Le gouvernement ne s'oppose pas à la prise en charge des AESH par l'État pendant la pause méridienne
Par Franck Lemarc
C’est une nouvelle qui réjouira à la fois les AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap), les maires et les familles d’enfants en situation de handicap : les sénateurs, à l’unanimité, ont adopté la proposition de loi du sénateur Cédric Vial sur la rémunération des AESH pendant la pause méridienne. Si ce texte est adopté, par la suite, par l’Assemblée nationale, il débloquera une situation ubuesque provoquée par une décision de 2020 du Conseil d’État.
Situation ubuesque
Comme le détaillait Maire info dans son édition du 18 janvier, le Conseil d’État a en effet décidé, le 20 novembre 2020, qu’il ne revient pas à l’État (à l’Éducation nationale plus précisément) de prendre en charge les AESH en dehors du strict temps scolaire. Autrement dit, ceux-ci sont rémunérés par l’Éducation nationale pendant le temps scolaire, mais doivent l’être par les collectivités locales pendant la pause méridienne, si l’enfant a besoin d’assistance à la cantine, par exemple, dans le cadre d’une convention de mise à disposition.
Cette décision a eu des conséquences en cascade. Les AESH se sont retrouvés contraints d’avoir deux employeurs dans la même journée, les collectivités ont dû faire face à une charge financière importante, et les familles ont été mises en difficulté, notamment dans les écoles privées sous contrat d’association. En effet, dans le privé, les fonds perçus par les communes au titre du forfait scolaire ne peuvent servir à couvrir des dépenses pendant le temps périscolaire. Les écoles privées, pour payer les AESH, n’avaient donc pas d’autres choix que de faire payer le service aux familles concernées.
L’AMF a, depuis longtemps, bataillé sur le sujet, obtenant notamment du gouvernement qu’il rappelle, à titre de solution d’urgence, la possibilité de mise à disposition de la commune de l’AESH employé par l’Éducation nationale, après signature d’une convention, et demande aux recteurs de répondre aux demandes des communes sur ce sujet (note aux recteurs du 4 janvier 20203). Mais cette solution ne réglait pas la question du financement. L’AMF a donc continué de demander la prise en charge directe des AESH par l’État durant la pause méridienne, ce qui semble d’autant plus logique que l’État est responsable de l’inclusion scolaire.
« Bienveillance » gouvernementale
C’est l’objet de la proposition de loi du sénateur Cédric Vial. Ce texte très bref propose de modifier le Code de l’éducation pour y inscrire que l’État est responsable « de la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne », et que les AESH « sont rémunérés par l’État » sur le temps de pause méridienne.
Ce texte, comme il était apparu pendant le débat en commission, bénéficiait d’un soutien unanime de tous les groupes politiques. Il restait à savoir quel accueil lui serait réservé par le gouvernement.
La bonne surprise est venue en début de séance, hier, au Sénat. Certes, les sénateurs auraient aimé débattre de cette question avec la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéa, qui n’était pas présente, et beaucoup l’ont fait savoir, mais ce n’est pas l’essentiel : le gouvernement, représenté par la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, a été clair. « Monsieur Vial, votre proposition de loi, simple, règle des problèmes complexes. (…) Elle apporte de la visibilité. Le service public ne peut se faire en pointillé. (…) Le gouvernement adopte sur ce texte une position de sagesse très bienveillante. »
Les sénateurs se sont succédé à la tribune pour dire leur soutien à ce texte – beaucoup notant néanmoins qu’il doit ne s’agir que « d’un premier pas », l’école inclusive nécessitant « une réflexion plus globale » et devant « être prise à bras-le-corps ». D’autres ont égratigné au passage la volonté du gouvernement de fusionner les AESH et les AED (assistants d’éducation) – lire Maire info du 21 septembre 2023.
Le texte lui-même n’a pas suscité de discussion. Un seul amendement a été proposé, visant à préciser que lorsqu’ils travaillent pendant la pause méridienne, les AESH doivent « disposer d’aménagements particuliers afin qu’ils puissent bénéficier d’un temps de repos ». Précision inutile, selon la rapporteure Anne Vantalon, puisque « avec le transfert de la compétence à l'État, il y aura un contrat unique et un employeur unique. Le Code du travail s'appliquera : un temps de pause dès lors que le temps de travail atteint six heures. »
Le texte a été adopté à l’unanimité. La position défendue par la ministre laisse espérer une même « bienveillance » de la majorité lors du débat à l’Assemblée nationale, dont on ne peut qu’espérer qu’il aura lieu au plus vite.
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