Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 13 septembre 2022
Eau et assainissement

Droit de préemption dans les zones de captage d'eau potable : le décret est enfin paru

Le décret relatif au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau est enfin paru au Journal officiel, hier, après quatre ans d'élaboration. Très attendu par les communes et les intercommunalités, il permet d'instituer un droit de préemption des surfaces agricoles dans les aires de captage d'eau potable. 

Par Franck Lemarc

C’est la loi dite « Lecornu »  du 27 décembre 2019 qui a instauré, à l’article 118, ce droit de préemption : «  À la demande de la commune ou du groupement de communes compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau (…), l'autorité administrative de l'État peut instituer un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l'aire d'alimentation de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine. Ce droit de préemption a pour objectif de préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement. »  Il restait à prendre un décret, prévu par la loi, pour déterminer les conditions d’application de cette disposition, et c’est désormais chose faite. 

Intervention du Conseil d’État 

Si la parution du décret a tardé, c’est que sa première version a été bloquée par le Conseil d’État : le premier projet de décret avait été approuvé par les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes, en juillet 2020, mais le Conseil d’État avait estimé que certaines de ses dispositions relevaient de la loi et non du simple règlement. Il a donc fallu trouver un véhicule pour introduire ces dispositions dans la loi, ce qui a été fait via la loi 3DS, en février 2022, et son article 191

Dès lors, le décret a été en partie récrit, sans changement majeur sur le fond, et il a à nouveau été validé par les représentants des élus, le 30 mars dernier. Seul changement d’importance par rapport à la première version : le droit de préemption a été étendu aux syndicats mixtes, en plus des communes et intercommunalités. 

Les associations d’élus satisfaites

Sur le fond, le décret précise que l’autorité administrative qui instruira le droit de préemption est le préfet de département. Si la surface agricole concernée par la demande s’étend sur plusieurs départements, le préfet instructeur est celui du département « où se situe le point de prélèvement ». 

Les communes, intercommunalités ou syndicats mixtes qui font la demande d’un droit de préemption doivent fournir au préfet une délibération de leur organe délibérant, ainsi qu’un dossier comportant « un plan présentant le périmètre du territoire sur lequel l'institution du droit de préemption est sollicitée », une étude hydrogéologique, une note « présentant le territoire »  et un argumentaire « justifiant le choix du périmètre proposé ». 

À réception du dossier, le préfet sollicite sous 15 jours l’avis des communes et EPCI situés sur le territoire concerné, des chambres d’agricultures, des Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural). Une décision devra être prise dans les six mois qui suivent la réception du dossier. En cas de refus du préfet d’instaurer le droit de préemption, celui-ci devra être motivé. 

Ce dispositif correspond aux demandes des associations d’élus, se sont félicitées celles-ci au Cnen. Les élus ont toutefois estimé que « la maîtrise foncière doit effectivement permettre, tout en maintenant l’usage agricole des parcelles, de préserver la ressource en eau par l’établissement d’un cahier des charges doté de clauses environnementales détaillant les mesures nécessaires à l’accomplissement de cet objectif ». Et ils ont noté que le nouveau dispositif ne s’accompagne d’aucuns moyens financiers. Les représentants des élus ont donc demandé que l’État accompagne les collectivités en termes d’ingénierie. 

Du côté de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), on est également satisfait de ce décret, tout en soulignant que ces dispositions marquent l’échec des programmes d’action contre l’usage des nitrates. Faute d’engagement suffisant de certains acteurs agricoles, explique-t-on à la FNCCR, les collectivités vont donc devoir procéder à des acquisitions, ce qu’elles « n’envisagent pas de gaieté de cœur », souligne la FNCRR dans l’édition d’aujourd’hui de Localtis

Sans surprise, ces nouvelles dispositions sont beaucoup moins appréciées du côté de la FNSEA qui, dès 2019, critiquait déjà « la focalisation excessive sur un droit de préemption dans les zones de captage », droit que le syndicat oppose à une démarche « de contractualisation et de co-construction ». 

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