La non-scolarisation de certains enfants en France ne doit plus être invisibilisée, juge la CNCDH
Par Lucile Bonnin
En France, « la scolarité est obligatoire de 3 à 16 ans, prolongée par l’obligation de la formation de 16 à 18 ans ». Pourtant, « les statistiques officielles de l’Éducation nationale et de l’Insee ne font pas état de la situation de non-scolarisation totale ou partielle, ni des phénomènes d’abandon scolaire. »
Si la problématique est invisible et souffre d’un manque de prise en considération au niveau politique actuellement, selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), nombre d'enfants ne sont effectivement « pas scolarisés et ce, en violation des dispositions prévues par le droit international, européen et français. »
« Qu'ils soient mineurs exclus, isolés, enfermés, Roms, Gens du voyage, en situation de très grande pauvreté vivant en lieux de vie informels ou hôtels sociaux, originaires de territoires ultramarins, qu'ils soient malades, porteurs de handicap, en décrochage… », le parcours scolaire de nombreux enfants est aujourd’hui chaotique voire inexistant.
C’est dans ce cadre que la CNCDH s’est saisi du sujet et publie sa première synthèse sur la question de la non-scolarisation. Elle appelle à « mettre en place une politique nationale de lutte contre toutes les formes de non-scolarisation ».
Prendre en compte les vulnérabilités des enfants
« Les enfants qui souffrent de non-scolarisation sont nombreux et présentent des profils divers », indiquent les auteurs de l’avis. Ils ont tous en commun d’être « des enfants aux profils vulnérables » dont la situation rend difficile voire impossible l’accès à l’école.
Si l’on prend le cas des enfants vivant en situation de grande précarité (notamment dans la rue, en bidonvilles, squats et hôtels sociaux…), la CNCDH constate qu’il existe encore des « obstacles à l’inscription des enfants par certaines mairies ou d’admission dans l’école : les jeunes vivant en bidonvilles et en squat, notamment les enfants roms, sont particulièrement touchés par ce phénomène d’inscription et/ou d’admission difficile ».
Une autre situation constatée fréquemment concerne les mineurs non accompagnés (MNA) : « En moyenne, les jeunes attendent de deux à six mois entre leur arrivée en France et leur scolarisation, et ce lorsque leur minorité est reconnue. » En cas de non-reconnaissance de leur minorité, l’attente peut être beaucoup plus longue notamment car « l’évaluation du niveau de langue est un prérequis à l’affectation scolaire (...) et la plupart du temps les rectorats n’évaluent pas le niveau de langue et le niveau d’apprentissage du jeune tant qu’une décision officielle n’a pas été rendue. » Plus largement, pour les élèves allophones, « on déplore un manque de structures permettant de les accueillir ».
Les enfants vivant en territoires isolés, notamment en Guyane et à Mayotte doivent aussi faire face à des difficultés plurielles. « On déplore un manque d’établissements scolaires, d’internats et d’enseignants, peut-on lire dans l’avis. À cela s’ajoutent des difficultés liées au défaut de transport et à des conditions de vie dégradées en termes de logement, de santé, d’alimentation…. De manière globale, un manque de moyens humains et matériels rend impossible la scolarisation de tous les enfants. »
Concernant les enfants en situation de handicap (qu’ils bénéficient ou non d'une reconnaissance de leur handicap) et les enfants malades, la CNCDH recense des situations de rupture scolaire qui pourraient être évitées et des moyens humains, matériels et financiers qui ne permettent pas toujours qu’ils bénéficient d’un accompagnement adapté.
Politique nationale de lutte contre la non-scolarisation
Il est rappelé dans cet avis que ces exemples sont « loin d’être exhaustifs » mais « sont révélateurs d’une carence dans la continuité des enseignements pour chaque enfant ». Ils montrent aussi « la complexité des dispositifs, souvent mal connus des familles. Ils reflètent aussi les difficultés d’articulation entre les différents acteurs » Ces cas particuliers « soulignent également de fortes disparités territoriales et sociales. Des politiques nationales dédiées à la lutte contre la non-scolarisation et des efforts des collectivités territoriales représentent donc des enjeux prééminents en matière de scolarisation en s’assurant d’approches cohérentes, structurantes et contenantes ».
La CNCDH recommande donc avant tout de « prendre en compte l’ensemble des besoins des élèves pour permettre leur scolarisation dans la durée ». Les auteurs de l’avis appellent notamment à renforcer la politique d’inclusion scolaire pour les enfants handicapés et à « s’assurer que les conditions de vie n’entravent par la scolarisation des jeunes ».
La CNCH insiste surtout sur la nécessité pour la France d’impulser une politique globale de lutte contre la non-scolarisation et sur l’urgence de mettre en œuvre un observatoire national de la non-scolarisation, pour disposer d’indicateurs permettant de quantifier et qualifier objectivement la non-scolarisation en France sur la base d’un diagnostic partagé.
Sur son compte X, l’Unicef, qui a contribué à cet avis, souligne « l’intérêt de favoriser les approches partenariales en matière de scolarisation au niveau local, notamment pour faire connaitre les dispositifs existants, et de poursuivre la politique de développement de la médiation scolaire. »
Certaines politiques vont dans le bon sens. Par exemple, l'AMF, la Dihal et l’Association nationale des directeurs et des cadres de l’éducation des villes et des collectivités territoriales (ANDEV) ont diffusé à toutes les mairies le livret Atout’scol qui explique les droits et devoirs des communes liés à la scolarisation des jeunes. Le Pacte national des solidarités prévoit également un doublement du nombre de médiateurs scolaires travaillant sur bidonvilles et squats à l’horizon 2027 (passant de 40 à 80). Il apparait aujourd’hui essentiel de faire plus pour garantir l’accès à l’école à tous les enfants sur le territoire national.
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