaire, ni la majorité sortante (…), ni la droite républicaine ». Il a donc appelé chacun, une nouvelle fois, « à faire des compromis ». Au passage, Emmanuel Macron a indiqué que le « pacte législatif » proposé par la droite, hier (lire Maire info d’hier), allait « dans la bonne direction ». On notera cependant que ce « pacte » ne peut pourtant pas être qualifié de « compromis », puisqu’il se borne à reprendre les idées mises en avant par Les Républicains depuis des années.
Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron a rappelé que « des dizaines de députés » de gauche avaient été élus avec les voix de la droite et du centre, et vice-versa. « Je les enjoins de travailler ensemble », a-t-il exigé. « La responsabilité des partis, c’est de faire ce que toutes les démocraties européennes font, (…) c’est de sortir de leurs évidences, (…) et de se dire ‘’comment on peut avancer ensemble, on va voter des textes ensemble, on va voter ensemble un budget et on va essayer d’avancer’’ ».
Reste que le chef de l’État lui-même a envoyé des signaux qui indiquent qu’il souhaite plutôt continuer d’aller dans le sens de ce qui s’est passé lors de l’élection de Yaël Braun-Pivet jeudi dernier, à savoir une coalition entre ses partisans et Les Républicains. Ce n’est pas un hasard si les idées qu’il a mises en avant, hier, sont « le besoin des Français de plus de fermeté, de plus de sécurité et de plus de justice, de moins de bureaucratie et de mieux vivre de son travail » : ce sont presque exactement les mots employés, la veille, par Laurent Wauquiez pour présenter son « pacte législatif ».
Ne pas « créer de désordre »
Emmanuel Macron a également adressé une pique aux différents partis présents à l’Assemblée nationale en estimant qu’il n’est « pas une bonne chose » que le Rassemblement national n’ait obtenu aucune place au Bureau de l’Assemblée nationale, rappelant qu’il fallait « entendre et respecter » les millions d’électeurs qui ont voté pour ce parti. Il a également fustigé les députés qui ont refusé de serrer la main à des élus RN, déclarant qu’il « n’y a pas de sous-députés » et regrettant que « la civilité se perde ».
Emmanuel Macron a enfin clairement indiqué qu’il n’appellerait pas de nouveau Premier ministre à Matignon avant la fin des Jeux olympiques (qui se terminent le 11 août).
Expliquant que ce sont les ministres actuellement en place qui ont supervisé l’organisation des Jeux, Emmanuel Macron a estimé que leur départ à la veille de ceux-ci « créerait un désordre », et qu’il avait choisi « la stabilité ». Argument qui fera grincer quelques dents – car personne n’obligeait le chef de l’État à dissoudre l’Assemblée nationale à quelques semaines des Jeux au lieu d’attendre la rentrée, et que le fait d’avoir créé cette situation de crise politique ne peut pas sérieusement être qualifié de choix « de la stabilité » ni de volonté de « ne pas créer de désordre ». Emmanuel Macron, qui a plusieurs fois rappelé pendant son interview qu’il convenait de « respecter le vote des Français », a pourtant décidé de laisser perdurer une situation où, malgré la défaite du camp présidentiel aux européennes et aux législatives, celui-ci continue de diriger le pays pour un temps indéterminé.
Car rien ne dit qu’un nouveau gouvernement sera formé après le 11 août : les mêmes arguments (« ne pas créer de désordre » ) peuvent être invoqués pour ne pas changer de gouvernement non plus avant la fin des Jeux paralympiques (le 8 septembre). Et surtout, personne, ni à droite ni à gauche, ne semble décidé à engager des négociations pour la « large coalition » que souhaite le chef de l’État. Dans la mesure où il s’en remet aux chefs de partis pour trouver un accord, mais que ceux-ci n’ont, pour l’heure, aucune intention de le trouver, le gouvernement Attal risque de continuer de « gérer les affaires courantes » bien au-delà du 11 août.
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