Maire-info
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Édition du mercredi 17 décembre 2025
Ecole

Le Sénat demande une nouvelle méthode d'élaboration de la carte scolaire, concertée avec les élus

Le Sénat a rendu public, la semaine dernière, un riche rapport sur « la compétence scolaire des collectivités territoriales ». Il appelle à sortir de « la logique arithmétique » et de « la méthode du couperet » en matière d'élaboration de la carte scolaire.

Par Franck Lemarc

Seule la synthèse du rapport est actuellement disponible sur le site du Sénat, le rapport lui-même étant en cours de publication. Mais les réflexions de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat sur la carte scolaire vont, indéniablement, dans le sens de ce que réclame l’AMF depuis bien des années.

« Repenser l’organisation scolaire » 

Les sénateurs partent du principe que depuis trop longtemps, l’élaboration de la carte scolaire se fait « sans véritable concertation »  et « s’impose »  aussi bien aux élus qu’aux enseignants et aux parents. C’est ce qu’ils appellent « la méthode du couperet » : le ministère prend des décisions à l’échelle nationale, et les Dasen (directeurs académiques des services de l’Éducation nationale) les appliquent sur le terrain, annonçant brutalement fermetures d’écoles ou de classes.

Les sénateurs appellent à remplacer cette façon d’agir par une approche s’appuyant sur des critères plus « qualitatifs »  qu’arithmétiques et donnant plus de visibilité aux acteurs.

En effet, s’il ne s’agit pas de nier la baisse de la démographie scolaire (il y aura environ un million d’élèves de moins en 2029 qu’en 2017), cette réalité n’est pas obligatoirement synonyme de fermetures de classes ou d’écoles : elle pourrait, selon le Sénat, être « l’occasion de repenser l’organisation scolaire au service d’une plus grande proximité éducative et d’une qualité renforcée de l’offre éducative ».

« Décisions brutales » 

Les sénateurs constatent que les fermetures d’écoles sont plus fréquentes, ces dernières années, dans le monde rural que la moyenne nationale. Dans les petites communes en effet, la fermeture d’une classe « est susceptible de précipiter la disparition de l’établissement dans son ensemble ».

La première recommandation du Sénat, face à cette situation, est de mettre en œuvre une programmation pluriannuelle. Comme c’est déjà le cas pour le budget des forces de l’ordre, de la justice ou des armées, il serait de bon sens de programmer les dépenses du ministère de l’Éducation nationale sur plusieurs années, en tenant compte des projections de l’Insee en matière démographique. Le Sénat propose une loi de programmation « sur six ans », « fixant la stratégie nationale en emplois, ouvertures et fermetures de classes ou d’écoles ».

Par ailleurs, rappelant que l’AMF s’est émue en 2024 « de décisions brutales, sans concertation, de fermetures de classes et d’écoles sur l’ensemble du territoire », et ce alors que le président Macron avait promis, en 2019, qu’aucune école ne serait fermée sans l’accord du maire, les sénateurs esquissent des solutions pratiques. Parmi elles, la suppression de « l’écart entre les seuils d’ouverture et de fermeture de classes, afin qu’une école ayant subi une fermeture de classe puisse en obtenir la réouverture lorsque ses effectifs retrouvent leur niveau antérieur ».

Par ailleurs, les sénateurs critiquent une application trop rigide du taux P/E (taux d’encadrement, soit le nombre de postes d’enseignants pour 100 élèves). Ce ratio « ne reflète pas la diversité des situations territoriales ». Et, de surcroît, il « ne comptabilise pas systématiquement les enfants de moins de trois ans », comme l’exige pourtant la loi.

Une approche territorialisée

Les sénateurs constatent que l’approche « uniforme »  et « mathématique »  qui est celle du ministère « conduit à des décisions inadaptées aux réalités locales ». Ils appellent donc à sortir de « la méthode Excel »  et de mettre en œuvre « une carte scolaire concertée ». Les Conseils départementaux de l’Éducation nationale (CDEN), où siègent les élus locaux, ne sont trop souvent que des « chambres d’enregistrement »  plutôt que le lieu de la concertation nécessaire.

Ils prônent donc l’élaboration, après une vaste concertation, d’une carte scolaire non pour un an mais pour trois ans, afin de donner aux élus « davantage de prévisibilité ». Il s’agirait d’établir « des conventions triennales », où l’État s’engagerait sur les ouvertures et fermetures de classe, « en contrepartie d’un engagement des acteurs locaux sur une réflexion sur l’organisation du tissu scolaire ». Dans les très petites communes et les communes du réseau FRR, « les fermetures de classe seraient neutralisées pendant les deux premières années du conventionnement ». Cette proposition reprend en fait le principe des « conventions de ruralité »  introduites à titre expérimental en 2014 mais qui, « en dépit du dynamisme des élus locaux », n’a pas été pérennisé.

Les rapporteurs proposent aussi d’élaborer de nouveaux critères « complémentaires au ratio P/E », plus qualitatifs que quantitatifs : proportion de classes multiniveaux, temps de transport des écoliers, rôle de l’école dans la vitalité locale, part d’élèves allophones ou à besoins particuliers, projets urbanistiques de la commune… Autant de critères qui devraient entrer en ligne de compte avant toute décision de fermeture de classes, selon les sénateurs – ce qui paraît du bon sens.

Pour sa part, l’AMF, auditionnée dans le cadre de cette mission parlementaire, s’est félicitée de la prise en compte de sa démarche visant à poser une méthode de concertation avec les maires sur la construction de la carte scolaire, comme le prévoit le protocole d’accord qu’elle signé avec le ministère de l’Éducation nationale le 8 avril 2025. Elle considère toutefois qu’il est  nécessaire de laisser le temps de la mise en place de cette nouvelle méthode de concertation, axée notamment sur une prévisibilité à trois ans des mesures de carte scolaire, puis d’une véritable évaluation, avant de légiférer.

Il reste à savoir l’accueil que le gouvernement réservera à ces propositions. L’occasion pour le Premier ministre, qui se dit chaud partisan de la décentralisation et de la différenciation, de mettre ces principes en œuvre, avec les élus locaux.

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