Mixité sociale à l'école : service minimal loin du grand plan attendu
Par Sophie Laubie et Anne-Sophie Morel
Pap Ndiaye n'a finalement pas annoncé le grand plan attendu pour renforcer la mixité sociale et scolaire à l'école: le ministre de l'Education s'est contenté jeudi de donner des objectifs généraux aux recteurs, laissant deviner un manque de soutien politique sur ce sujet. Le ministre de l’Education avait dit à plusieurs reprises vouloir faire du renforcement de la mixité sociale et scolaire l'une des priorités de son action.
Pap Ndiaye avait évoqué plusieurs leviers: la création de « sections d'excellence » , comme les sections internationales, dans des territoires défavorisés, la création de binômes de collèges « proches géographiquement mais très contrastés socialement », ou encore la participation de l'enseignement privé sous contrat (essentiellement catholique) à cet effort.
Les annonces sur ce sujet, attendues depuis novembre, avaient été repoussées à plusieurs reprises. Elles ne concernent à ce stade que l'enseignement public. Le protocole avec l'enseignement catholique, qui vise à augmenter la proportion de boursiers dans ses établissements financés à 75% par l'État, sera signé dans un deuxième temps, probablement le 17 mai, a-t-on indiqué au ministère.
Mais le secrétaire général de l'Enseignement catholique, Philippe Delorme, a déjà prévenu: « nous n'accepterons ni quotas, ni rattachement à la carte scolaire, ni affectation obligatoire des élèves », a-t-il martelé jeudi dans un entretien à Libération.
Au final, Pap Ndiaye, qui a réuni ce jeudi matin l'ensemble des recteurs d'académies, leur a fixé « comme objectifs d’accroître la mixité sociale dans les établissements publics en réduisant les différences de recrutement social entre établissements de 20 % d’ici à 2027 », a indiqué le ministère jeudi après-midi dans une déclaration communiquée aux journalistes sur Whatsapp, sans plus de précisions.
Le ministre a rappelé aux recteurs « les différents leviers à leur disposition », ajoute le texte. Il leur a également « demandé de créer avant l’été une instance académique de dialogue, de concertation et de pilotage de la mixité » , associant collectivités territoriales, représentants des établissements et des parents d’élèves, « pour partager les constats et préparer les actions adaptées à chaque territoire ».
Enfin, il leur « a donné rendez-vous » avant la « fin de l’année 2023, pour partager les feuilles de route académiques et la trajectoire nationale ».
« Intentions sacrifiées »
Ces conclusions vagues, appelant à un rendez-vous ultérieur, sont décevantes pour les syndicats, qui ne s'attendaient toutefois pas à une révolution.
« Nous ne sommes pas du tout surpris par cette montagne qui accouche d’une petite souris » , a réagi auprès de l'AFP Jean-Rémi Girard, président du Snalc (collèges et lycées). « Dès le début, on savait que ce dossier de la mixité sociale était de la communication à 90 % » , a-t-il ajouté. « On sait que c'est très compliqué de toucher à la mixité sociale à l’école ».
« Le fait que ce soit un simple communiqué montre que ça manque de souffle, de vision politique. On est déçus, car sur la mixité sociale et scolaire, il y a un vrai sujet » , a souligné Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire.
« Les bonnes intentions ont été sacrifiées sur l'autel de la réalité politique et peut-être même des calculs politiques » , a-t-elle poursuivi, estimant que « le problème de Pap Ndiaye, c'est Emmanuel Macron, car c'est lui qui s'érige en ministre ».
Pour elle, « sur la question du privé, on peut se demander si ce n'est pas l'Elysée qui a appuyé sur le frein au regard de la levée de boucliers du côté des Républicains ». Pap Ndiaye est en effet apparu peu soutenu sur la mixité sociale et scolaire par Emmanuel Macron, qui n'a quasiment jamais abordé ce sujet. Il ne l'avait notamment pas évoqué lors d'un déplacement dans l'Hérault fin avril consacré à l'éducation.
Nombre de ténors de la droite, dont le président des Républicains Eric Ciotti, sont par ailleurs montés au créneau ces dernières semaines pour défendre l'école privée, un marqueur de la droite qui s'était massivement mobilisée en 1984 contre le projet de la gauche de créer un « grand service public » de l'Education nationale.
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) avait demandé fin avril à Emmanuel Macron de ne pas « rallumer la guerre scolaire ».
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