AMF, ADF et Régions de France plaident ensemble pour « une grande loi de décentralisation »
Les représentants des trois niveaux de collectivités territoriales, réunis sous la bannière de Territoires unis, ont donné ce matin une conférence de presse commune au Sénat, en présence de Gérard Larcher, le président de la Chambre haute. Tous plaident pour une véritable loi de décentralisation, « une très grande loi de liberté », pour « plus de libertés locales pour plus d’efficacité ».
François Baroin (AMF), Dominique Bussereau (ADF) et Renaud Muselier (Régions de France), entourés d’autres responsables de leurs associations, ont précisé que l’initiative de ce matin était sans lien avec le remaniement, la décision de convoquer cette conférence de presse ayant été prise avant la fin du gouvernement d’Édouard Philippe. Elle n’est pas sans lien, en revanche, avec la crise sanitaire : dans cette crise, « les collectivités ont montré leur réactivité, leur adaptabilité et leur opérationnalité ». Preuve, estiment-ils, que le principe de subsidiarité doit être « définitivement inscrit comme l’une des transformations nécessaires de notre pays ».
Relations houleuses
François Baroin a refait l’historique des relations de plus en plus houleuses entre les collectivités et l’État, depuis 2013 : tentative de l’État d’imposer l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, (« c’est-à-dire de signer la mort des communes » ), création des super-régions, baisse drastique des dotations en 2014 (« 14 milliards d’euros ont disparu » ). Sous la présidence d’Emmanuel Macron, « aucun engagement n'a été respecté, en dehors de la suppression de la taxe d’habitation qui est mauvaise pour les collectivités », a fustigé le maire de Troyes – rappelant la baisse « surprise » de l’effort demandé aux collectivités, le « regroupement forcé des offices de l’habitat », l’affaire des APL. Autant de dossiers qui ont conduit les trois associations nationales à « quitter la table » de la Conférence des territoires, avant de se réunir, à Marseille, en septembre 2018, au sein de Territoires unis. « Le principal acquis de la politique d’Emmanuel Macron vis-à-vis des collectivités sera d’avoir permis la création de Territoires unis », dira plus tard Renaud Muselier.
François Baroin est également revenu sur les deux crises majeures intervenues depuis 2018, les Gilets jaunes et l’épidémie de covid-19. La première aurait pu « emporter la République », juge-t-il. Pendant le Grand débat national qui a suivi, les maires ont « partout été acteurs et facilitateurs ». Pendant l’épidémie, l’État a fait, selon le président de l’AMF, la démonstration de « son incapacité à être présent partout sur le territoire ».
André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, lui aussi présent à la table pour affirmer « qu’en dépit des caricatures (qu’il) entend, Territoires unis n’est pas une affaire de la droite », a abondé dans le même sens : « L’État a montré pendant l’épidémie qu’il n’avait pas l’agilité nécessaire. Alors, on se tourne encore et toujours vers les collectivités locales pour leur dire ‘’faites, faites, faites !’’ ».
Dominique Bussereau et Renaud Muselier ont, eux aussi, exprimé leur conviction que les rapports doivent changer, en profondeur, entre l’État et les collectivités. Le président de l’ADF a notamment insisté sur la gestion de la crise épidémique par les ARS (Agences régionales de santé) sous tutelle de l’État et évoqué « la sourde colère contre les ARS » qui s’entend sur presque tout le territoire. « Les ARS sont déconnectées des territoires, et même de l’autorité préfectorale », a déploré Dominique Bussereau.
En finir avec la dépendance des collectivités
Les trois associations demandent donc qu’à l’occasion de la formation du nouveau gouvernement soit remise sur la table la question d’une « profonde rénovation des relations entre l’État et les collectivités », afin de garantir la libre administration des collectivités, d’assurer leur autonomie financière et fiscale et d’établir « une nouvelle répartition des compétences ». « La décentralisation reste aujourd’hui descendante, a rappelé André Laignel, c’est-à-dire que c’est l’État qui attribue les compétences. » Territoires unis souhaitent que cette logique soit « inversée », c’est-à-dire que « toutes les compétences soient décentralisées », en dehors de certaines qui doivent être « clairement définies », dans le domaine « du régalien ou de la solidarité nationale ». Cette décentralisation apparaît nécessaire « pour que la France ne se défasse point », a affirmé André Laignel, reprenant une formule du président Mitterrand. Comme l’indique le communiqué de Territoires unis, cette nouvelle étape de décentralisation « doit se traduire par la fin de la dépendance des collectivités à l’égard de l’État ». C’est, a conclu François Baroin, « un nouveau modèle à inventer de décentralisation à la française, qui ne soit ni le fédéralisme allemand, ni l’ultracentralisation actuelle ».
Et maintenant ?
Les associations se disent donc « pleinement disponibles » pour discuter avec le gouvernement. Plusieurs projets sont d’ores et déjà sur la table. Côté gouvernement, le fameux texte « 3D » est apparemment rédigé, mais n’a pas été soumis aux associations d’élus – ce qui n’apparaît pas comme la meilleure façon de démarrer une consultation. Quant au Sénat, on s’en rappelle, il a versé au débat « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales » (lire Maire info des jeudi 2 et vendredi 3 juillet), propositions auxquelles les responsables de Territoires unis affirment « pleinement adhérer ». Gérard Larcher, lors de la conférence de presse de ce matin, a même expliqué que trois propositions de lois (ordinaire, organique et constitutionnelle) étaient déjà prêtes pour mettre en musique ces propositions, et qu’elles avaient déjà été remises au Premier ministre.
Dernière information issue de cette conférence de presse : les trois présidents de l’AMF, de l’ADF et de Régions de France se sont unanimement déclarés défavorables à un report des élections prévues en mars 2021. Quant à Gérard Larcher, il a annoncé que le président de la République lui avait affirmé que le calendrier électoral ne serait pas modifié.
Franck Lemarc
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