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Édition du vendredi 7 mars 2025
Ecole

Une proposition de loi pour mieux protéger les personnels de l'éducation contre les violences

Le Sénat a adopté en première lecture, hier, avec le plein soutien du gouvernement, une proposition de loi « visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent ». Ce texte prévoit notamment l'interdiction des signes religieux dans les sorties hors temps scolaire.

Par Franck Lemarc

La proposition de loi adoptée hier a été présentée par le sénateur Laurent Lafon (UDI, Val-de-Marne), déjà auteur, en 2023, d’un rapport contenant une quarantaine de recommandations pour mieux protéger les personnels des établissements scolaires. 

Cette proposition de loi vise à introduire dans la loi certaines de ces recommandations, les autres étant de nature réglementaire. La ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, s’est engagée hier lors des débats à prendre « un train de décrets »  pour les mettre en œuvre.

Laurent Lafon a rappelé, lors de la discussion, qu’une violence « endémique »  sévit dans certains établissements. Au cours de l’année scolaire 2021-2022, « 58 500 enseignants déclarent avoir été menacés, 17 200 avoir été bousculés intentionnellement, 900 avoir été menacés avec une arme ». Élisabeth Borne l’a confirmé, ajoutant que la situation s’est aggravée en 2023-2024 : par exemple, cette année a connu « 6 500 faits »  d’atteinte à la laïcité, soit un « triplement »  par rapport à l’année précédente. La ministre a donc exprimé son soutien à cette proposition de loi – qui a d’ailleurs, à l’issue des débats, été adoptée à l’unanimité des 341 sénateurs présents. 

Signes religieux

Le premier article du texte redéfinit le contenu de l’EMC (enseignement moral et civique), en le simplifiant, les sénateurs jugeant la version actuelle trop « bavarde ». La nouvelle version « recentre »  l’EMC sur les principes de la République, sur « le fonctionnement des institutions françaises et européennes »  et « les enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain ».

L’article 2 modifie les dispositions en vigueur sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires. Il vise à étendre cette interdiction « aux activités en lien avec les enseignements, dans ou en dehors des établissements, organisées par ces écoles, collèges et lycées publics, y compris en dehors du temps scolaire ». Dans le rapport de Laurent Lafon, il était par exemple mentionné « les sorties scolaires le soir, une cérémonie de remise d’un prix (…), la participation à un forum d’orientation organisé par l’établissement scolaire… ». Cette « clarification »  doit permettre de « lever toute ambiguïté sur le terrain », ont souligné les sénateurs. 

Un débat a eu lieu, à partir d’amendements déposés par certains sénateurs, sur l’extension ou pas de cette interdiction notamment aux activités périscolaires. La rapporteure du texte, tout comme la ministre, ont été claires : il ne s’agit pas de « modifier le périmètre de la loi de 2004 ». « C’est un texte sur l’école, non sur les activités périscolaires organisées par les collectivités territoriales ». 

Un amendement a également été rejeté, qui prévoyait d’étendre cette interdiction aux élèves en stage ou apprentis. 

Protection fonctionnelle et fouilles

Les articles suivants, ajoutés en séance, prévoient diverses dispositions de protection des personnels. L’article 3 créée une nouvelle obligation, dans les écoles, collèges et lycées, d’une « information annuelle (…) sur l’importance du respect des personnels ». Un autre article interdit la transmission des coordonnées des personnels par l’administration aux parents d’élèves. 

Deux amendements adoptés en séance durcissent les peines encourues en cas de violence verbales ou physiques contre les enseignants et les chefs d’établissement. Ces sanctions seraient calquées sur celles qu’encourent les personnes qui s’attaquent aux forces de l’ordre. La ministre a toutefois demandé que ces dispositions soient « retravaillées »  pendant la navette, les estimant trop peu précises. Par exemple, ces dispositions valent pour les chefs d’établissement mais pas pour les directeurs d’école, ce qui ne paraît guère cohérent.

L’article 4, très attendu par les organisations syndicales, permettra que lorsqu’un personnel de l’éducation est victime de violences, de menaces ou d’outrage, l’administration « lui accorde de plein droit et sans délai »  la protection fonctionnelle. Cette protection pourra toutefois être retirée « en cas de faute personnelle imputable à l’agent ». 

Enfin, beaucoup moins attendu par les syndicats des personnels de l’éducation, qui y sont défavorables, un article prévoit de permettre aux chefs d’établissement, adjoints ou CPE de procéder « à la fouille des effets personnels »  d’un élève, « en cas de menace pour l’ordre et la sécurité ». Plusieurs sénateurs ont tenté de s’opposer à cette disposition, arguant que la fouille est « une prérogative des forces de l’ordre ». La ministre elle-même s’est montrée peu enthousiaste sur cet article, disant souhaiter que « les fouilles restent réalisées par les forces de l’ordre, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ». Elle s’en est toutefois remise à la sagesse du Sénat. Il n’est pas certain que cet article, fragile sur le plan juridique, survive à la navette parlementaire. 
Le texte a été adopté à l’unanimité, et la ministre en a « remercié le Sénat », qui a « adressé un message fort aux personnels de l’éducation ». La proposition de loi va être débattue prochainement à l’Assemblée nationale. 

Accéder au texte adopté (petite loi).

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