Simplification de la vie des entreprises : plusieurs points d'attention pour les élus
Par Franck Lemarc
Après le plan de simplification de l’État présenté par Gabriel Attal, mardi (lire Maire info d’hier), c’est au tour de Bercy de présenter le sien : en Conseil des ministres, hier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a détaillé ses pistes pour « simplifier drastiquement (…) la charge des normes, des démarches, des complexités du quotidien » pour les entreprises.
Ces mesures s’inscrivent dans un projet de loi, qui, contrairement à l’usage, n’a pas été déposé dans la foulée devant une des deux chambres. Un volumineux dossier de presse (68 pages) a en revanche été diffusé, et permet d’avoir le détail des mesures envisagées.
Déclaration et autorisations
Bulletins de salaire radicalement raccourcis, formulaires Cerfa « supprimés » , poursuite de l’extension de la démarche « SVA » (silence vaut accord), « purge des irritants récurrents » – le plan du gouvernement vise à faire le ménage dans le labyrinthe des normes qui s’imposent aux entreprises et dont la complexité pèserait, selon le ministre, pour « au moins 3 % du PIB » , soit plus de 80 milliards d’euros. Le dossier de presse multiplie les chiffres qui illustrent cette complexité : un Code de l’environnement dont la taille a augmenté de 689 % depuis 2002, 23 000 pages dans « les huit principaux Codes » , 1 800 formulaires Cerfa différents… Sur ce dernier item, le gouvernement annonce la suppression de tous les formulaires Cerfa en 2030, et 80 % de suppression dès 2026, avec leur remplacement par des démarches en ligne.
Par ailleurs, le gouvernement souhaite passer d’une logique d’autorisation à une logique de déclaration : « Un maximum d’autorisations sera transformé en simple déclaration » . Lesquelles ? On l’ignore encore, puisqu’une « équipe interministérielle » va être chargée de plancher pour « identifier les démarches à supprimer » . Mais à titre d’exemple, Bercy cite les autorisations de travaux des « commerçants d’une galerie marchande ou d’un centre commercial » , qui seront supprimées « dès 2025 ».
Cette mesure devra être suivie attentivement, car il ne faudrait pas qu’au nom de la simplification, on aille à l’inverse vers le dépouillement des élus locaux de leur pouvoir d’accepter ou de refuser tel projet, par exemple en matière d’urbanisme commercial – mais pas seulement.
Commande publique
L’un des chapitres du plan qui concerne le plus directement les collectivités est celui qui est consacré à la commande publique. « Les procédures qui encadrent la commande publique restent trop complexes, ce qui entraîne des délais et des coûts pour les entreprises, en particulier les plus petites » , écrit le ministère de l’Économie.
Première mesure annoncée : l’extension à d’autres acteurs de plateforme Place, qui centralise tous les marchés publics de l’État.
En 2028, cette plateforme sera ouverte aux hôpitaux, aux opérateurs de l’État et aux organismes de Sécurité sociale. Et les collectivités territoriales « pourront rejoindre volontairement » cette plateforme. Par ailleurs, les sites de commande publique des collectivités « seront rendus interopérables ».
Pour éviter aux entreprises de devoir remplir plusieurs fois le même dossier, à chaque nouvel appel d’offres, le principe du « dites-le nous une fois » sera appliqué en 2026 : dès lors qu’une entreprise a passé un premier appel d’offres, tous les renseignements nécessaires seront enregistrés et, pour les appels d’offres suivants, elle n’aura plus qu’à renseigner son numéro Siret.
Bercy souhaite également s’attaquer aux retards de paiement, soulignant que l’obligation de payer une facture en 30 jours (pour l’État et les collectivités) est « majoritairement respectée » . Outre la publication des délais de paiement (lire Maire info du 22 avril), une circulaire va être diffusée pour « appeler à la mobilisation des comptables publics ».
Enfin, le gouvernement va modifier par décret le taux maximum d’avances que les collectivités peuvent accorder aux TPE et PME, en le passant de 10 % à 30 %. La formulation du dossier de presse n’est pas très claire – on ignore donc à cette heure si cette modification touchera toutes les collectivités ou seulement celles qui ont un budget de fonctionnement supérieur à 60 millions d’euros.
