Économie circulaire : un compromis trouvé sur la consigne
Vendredi, trois jours après que la commission mixte paritaire (CMP) est parvenue à un accord, le texte du projet de loi Économie circulaire a été mis en ligne. Retour sur les éléments du consensus intéressant directement les collectivités, avec la députée La République en marche de la Seine-Maritime Stéphanie Kerbarh, rapporteure du texte à l’Assemblée nationale.
« On a bien travaillé ! », se félicite la députée qui salue le fait que la CMP a élaboré un texte voté « à l’unanimité », un consensus ayant été trouvé « sur les principaux points durs, à savoir la consigne, les dépôts sauvages et la question des déchets du bâtiment ».
Consigne : du temps et des données objectives
Sur la consigne – sujet qui fait l’objet d’un vif débat depuis cet été entre le gouvernement et la majorité d’une part, et les acteurs de la gestion des déchets, de l’autre –, c’est déjà du temps qui a été gagné : alors que le gouvernement souhaitait une mise en place de la consigne sur les bouteilles plastique en 2023, le texte final évoque plutôt 2024. Et, surtout, sous de multiples conditions. « En fait, nous avons constaté pendant les auditions que personne n’était d’accord sur les chiffres », explique Stéphanie Kerbarh, et qu’il y avait donc avant tout besoin de données objectives. C’est pourquoi le texte issu de la CMP précise qu’aucune décision ne sera prise avant la publication du rapport 2023 de l’Agence de l'environnement (Ademe) : à partir de 2021, celle-ci publiera chaque année avant le 1er juin « une évaluation des performances effectivement atteintes au cours de l’année précédente, en distinguant les bouteilles collectées par le service public de gestion des déchets ménagers, par les corbeilles de tri dans l’espace public et par la collecte au sein des entreprises ». En fonction des résultats de ce bilan, en juin 2023 donc, « si les performances cibles ne sont pas atteintes », il pourrait alors être décidé de mettre en place un système de consigne. Autrement dit, poursuit la députée, « on va laisser l’extension des consignes de tri se mettre en place, et faire le bilan. La consigne ne sera mise en place que si les chiffres en démontrent l’utilité. » Et encore, ajoute-t-elle : « Qui sait, d’ici là, peut-être que d’autres techniques seront apparues et que la consigne sera dépassée ? ».
Quant aux « expérimentations » voulues par le gouvernement, elles ont été drastiquement encadrées pour tenir compte de l’avis des communes et EPCI concernés : des expérimentations de la consigne pourraient être mises en place à l’échelle régionale si et seulement si « au moins 90 % des collectivités et groupements exerçant la compétence » en font la demande. On se rapproche donc de l’axe prôné par le chef de l’État et le Premier ministre lors du congrès de l’AMF : « Rien se ne fera sans les collectivités ».
Dans un commununiqué de presse, Marta de Cidrac, rapporteure du texte (LR) pour le Sénat, s'est félicitée de cette avancée : « Le gouvernement a entendu le point de vue du Sénat et a repoussé l'application de la consigne pour recyclage pour 2024, maissant le temps aux collectivités de démontrer la qualité de leur travail en matière de traitement des déchets. »
Dépôts sauvages : quelques souplesses
Deuxième point de blocage : la lutte contre les dépôts sauvages. On se rappelle (lire Maire info du 20 décembre dernier) que le gouvernement avait finalement refusé d’intégrer dans le projet de loi, à la veille de son adoption par l’Assemblée nationale, des mesures de simplification voulues par l’AMF permettant aux maires une gestion plus souple des petits dépôts sauvages (moins de 5 mètres cubes).
En CMP, députés et sénateurs ont trouvé un accord sur « un compromis de dernière minute obtenu à la demande de l'Association des maires de France », a précisé en séance Marta de Cidrac. L’article 12AA, récrit par la CMP, précise à présent que le maire peut prononcer à l’encontre de la personne responsable du dépôt sauvage une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros. Par la suite, il peut « faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais », à l’enlèvement du dépôt sauvage. L’amende serait fléchée vers la commune ou l’EPCI et non vers l’État.
L’AMF demandait que le délai à partir duquel le maire peut agir soit abaissé de 15 jours à 48 h, pour éviter qu’un dépôt sauvage « attire » d’autres déchets. Stéphanie Kerbarh explique que ce délai de 48 h aurait « très probablement été retoqué par le Conseil constitutionnel », Dans le cas des épaves d’automobile, explique la députée, de nouvelles dispositions ont été adoptées pour « simplifier » l’action des maires, qui pourraient désormais saisir les Dreal (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement), lesquelles pourraient missionner une entreprise qualifiée pour procéder à l’enlèvement. Le délai pour agir, dans le strict domaine des épaves, serait porté de 15 à 10 jours.
Déchets du bâtiment : « maillage territorial »
Enfin, la députée de la Seine-Maritime souligne des « avancées intéressantes » sur la REP (responsabilité élargie du producteur) du secteur du bâtiment. « Premièrement, la CMP s’est rendue à l’avis du Sénat qui refusait que la liste des matériaux de cette filière concernée par la REP soit fixée par décret. Ce seront donc tous les matériaux du bâtiment qui seront concernés ». La CMP a également acté que les producteurs qui organisent une collecte séparée (une benne devant un magasin par exemple) pourront déduire de leur éco-contribution « les sommes correspondant aux quantités de déchets faisant l’objet d’une collecte séparée ».
Le même article 9 du texte adopté décrit précisément, toujours dans le domaine du bâtiment, la façon dont devra s’organiser le « maillage territorial » des installations destinées à reprendre « sans frais » les déchets de produits ou de matériaux de construction. Ce maillage devra obligatoirement être « défini en concertation avec les collectivités territoriales chargées de la collecte des déchets ménagers ».
Stéphanie Kerbarh salue également la décision, confirmée par la CMP, de création d’une nouvelle filière REP, à partir du 1er janvier 2024, sur les « lingettes préimbibées », qui « sont souvent jetées dans les toilettes et se retrouvent dans les stations d’épuration, ce qui pose beaucoup de problèmes aux collectivités qui les gèrent ».
Ce texte – qui est passé de 13 à 130 articles au cours de la navette parlementaire – va donc maintenant être définitivement adopté, sans modifications nouvelles. Ce devrait être le 21 janvier au Sénat et le 22 à l’Assemblée nationale.
Franck Lemarc
Télécharger le texte de la CMP.
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