Suppression de postes, AESH, sécurité à l'école : Élisabeth Borne tente de rassurer les sénateurs et les élus
Par Lucile Bonnin
Le poste de ministre de l’Éducation nationale a vu défiler de nombreuses personnalités politiques ces derniers temps en raison de la situation politique instable du pays. Mais avec le vote du projet de loi de finances 2025, la ministre Élisabeth Borne peut espérer pouvoir durer et ainsi mettre en place des politiques « sur le temps long ».
Elle a d’ailleurs commencé par condamner le fait que ces dernières années, « trop souvent les réformes se sont succédé sans laisser le temps aux enseignants de les assimiler ». Si des chantiers doivent être lancés pour « lever le niveau d’exigence à l’école » et « mieux accompagner les personnels », la ministre explique devant les sénateurs que de son point de vue, une réforme ne doit pas être « dictée par l’urgence » mais qu’elle doit s’installer sur « le temps long ». Cependant, sur certains chantiers prioritaires, une réaction rapide de la part de l’État est attendue.
AESH : un décret vient d’être signé
Le dossier traîne depuis septembre dernier et la situation ne s’arrange pas. À la rentrée 2024, de nombreux élèves se sont retrouvés sans AESH. La pénurie de personnel s’est mêlée à une autre problématique cette année : la loi Vial promulguée en mai 2024, qui impose à l'État de prendre en charge le financement des AESH pendant la pause méridienne, n’a pas été appliquée dans de nombreuses communes (lire Maire info du 18 septembre).
L’AMF a sollicité la ministre de l’Éducation nationale pour que cette situation soit réglée dans les plus brefs délais afin de ne plus faire peser sur les communes une surcharge administrative et financière qui ne relève plus de leur compétence. Elle demande également un remboursement intégral des dépenses engagées depuis la rentrée par les communes au titre de la gestion des contrats et de la rémunération des AESH en lieu et place de l’État.
Présent lors de l’audition de la ministre, le sénateur Cédric Vial, à l’initiative de cette loi, a interpellé la ministre sur le sujet : sur le plan financier, « l’État justifie avec des arguments fallacieux le fait que la loi ne sera pas mise en place sur les territoires » et sur le plan administratif, il fustige une circulaire trop complexe, demandant son abrogation pure et simple.
La ministre de l’Éducation nationale a annoncé qu’elle venait de signer un décret pour permettre de « reprendre » la rémunération des AESH sur la pause méridienne : « Je peux vous assurer qu’on a bien prévu les financements nécessaires pour assurer la prise en charge des AESH sur la pause méridienne et que le décret a vocation à simplifier les choses et non à les compliquer. » Le sénateur Cédric Vial s’est dit toutefois particulièrement surpris par cette méthodologie, loin d’être simple. Sur la compensation des charges engagées par les collectivités territoriales depuis la rentrée en l’absence de financements de l’État, la ministre n’a pas réagi. Espérons que le décret précise ce point.
La ministre a aussi rappelé qu’un « effort inédit a été consenti pour recruter des AESH et améliorer leurs conditions de travail avec 34 000 postes créés depuis 2017 et 2 000 » pour 2025. Elle a annoncé que les « académies vont développer un plan de déploiement des pôles d’appui à la scolarité qui sont expérimentés dans quatre départements depuis la rentrée ».
Revalorisations et prévisions
Sur la « question centrale » de la « revalorisation du métier de professeur », la ministre a dit s’inquiéter du « sentiment de déclassement et d’abandon » qui existe chez les professeurs. « Nous devons regarder en face les réalités du métier » et « engager une réforme ambitieuse de la formation des professeurs et reprendre la concertation sur le recrutement dès la fin de la licence 3 avec deux années de professionnalisation ». Elle a précisé vouloir aussi « redynamiser les parcours en milieu de carrière pour offrir des perspectives » aux personnels.
La ministre s’est au passage félicitée du maintien des 4 000 postes de professeurs qui devaient être supprimés, comme prévu dans le budget 2025 proposé par l’ex-Premier ministre Michel Barnier. « Le gouvernement est complètement revenu sur cette suppression, a-t-elle déclaré. Ce maintien intervient dans un contexte où il y a une poursuite de la baisse démographique mais pour autant les moyens dont on peut disposer me paraissent essentiels pour mener des politiques comme la question des brigades de remplacement, aussi en complètement des groupes de besoin et avancer sur l’école inclusive ». Toutefois, 470 suppressions de postes d’enseignant sont confirmées, dont une centaine à Paris.
Enfin la ministre a précisé que si le taux d’encadrement va progresser, cela « ne veut pas dire qu’on fige la carte scolaire ». La ministre estime aussi que « l'observatoire des dynamiques rurales, c'est quelque chose qui est fondamental et qu'il faut préserver » pour donner une vision pluriannuelle et « pouvoir, dans les territoires où il y a une déprise démographique importante, (…) anticiper pour réfléchir à des organisations que les collectivités veulent mettre en œuvre que ce soit des RPI (Regroupement pédagogique intercommunal) ou des territoires éducatifs ruraux. Il faut réfléchir à l’organisation dans l’intérêt des élèves dont certains font déjà de longs trajets. »
Cette question de la carte scolaire et des fermetures de classe en milieu rural comme dans certaines villes préoccupe grandement les maires, dans la perspective de la rentrée 2025, et le président de l’AMF a décidé de saisir la ministre Élisabeth Borne à la suite de la réunion des commissions Éducation et territoires ruraux ainsi que des présidents d’associations départementales. Maire info reviendra sur ce sujet dans une prochaine édition.
Proposition de loi Lafon
La présence de la ministre au Sénat a aussi été l’occasion d’évoquer la proposition de loi déposée par le sénateur Laurent Lafon le 10 janvier dernier « visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent ». Ce texte vise à permettre à l'Éducation nationale de déposer plainte à la place d'un personnel menacé. Il sera discuté le 6 mars prochain en séance publique.
La ministre a apporté son soutien à cette proposition de loi, estimant qu’élever le niveau d’exigence à l’école ne peut se faire sans restaurer l’autorité à l’école. Elle a également annoncé que l’État allait investir pour protéger les professeurs, mais aussi pour « sécuriser l’école », lutter contre le harcèlement, protéger la laïcité, et renforcer les moyens alloués aux CPE et assistants d’éducation. Reste à passer de la parole aux actes.
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