Maire-info
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Édition du jeudi 12 septembre 2024
Ecole

Fermetures d'écoles, relèvement des effectifs par classe en REP : les mesures choc proposées par l'Inspection générale des finances 

Dans un rapport publié il y a quelques jours, l'Inspection générale des finances s'interroge sur les dépenses de l'Éducation nationale et prône, sans surprise, des économies. Elle propose notamment de réfléchir à la fin du dédoublement des classes dans les zones REP, voire à des centaines de fermetures d'écoles. 

Par Franck Lemarc

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C’est un nouvel élément de la « revue de dépenses »  commandée en début d'année par le gouvernement : l’Inspection générale des finances a été chargée de réfléchir à des pistes d’économies budgétaires dans des domaines variés, allant des arrêts maladie (lire Maire info du 9 septembre) à l’apprentissage en passant par les aides aux entreprises ou les filières de responsabilité élargie du producteur. Ces rapports ont été remis au gouvernement au printemps dernier, mais n’ont été rendus publics, sur le site de l’IGF, que la semaine dernière.  

« Réduction des moyens d’enseignement » 

L’un des rapports concerne « les dispositifs en faveur de la jeunesse »  . Il ne traite donc pas seulement de la question scolaire mais également des dispositifs tels que le Pass culture, les repas à un euro proposés par le Crous, le plan « 1 jeune 1 solution » . Mais c’est bien la partie consacrée à l’école qui fera le plus débat, car les rapporteurs, à la demande du gouvernement, ont étudié des scénarios qui pourraient avoir des conséquences importantes, si les propositions étaient retenues par le prochain gouvernement.

Le postulat de la mission est clair : les évolutions démographiques en cours – à la baisse – ne sont « pas suffisamment prises en compte »  dans les dispositifs mis en œuvre par le ministère de l’Éducation nationale. En d’autres termes, les moyens de l’Éducation nationale augmentent, alors que les effectifs d’élèves diminuent. Il y a donc, selon l’Inspection générale des finances, des économies importantes à réaliser : « Les perspectives démographiques à court et moyen terme peuvent (…) justifier une réduction des moyens d’enseignement nécessaires, à politique éducative constante » . Le rapport propose donc plusieurs pistes « d’optimisation de la répartition des moyens d’enseignement sur le territoire ». Deux des solutions proposées interpelleront particulièrement les maires : le relèvement du seuil de dédoublement des classes en zones REP et REP+, et la fermeture de presque 2 000 écoles notamment en zone rurale. 

Baisse des effectifs scolaires

Les rapporteurs constatent tout d’abord que les dépenses d’éducation par élève ont progressé de 9 % entre 2017 et 2022 : l’État a augmenté ses dépenses en la matière de presque 16 milliards d’euros entre 2015 et 2022, et les collectivités locales de 5,7 milliards. La revalorisation du salaire des personnels tient une bonne place dans l’augmentation de ces dépenses (4 milliards d’euros). Quant au dédoublement des classes de grande section de maternelle, CP et CE1 dans les zones REP et REP, son coût est estimé à quelque 800 millions d’euros en année pleine. 

Les inspecteurs mettent en parallèle ces dépenses en hausse avec la diminution du nombre d’élèves, du fait d’une démographie en baisse : entre 2017 et 2023, « les effectifs dans le premier degré ont diminué de 404 000 élèves »  (220 000 en pré-élementaire et 184 000 en primaire). Dans le même temps, les effectifs du second degré ont augmenté de 54 000 élèves. 

La diminution du nombre de naissances, tendancielle depuis plusieurs années, conduit à une décroissance progressive de la taille des générations : une génération (soit le nombre d’enfants nés pendant une année), représentait, en 2013, 811 500 individus. Mais seulement 742 100 en 2021. 

Selon les projections, cette tendance va se poursuivre dans les années à venir : le ministère de l’Éducation nationale prévoit que les effectifs d’élèves du premier degré (6,28 millions en 2024) pourraient tomber sous la barre des 6 millions en 2028. « Au total, entre les rentrées 2022 et 2028, les effectifs scolaires devraient diminuer d’environ 556 000 élèves ». 

Près de 2 000 fermetures d’écoles ?

Dans ce contexte, les inspecteurs déplorent que la baisse démographique soit insuffisamment prise en compte dans le budget de l’Éducation nationale – qui a pourtant planifié une diminution de presque 15 000 équivalents temps plein dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Mais dans la réalité, la mise en œuvre de mesures nouvelles (dédoublement des classes, décharge des directeurs d’école, accueil en très petite section dans les QPV…) a en partie annulé ces gains. 

D’où la proposition des rapporteurs de travailler à « une nouvelle répartition des moyens »  permettant de réaliser d’importantes économies budgétaires. 

Les inspecteurs ont travaillé sur trois scénarios. Première hypothèse : « Rechercher une meilleure adéquation du nombre de classes au nombre d’élèves au sein de chaque école et de chaque établissement dès lors qu’ils appartiennent à une catégorie de caractéristiques comparables » . Il s’agirait alors de fermer des classes « au sein d’un même établissement » , en répartissant donc les élèves concernés dans d’autres classes. 

Deuxième scénario : le relèvement du seuil de dédoublement des classes en REP et REP+. Actuellement, dans ces secteurs, les classes sont dédoublées de façon à assurer un effectif de 12 élèves pour un professeur. La mission a étudié plusieurs hypothèses, avec un passage à 13, 14, 15, 16 et 17 élèves. Ce qui conduirait, selon les cas, à la fermeture de 117 à 2 359 classes.

Enfin, le troisième scénario s’appuie sur une « adaptation du maillage territorial des écoles ». C’est le scénario qui semble le plus brutal, puisqu’il se traduirait par la fermeture non de classes, mais d’écoles : il s’agirait d’identifier les écoles dont l’ensemble des élèves « pourrait être accueilli dans une école du même secteur à moins de 20 mn de temps de trajet en voiture ». Selon les savants calculs de l’inspection, cette mesure permettrait de fermer 1925 écoles et de supprimer près de 5 000 postes en équivalent temps plein. 

Qu’adviendra-t-il de ces propositions ? Au moment où l’État, selon Bercy, devrait réaliser une centaine de milliards d’euros d’économies budgétaires pour rentrer dans les clous en matière de déficit d’ici 2027, il est hélas probable que ces hypothèses puissent intéresser le prochain gouvernement. Reste qu’elles ont un coût social et politique élevé, dans la mesure où elles frapperaient essentiellement les populations les plus défavorisées – dans les quartiers politique de la ville et dans la ruralité. Sans parler du volet écologique et des enjeux d’aménagement équilibré du territoire, manifestement peu pris en compte lorsque le rapport suggère d’envoyer les élèves dans des écoles situées à « 20 minutes de voiture ». 

Quant aux maires, qui ne peuvent envisager que d’un très mauvais œil la fermeture de presque 2 000 écoles ou la remise en cause du dédoublement des classes, la mission n’a même pas pris la peine de les interroger : dans la longue liste  des « personnes rencontrées »  qui figure à la fin du rapport, on ne trouve pas le moindre représentant d’une association d’élus. 

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