Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 4 mars 2025
Eau et assainissement

Fin du transfert obligatoire de l'eau et de l'assainissement : une nouvelle étape franchie

La proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences eau et assainissement a été adoptée, hier, en commission des lois à l'Assemblée nationale. Plusieurs amendements importants ont été adoptés. 

Par Franck Lemarc

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© Seine-Normandie agglo

C’est une proposition de loi de grande importance pour les collectivités, qui va sans doute bientôt achever son parcours parlementaire : ce texte, s’il est adopté en l’état, va mettre fin à l’obligation faite aux communes de transférer aux EPCI les compétences eau et assainissement, le 1er janvier prochain. 

Cela fait dix ans – depuis l’adoption de la loi Notre – que l’AMF combat cette disposition particulièrement attentatoire à la libre administration des collectivités locales, et que tous les gouvernements ont défendu bec et ongles… Jusqu’à ce petit coup de théâtre d’octobre dernier, lorsque le Premier ministre Michel Barnier, au détour d’une question au gouvernement, annonçait son intention de revenir sur cette obligation, du moins pour les communes n’ayant pas encore transféré les compétences (il n’y aura pas de retour en arrière possible pour les autres). 

Le Sénat fidèle à lui-même

La proposition de loi donnant corps à cette décision a été adoptée par le Sénat le 17 octobre dernier. Assez logiquement, le Sénat, qui s’est toujours opposé à ce transfert obligatoire « au nom de la liberté des territoires », a volontiers modifié le texte initial de la proposition de loi, qui visait à l’origine à n’assouplir le transfert que dans les zones de montagne. En séance publique, le Sénat a adopté plusieurs amendements visant à « rétablir le caractère optionnel du transfert des compétences eau et assainissement »  à « toutes les communes membres d’une communauté de communes ». 

Jusque-là, rien d’exceptionnel : ce n’était pas la première fois que le Sénat adoptait des mesures dans ce sens. Mais jusqu’à présent, elles ont systématiquement été rejetées à l’Assemblée nationale, les gouvernements successifs, et leurs majorités, s’y opposant.

Ce ne devrait plus être le cas cette fois, François Bayrou ayant confirmé vouloir aller dans le même sens que son prédécesseur Michel Barnier dans ce dossier.

Unanimité en commission

La commission des lois de l’Assemblée nationale, hier, a donné le tempo en adoptant cette proposition de loi, assortie d’une dizaine d’amendements nouveaux. 

« C’est un texte très attendu, s’est réjoui en commission le rapporteur Jean-Luc Warsmann (Liot). Nous allons rétablir la liberté pour les communes et le respect des élus » . Les députés des différents groupes ont, dans leur totalité, affirmé leur soutien à cet assouplissement. « Il est temps de cesser d’affaiblir les communes », a affirmé le RN. Le parti présidentiel, Ensemble pour la République, a lui aussi pris le virage, son représentant lançant en prenant la parole un vibrant « Enfin, nous y sommes ! »  – qui conduit à se demander pourquoi son groupe n’a pas été favorable plus tôt à la fin du transfert obligatoire. S’il s’est dit « favorable à l’intercommunalisation de la compétence eau », le député EPR a reconnu que « la mutualisation à marche forcée n’est pas toujours pertinente ». Son groupe « soutiendra »  donc la fin du transfert. La France Insoumise s’est réjouie « du rétablissement d’une certaine liberté communale », tout comme le Parti socialiste et Les Écologistes. Les Républicains, enfin, ont salué « la fin d’un long combat » : « Lorsqu’une erreur est commise, il convient de la réparer. » 

Les amendements adoptés

Une trentaine d’amendements a été débattue. Certains ont été rejetés, notamment ceux, issus de la gauche, qui proposaient de permettre aux communes ayant déjà opéré le transfert de revenir en arrière. 

En revanche, la commission a adopté une dizaine d’amendements. Le premier permet la création de syndicats « infracommunautaires »  en matière d’eau et d’assainissement. 

Un autre amendement rétablit clairement la « sécabilité »  de la compétence assainissement, c’est-à-dire de pouvoir faire un choix différent, en matière de transfert, pour l’assainissement collectif et non collectif – proposition notamment soulevée par l’AMF afin de tenir compte de l’exercice du Spanc (service public de l'assainissement non collectif) par de nombreuses communautés de communes

Un nouvel amendement va « permettre d’organiser la solidarité territoriale en cas de pénurie d’eau dans une commune ». Lors d’une pénurie d’eau, un maire pourrait demander à une commune voisine « excédentaire en eau potable »  de lui fournir de l’eau, à titre gratuit – seul l’acheminement étant financé par la commune demandeuse. La commune donatrice serait « exemptée de toute contribution sur l’eau faisant l’objet du transfert gratuit ». 

Spanc

Enfin, un dernier amendement adopté est relatif au Spanc (service public de l’assainissement non collectif) et plus précisément au contrôle des installations. Aujourd’hui, ce contrôle est obligatoire « préalablement à la conception puis lors de l’exécution d’une installation neuve ou à réhabiliter »  ; puis, « de façon régulière »  (a minima tous les 10 ans). Mais le rapporteur du texte, Jean-Luc Warsmann, constate que lorsqu’une installation n’est pas aux normes, le Spanc n’a pas de moyens pour « rendre effective la mise aux normes de l’installation ». L’amendement vise à « modifier profondément la logique »  des contrôles existants. D’une part, en supprimant certains contrôles jugés « inefficaces »  ; mais surtout, d’autre part, en instaurant de nouvelles obligations au moment de la vente d’un bien. Un diagnostic de l’installation d’ANC serait obligatoire avant la mise en vente d’une maison, avec obligation de le faire figurer dans les diagnostics techniques remis à l’acheteur. Si l’acquéreur décide d’acheter un bien dont l’installation d’ANC n’est pas aux normes, il aura un an pour la mettre en conformité, sous peine de sanctions. 

Le texte a été adopté par la commission avec ces modifications. Seul regret : l’ajout de ces amendements, s’il est confirmé en séance, empêchera un vote « conforme »  par rapport à la version du Sénat, ce qui aurait été synonyme d’une adoption définitive et rapide. Dans le cas contraire, il faudra convoquer une commission mixte paritaire. Et le temps presse : le 1er janvier 2026 n’est que dans dix mois. 

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