Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 14 mars 2025
Eau et assainissement

Gestion de l'eau : la fin du transfert obligatoire votée par les députés, bientôt une adoption définitive

Les versions du texte adopté par les députés et les sénateurs étant différentes, la proposition de loi assouplissant la gestion de l'eau doit désormais passer en CMP ou en seconde lecture pour que les parlementaires valident définitivement la suppression du transfert obligatoire aux intercommunalités en 2026.

Par A.W.

[Article modifié à 15 h avec nouvelles précisions sur la CMP.]

Il faudra encore attendre un peu, mais l’issue ne fait désormais guère de doute. La fin du transfert obligatoire de la gestion de l’eau aux intercommunalités en 2026 a été confirmée, hier, par l’Assemblée. Sans surprise, les députés ont adopté, très largement (113 voix contre 3), la proposition de loi supprimant cette obligation datant de la loi Notre, et combattue depuis une dizaine d'années par les maires. 

Déjà adopté au Sénat en octobre, mais dans une version différente, le texte voté hier à l’Assemblée devait normalement passer en commission mixte paritaire (CMP) afin que députés et sénateurs s’accordent sur un texte commun et actent définitivement la suppression du transfert obligatoire - mesure phare de la proposition de loi sur laquelle ils sont d’ores et déjà d’accord. Mais une autre option semble se dessiner : pour aller plus rapidement, une seconde lecture pourrait avoir lieu au Sénat, au lieu d'une CMP, comme les textes le permettent. Avantage, si cette seconde lecture au Sénat donne lieu à un vote conforme, le texte sera directement adopté. Alors qu'en cas de CMP même conclusive, une nouvelle lecture est encore nécessaire devant chaque chambre. Selon nos informations, c'est bien l'option d'une nouvelle lecture au Sénat qui tient la corde.   

« Une proposition de loi de liberté » 

Promise l’an passé par l’ancien Premier ministre Michel Barnier, au détour d’une question au gouvernement, cette initiative avait été retenue par François Bayrou qui l’a reprise à son compte. 

« Le gouvernement a bien entendu et compris la demande d’adaptation réaliste et pragmatique dans la gestion de la ressource, exprimée au niveau local », a ainsi défendu la ministre déléguée chargée de la Ruralité, Françoise Gatel, en souhaitant concilier « la pérennisation des transferts d’ores et déjà achevés et la souplesse de gestion nécessaire dans les territoires qui sont, en quelque sorte, empêchés ».

« Le message que je vous propose d'envoyer au monde rural et aux élus de notre pays, c'est : "Nous vous faisons confiance, vous vivez sur votre territoire, vous êtes les mieux à même de savoir comment la géographie, les usages, les habitudes de la population commandent de s'organiser" », a lancé, hier, dans l’hémicycle, le rapporteur du texte, Jean-Luc Warsmann (Liot), estimant qu’« apporter à chacun de nos concitoyens de l’eau en qualité et en quantité suffisante [est] l’une des plus belles compétences que doivent exercer les collectivités publiques dans notre pays ».

Rappelant que « le territoire administratif d’une communauté de communes ne coïncide pas toujours avec le territoire où se posent les problèmes d’eau », le député des Ardennes a notamment expliqué que « le transfert supposerait, pour de nombreux territoires, une organisation moins agile et plus coûteuse ».

Jean-Luc Warsmann a donc vanté « une proposition de loi de liberté »  qui permettra aux communes de « trouver le système garantissant le meilleur rapport qualité-prix de l’eau vendue à leurs administrés ».

Trois possibilités

Si le texte met donc fin à l’obligation de transfert des deux compétences de gestion de l'eau et de l'assainissement vers les communautés de communes, il ne le propose seulement que pour les communes qui ne les ont pas encore transférées. Aucun retour en arrière ne serait ainsi possible pour celles qui ont déjà procédé au transfert, soit « environ un tiers des communautés »  de communes recensées en France. 

Si les députés LFI et RN ont bien tenté de faire approuver la possibilité pour certaines de ces communes de faire marche arrière afin de récupérer leurs compétences, ils n’y sont pas parvenus.

Une commune n’ayant donc pas transféré la gestion de l’eau et de l’assainissement à sa communauté de communes au 1er janvier 2026 disposerait ainsi de « trois possibilités » : « conserver la compétence à l’échelle municipale, la déléguer à un syndicat intercommunal […] ou la transférer à la communauté de communes », a détaillé la ministre déléguée chargée de la Ruralité, rappelant que « 3 600 communes »  exercent encore seules les compétences eau et assainissement.

De son côté, le député Sacha Houlié (non inscrit, ex-LREM) a défendu en vain un amendement afin limiter le texte aux seules communes de montagne (les bassins versants la justifiant, selon lui), soutenant que la mutualisation de ces deux compétences est plus efficace et donc plus protectrice de la ressource. « Le pays [n’est pas] intégralement concerné par la restitution des compétences eau et assainissement aux communes », a-t-il ainsi fait valoir, pointant « une grave erreur que le législateur paiera et dont il sera comptable face aux générations futures, confrontées au changement climatique ».

Solidarité en cas de pénurie d’eau

Au regard des délais très serrés, plusieurs députés ont réclamé une convocation de la commission mixte paritaire « le plus rapidement possible »  afin de disposer « au plus vite d’une version définitive du texte ». « Il donnera enfin de la visibilité et de la clarté à tous les élus de notre pays », a notamment souligné Jean-Luc Warsmann.

Afin de se mettre d’accord sur un texte commun, députés et sénateurs devraient surtout discuter de la dizaine d’amendements votée en commission par l’Assemblée. 

Parmi eux, on peut citer la création de syndicats « infracommunautaires »  en matière d’eau et d’assainissement, ainsi que le rétablissement de la « sécabilité »  de la compétence assainissement, c’est-à-dire de pouvoir faire un choix différent, en matière de transfert, pour l’assainissement collectif et non collectif – proposition notamment soulevée par l’AMF afin de tenir compte de l’exercice du Spanc (service public de l'assainissement non collectif) par de nombreuses communautés de communes. 

Autre mesure approuvée en commission : la possibilité « d’organiser la solidarité territoriale en cas de pénurie d’eau dans une commune »  voisine. Lors d’une pénurie d’eau, un maire pourrait demander à une commune voisine « excédentaire en eau potable »  de lui fournir de l’eau, à titre gratuit. Les élus MoDem n'ont pas réussi à supprimer cette mesure qu’ils estiment « ne pas aller dans le sens d'une responsabilisation des collectivités dans leur gestion de l'eau », dans un contexte de raréfaction de la ressource.

En revanche, les députés ont d’ores et déjà supprimé, en séance, la mesure prévoyant de supprimer certains contrôles - jugés « inefficaces »  - effectués par les Spanc et d’instaurer de nouvelles obligations au moment de la vente d’un bien. Une limitation des contrôles qui risquerait de « fragiliser les missions des Spanc », « mettre en danger leur rôle dans la protection de la santé publique, voire leur existence »  et de dégrader progressivement les équipements, selon les députés.

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