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Édition du mardi 7 novembre 2023
Ecole

Éducation sexuelle à l'école : les propositions des associations pour une réforme

Dix associations ont publié hier un livre blanc avec une quarantaine de recommandations pour « rendre effective » l'éducation sexuelle dans les établissements scolaires. Elles suggèrent notamment de mettre en place un plan national dédié alors qu'une réforme de l'éducation sexuelle à l'école est prévue par le gouvernement.

Par Lucile Bonnin

Elle est obligatoire dès l’école primaire depuis 2003. Pourtant, selon le rapport de l’IGESR publié en 2021, moins de 15 % des élèves en France bénéficient de trois séances d’éducation sexuelle pendant l’année scolaire en école et moins de 20 % au collège. 

Pour rappel, d’après le Code de l’éducation, les élèves des écoles, collèges et lycées doivent suivre trois séances annuelles d’éducation à la sexualité : « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène »  (article L312-16).

Force est de constater qu’il existe un véritable « défaut de mise en œuvre d’une éducation à la sexualité effective sur l’ensemble du territoire national »  et que cela « entraîne des conséquences graves »  pour les enfants et jeunes qui ne sont pas sensibilisés à ces sujets. C’est ce que dénonce un collectif d’organisations de la société civile dotées d’une expertise sur l’éducation à la sexualité (le Planning familial, Sidaction, En Avant Toute(s), la Fédération nationale solidarité femmes, etc), en publiant hier un livre blanc comprenant pas moins de 46 recommandations. 

Un besoin impérieux

Les chiffres concernant les discriminations, l’homophobie, le harcèlement, les violences sexistes et sexuelles ou encore les connaissances en santé sexuelle chez les jeunes sont « éloquents » . Par exemple, 36 % des 18-24 ans pensent qu’une femme peut prendre plaisir à être humiliée ou injuriée. Selon un rapport du Sénat, deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers des enfants de moins de 12 ont déjà eu accès à des images pornographiques. 

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) indique également que 31 % des jeunes de moins de 24 ans déclarent être mal informés sur le VIH/sida. C’est un pourcentage qui a augmenté de 20 points par rapport à 2009. 18 % de ces jeunes pendant également que « la prise d’une pilule contraceptive d’urgence est efficace pour empêcher la transmission du VIH/sida ». 

Ces lacunes en éducation sexuelle ont aussi des conséquences directes dans les établissements scolaires. En effet, « 50 % des jeunes homosexuels ont ressenti des discriminations durant leur parcours scolaire, collège et lycée confondus ».

L'éducation sexuelle est aussi un outil pour prévenir les violences exercées contre les enfants. En deux ans, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences faites aux enfants (Ciivise) a reçu 27 000 témoignages de victimes. Cette même Commission a également récemment révélé que 160 000 enfants sont violés ou agressés chaque année en France.

Un plan national 

Les associations proposent en premier lieu de « rendre le cadre de l’éducation à la sexualité plus impératif » . Pour ce faire, elles recommandent la mise en place d’un plan national pluriannuel dédié et d’ « organiser, par voie législative et réglementaire, sa déclinaison en stratégie ou convention nationale, donnant lieu à un pilotage et suivi par un comité national, incluant notamment la répartition des séances entre Éducation nationale et intervenants extérieurs ». 

Dans la lignée de cette proposition phare, un comité de pilotage devrait être instauré et chaque académie devrait nommer un référent spécialisé sur ces questions qui serait chargé de « préparer, animer et suivre la déclinaison académique du plan national et son suivi en lien notamment avec l’ensemble des partie prenantes au niveau académique (chefs d'établissement, ARS, collectivités territoriales, associations, parents…) ». 

Les associations plaident aussi pour que la question des moyens pédagogiques soit réévaluée. Elles proposent d’ « harmoniser les modalités d’attribution des subventions dédiées à l’éducation sexuelle en faveur des établissements et des associations intervenantes » , de  « systématiser, revaloriser, et pérenniser les enveloppes budgétaires attribuées par l'académie à chaque établissement pour mettre en œuvre ces interventions »  et de « recruter massivement des infirmiers et infirmières de l’Éducation nationale, notamment en territoires ruraux, périurbains et ultramarins ». 

Enfin, il est suggéré dans le livre blanc de débuter l’éducation sexuelle dès le plus jeune âge, et notamment en maternelle, en évoquant la thématique « du consentement et du respect de son propre corps et de celui d’autrui ».

Continuité éducative

« Mettre en place un manuel de l’éducation sexuelle, dont les contenus, y compris des séances, soient adaptés à l'âge, au regard des besoins fondamentaux et du stade de développement de l’enfant »  : c’est une proposition forte soutenue par les associations. Le livre blanc souligne la nécessité de faire un véritable travail de fond sur ce que peut être une approche actuelle de l’éducation sexuelle à l’école en évoquant des questions comme l’égalité femmes/hommes, la lutte contre les discriminations, l’intimité corporelle, etc.

Pour y parvenir, le collectif met l’accent sur la nécessité de « renforcer la formation initiale sur l’éducation sexuelle de tous les professionnels de l’Éducation nationale, y compris des chefs d'établissements ». 

Juste avant le remaniement de juillet dernier, l’ex-ministre de l’Éducation Pap Ndiaye annonçait dans un communiqué « l’élaboration d’un programme et d’un plan de formation pour les personnels »  concernant l’éducation sexuelle dans les établissements scolaires. Les propositions du Conseil des programmes étaient attendues pour ce mois-ci. Interrogée par les journalistes de Libération, la ministre chargée de l’Égalité et de la Lutte contre les discriminations, Bérangère Couillard, a indiqué que ces propositions seront faites « d’ici décembre »  sur le sujet. Ces propositions « devront accorder une place particulière à l’égalité filles-garçons, à la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’identité de genre ou l’orientation sexuelle réelle ou supposée, ainsi qu’à la notion de consentement » , selon le communiqué de juin dernier et « des ressources pédagogiques seront élaborées afin d’accompagner les personnels de l’Éducation nationale ». 

 

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