Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 3 mars 2015
Eau et assainissement

Le Sénat limite les possibilités de coupure d'eau aux seuls « mauvais payeurs »

C’est un amendement qui est passé un peu inaperçu dans le maelstrom de la discussion au Sénat sur le projet de loi de transition énergétique, mais il fait couler beaucoup d’encre aujourd’hui : le 19 février, les sénateurs ont adopté un amendement du sénateur du Val-de-Marne Christian Cambon – soutenu par le gouvernement – modifiant les règles en matière de coupures d’eau.
Celles-ci ont en effet été de fait fortement restreintes par la loi du 15 avril 2013 – la loi Brottes : comme l’écrit le sénateur Cambon, cette loi a conduit « in fine à interdire les coupures d'eau toute l'année pour l'ensemble des résidences principales, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) ». Il ne serait donc plus possible, selon le sénateur, de faire une différence de traitement entre les ménages réellement en difficulté et les « mauvais payeurs », « ce qui pourrait encourager les comportements non citoyens ».
Christian Cambon précise qu’en Grande-Bretagne, où une telle mesure a été prise en 1999, le nombre d’impayés a été multiplié par cinq, ce qui a abouti à une hausse du prix du service de l’eau « de l’ordre de 3 % ».
L’amendement adopté revient sur l’interdiction générale de couper l’eau en cas d’impayés, et restreint cette interdiction aux seuls cas de familles en difficultés financières.
Cette disposition a aussitôt soulevé l’indignation des associations de défense des consommateurs et des plus démunis, rappelant que le droit à l’eau est considéré depuis 2010 comme un droit fondamental de l’homme par les Nations unies. De plus, les associations soulignent que des coupures d’eau sont d’ores et déjà effectuées par des distributeurs d’eau, sans se préoccuper de la situation de précarité des personnes concernées, comme plusieurs tribunaux l’ont reconnu l’an dernier. La CLCV notamment (association de défense des consommateurs et des usagers) a écrit à la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, pour lui demander que le gouvernement soutienne le retrait de cette disposition lors de la suite de la discussion.
La Fédération nationale des communes concédantes et régies (FNCCR), quant à elle, a pris une position nettement plus nuancée suite au vote de cet amendement : elle a « salué une clarification du droit », en notant que si cette disposition « garantit la continuité de l’accès à l’eau potable pour les abonnés en situation de précarité qui n‘ont pas les moyens de payer les factures », en revanche, elle permet « de pouvoir sanctionner un usager de mauvaise foi qui omet de régler sa facture d’eau alors qu’il en a les moyens ».
La FNCCR regrette néanmoins les « erreurs »  commises ces derniers mois et « sanctionnées par les tribunaux », des distributeurs « ayant procédé à des coupures sans s’être suffisamment renseignés sur la situation sociale des abonnés concernés ».
Cet amendement, comme le reste du projet de loi sur la transition énergétique, sera discuté le 10 mars dans le cadre d’une commission mixte paritaire Assemblée/Sénat.

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