Commerces
Parmi les autres mesures, on retiendra une démarche de simplification des dossiers de demande d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC), afin notamment d’en réduire les délais. Bercy rappelle que « 90 % des recours contre les projets » ne sont pas le fait des élus mais de concurrents, et que les contentieux peuvent conduire à des délais de 3 à 7 ans. À terme, le dossier de demande d’AEC va être dématérialisé, la durée de validité des AEC va être « alignée sur celle des permis de construire ». « Afin de limiter les recours dilatoires, l’intérêt à agir des concurrents à l’encontre des AEC devra être davantage justifié. »
Le gouvernement annonce par ailleurs la dématérialisation complète de la déclaration de Tascom (taxe sur les surfaces commerciales), permettant ainsi de remplacer « 48 000 déclarations papier par an ».
Dérogations au ZAN
On apprend, au détour du dossier de presse, que Bercy a fini par gagner le bras de fer qui l’opposait au ministère de la Transition écologique sur le ZAN. Depuis plusieurs semaines, Bruno Le Maire pèse en effet pour que tous les projets d’implantation industrielle soient « sortis » du décompte ZAN. La première liste des « projets d’intérêt national ou européen » publiée il y a quelques jours donnait déjà quelques indices sur le fait que Bercy avait obtenu gain de cause, mais cette fois, c’est officiel : « Aucun projet industriel ne sera bloqué par la mise en œuvre du ZAN » , peut-on lire dans le dossier de presse. Tous les projets bénéficieront du « quota national » qui permet de les sortir de l’enveloppe. Cette décision – surtout annoncée « en passant », à la page 53 d’un dossier de presse, risque de faire débat.
Le gouvernement ne s’arrête pas là : les projets industriels ne seront désormais plus dans le champ d’intervention de la CNDP (Commission nationale du débat public), afin de réduire les délais. En outre, le délai de recours des tiers contre l’autorisation environnementale accordée à un projet industriel sera réduit de 4 à 2 mois.
Le plan du gouvernement comprend également des mesures concernant les antennes de téléphonie mobile, dont certaines demanderont à être précisées. Il est notamment indiqué que « les décisions d’urbanisme favorables [à l’implantation d’une antenne] seront mieux sécurisées dans le temps » , sans autres précisions.
Par ailleurs, « il sera désormais sanctionné le fait pour un opérateur d’infrastructure de ne pas communiquer au maire un document attestant de l’engagement d’un opérateur de téléphonie mobile d’exploiter le pylône en question », afin d’éviter les pylônes « orphelins », créés par des opérateurs d’infrastructure qui n’ont pas de contrat avec un opérateur de téléphonie.
Enfin, plusieurs mesures sont annoncées pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Le gouvernement veut faire en sorte que les règles d’urbanisme ne puissent plus bloquer l’installation de certains systèmes (pompes à chaleur, panneaux photovoltaïques…). De nouvelles possibilités de dérogation des permis de construire aux règles du PLU vont donc être proposées, par exemple pour les limites de hauteur et de gabarit. Voilà qui sera, là encore, à suivre de près par les associations d’élus.
Archéologie préventive
Même si la question de l’archéologie préventive n’est pas évoquée dans le dossier de presse, elle s’est récemment invitée dans le débat sur la simplification, après des propos de la ministre de la Culture, Rachida Dati, qui ont fait bondir les archéologues. Lors d’une visite dans un château des Yvelines récemment restauré, la ministre a annoncé des mesures de « simplification des protocoles » en matière de rénovation du bâti ancien, et a eu cette phrase, en évoquant l’archéologie préventive : « Il ne faut pas faire des fouilles pour se faire plaisir, ou alors on ne fait pas payer. (…) Je préfère mettre de l’argent dans la restauration du patrimoine plutôt que de creuser un trou pour creuser un trou. » Par la suite, elle a précisé sur X (Twitter) qu’elle souhaitait qu’à l’avenir « ne soient retenues que les prescriptions archéologiques indispensables ».
Des propos qui, on s’en doute, ont été peu goûtés par la communauté des archéologues. Dans une tribune publiée par le journal Le Monde, une pléiade de chercheurs, dont Jean-Paul Demoule et François Xavier Fauvelle, font part de leur « stupéfaction ». « C’est parce qu’il y a une archéologie préventive en France que nous exhumons chaque année de nouveaux sites patrimoniaux », écrivent notamment ces archéologues, qui attendent des « éclaircissements ».
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